Vétuste et limité par son ensablement, le port de Brazzaville est en travaux. Et devrait retrouver son rôle de plateforme stratégique régionale.
Construit à partir de 1921 pour faciliter le regroupement des matières premières de l’Afrique-Équatoriale française avant leur expédition vers la métropole, le Port autonome de Brazzaville n’est désormais plus que l’ombre de lui-même. Ses quais presque centenaires ont vu passer jusqu’à 600 000 tonnes de marchandises par an jusqu’au milieu du XXe siècle : balles de coton du Tchad, caoutchouc de l’Oubangui-Chari et grumes de bois exotiques du Moyen-Congo venaient s’empiler sur les pavés damés à même la berge, avant d’être embarqués sur le chemin de fer Congo-Océan (CFCO) jusqu’au port maritime de Pointe-Noire, pour prendre le large, destination l’Europe.
Le trafic avec Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa) était à son zénith et le restera jusque dans les années 1960… Depuis, pour reprendre l’expression d’un Brazzavillois, « de voie de communication et d’échange, le fleuve s’est mué en frontière ».
Depuis trente ans, le manque d’investissements n’a pas aidé le port de Brazzaville à retrouver son dynamisme d’antan. « Actuellement, moins de 100 000 tonnes y transitent chaque année », reconnaît Roberto Prota, directeur général des Terminaux du bassin du Congo (TBC). La filiale du groupe français Necotrans est devenue opérateur de la concession portuaire le 1er décembre 2014, pour une durée de quinze ans, avec pour objectif d’y tripler le trafic de marchandises. Un sacré défi pour TBC, qui semble néanmoins pouvoir compter sur le soutien des pouvoirs publics et de l’autorité du Port autonome de Brazzaville et ports secondaires (PABPS) pour relancer un outil à bout de souffle.
Logique de modernisation
Ces dernières années, le pays a décidé de s’appuyer sur son statut de deuxième plus important bassin fluvial au monde (après l’Amazonie) afin de redevenir une plateforme logistique majeure pour l’ensemble de la sous-région. En 2009, l’État a accueilli à bras ouverts le français Bolloré Africa Logistics et son associé congolais Socotrans, qui ont fait basculer le Port autonome de Pointe-Noire dans le XXIe siècle en prenant la concession de son terminal à conteneurs, Congo Terminal.
Il s’escrime aussi depuis de longues années à moderniser la ligne du CFCO, qui relie la cité océane à la capitale et, en parallèle, à terminer le chantier de la RN1 dont le dernier tronçon, Dolisie-Brazza, après s’être un peu embourbé, devrait être achevé pour 2016.
C’est dans cette même logique intermodale que le gouvernement congolais a lancé la réhabilitation du port de Brazzaville, dont il a pour la première fois confié les clés au secteur privé. « Nous devons utiliser le fleuve comme une autoroute vers le cœur de l’Afrique », expliquait en 2014 Gilbert Mokoki, le ministre chargé des Voies navigables et de l’Économie fluviale. Soutenu par les bailleurs de fonds, l’État a prévu de débourser environ 50 milliards de F CFA (plus de 76 millions d’euros) pour rénover le Port autonome de Brazzaville et le chapelet de ports secondaires du pays.
Optimiser le fleuve Congo
Mais pour que le fleuve Congo puisse jouer son rôle de grand axe pénétrant et retrouver les trafics de bois (à la descente) et de produits alimentaires ou pétroliers (à la remontée), les pays riverains vont devoir travailler ensemble pour en améliorer la navigabilité.
Le groupement d’intérêt économique créé par le Congo et la RD Congo n’a jamais vraiment fonctionné et, comme le souligne Gilbert Mokoki, « le fleuve n’a pas été entretenu depuis près de quinze ans ; par exemple, le balisage pose des problèmes ». En raison de son faible tirant d’eau (quelques dizaines de centimètres seulement par endroits), notamment sur certains affluents et surtout en saison sèche, le Congo n’est navigable que six à sept mois par an.
En attendant de s’entendre avec la RD Congo pour améliorer les conditions de navigation, le Congo remet à niveau ses installations portuaires. Au port de Brazzaville, environ 14,6 millions d’euros ont déjà été investis par TBC pour réhabiliter les entrepôts, tandis que le chinois Sinohydro s’apprête à livrer au premier trimestre 2016 un linéaire de quai flambant neuf de plus de 1 km de long.
De quoi redevenir le port de référence pour l’ensemble du Pool Malebo, ce lac formé sur le cours du fleuve, et des deux capitales qui le bordent. Jusqu’à l’arrivée possible d’un nouveau terminal, dimensionné pour suivre l’évolution du marché, à Maloukou, un peu plus en amont du fleuve. « Des études de faisabilité sont en cours. Nous en reparlerons d’ici à cinq ans, en fonction des besoins de consommation constatés tant à Brazzaville qu’à Kinshasa », assure Gilbert Mokoki.
Des besoins qui s’annoncent énormes, à la démesure de « Kin », dont la population devrait passer de 10 millions d’habitants actuellement à quelque 15 millions en 2025. Pour alimenter une telle mégapole, « le fleuve est la solution la plus viable, la plus fiable et la plus efficace », assure Roberto Prota, comme pour mieux justifier le choix de Necotrans de se lancer pour la première fois dans la gestion de terminaux fluviaux.
Avec jeune afrique