Quel film suscitera le scandale lors du 70e Festival de Cannes ? A trois jours de l’ouverture, retour sur dix films qui ont plongé la Croisette dans le chaos.
Au cinéma, faut-il faire scandale pour passer à la postérité ?, se questionnait Paris Match en 1996, après la présentation de «Crash» de David Cronenberg. Si la Croisette a toujours aimé l’odeur du souffre, le scandale n’a jamais été synonyme de Palme d’or, en tout cas pour nos dix exemples.
1973 – «La Grande bouffe» de Marco Ferreri
C’est bien sûr le film le plus scandaleux de l’histoire du Festival de Cannes, critique féroce de la société de la consommation élevée au rang d’Art, dans lequel quatre notables organisent un suicide collectif par indigestion. Le film avait provoqué quelques pets d’indignation…
1986 – «Max mon amour» de Nagisa Oshima
Du regretté maître nippon, on aurait pu choisir «L’Empire des sens» sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs, et qui repasse en copie restaurée à Cannes Classics. Mais c’est «Max mon amour» qui a provoqué le plus de remous lors de sa présentation – il faut dire que ce n’est pas tous les mercredis que l’on découvre sur grand écran une histoire d’amour entre une femme… et un singe.
1987 – «Sous le soleil de Satan» de Maurice Pialat
«Et si vous ne m’aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus». Palme d’or à l’unanimité des mains d’Yves Montand, «Sous le soleil de Satan» a suscité le scandale le soir de la remise des prix, raflant la Palme d’or à la surprise générale, alors que la critique penchait pour «Les Ailes du désir» de Wim Wenders.
1996 – «Crash» de David Cronenberg
Le fracas du sexe et de la mort dans un film à l’esthétique glacée et cérébrale. Adaptant le roman culte de James Ballard, David Cronenberg joue avec les limites de la morale et s’interroge sur les fondements même de la sexualité et du prolongement de celle-ci dans l’expérimentation technologique. La Croisette n’avait pas d’air-bag et le film suscite une violente polémique. Il obtiendra néanmoins le prix du Jury.
1997 – «Funny Game» de Michael Haneke
Avant d’être un réalisateur «respectable» et doublement palmé d’or, le réalisateur autrichien prenait en otage le spectateur avec une démonstration froide et clinique de notre rapport à la violence cinématographique. Malaise garanti.
2002 – «Irréversible» de Gaspar Noé
Un réalisateur que l’on menace physiquement à la sortie du palais des festivals, des spectateurs qui quittent la salle, la rage au ventre et le coeur en vrac: le déchaînement formel et thématique d’«Irréversible», le deuxième long métrage de Gaspar Noé est peut-être le dernier vrai scandale sur la Croisette. De la scène de l’extincteur au viol de Monica Bellucci dans un tunnel sordide, rien n’est épargné au spectateur cannois, pas même une dernière demi-heure lumineuse.
2003 – «Brown Bunny» de Vincent Gallo
Vincent Gallo qui se rase au ralenti, Vincent Gallo qui se regarde dans la glace, Vincent Gallo qui marche dans le désert devant la caméra de… Vincent Gallo. Ego-trip mélancolique et charnel, «The Brown Bunny» a provoqué les ricanements d’une partie de la presse internationale. La célèbre fellation finale, garantie sans truquage par le cinéaste-acteur lui-même, a fini par écrire la légende.
2009 – «Antichrist» de Lars von Trier
La vision du paradis et de l’enfer du génial formaliste danois avait provoqué un joli scandale lors de l’édition 2009. Lors de la première projection presse, le film avait été copieusement sifflé, surtout sa seconde partie, quand Charlotte Gainsbourg prend les choses en main et au burin. Cela n’a pas empêché «Antichrist» de repartir avec le prix d’interprétation féminine… Lars von Trier a encore frappé fort deux ans plus tard, expliquant lors de la conférence de presse, sur le ton de la plaisanterie éprouver parfois de la compassion pour Adolf Hitler. Et le Danois d’être chassé de Cannes…
2012 – «Post Tenebras Lux» de Carlos Reygadas
Un diable rose dans la nuit, un homme qui s’arrache littéralement la tête sans raison, une scène de partouze à Paris qui intervient au milieu du récit sans crier gare : personne n’a rien compris au film du réalisateur mexicain Carlos Reygadas aux hallucinantes expériences visuelles. Et le public d’hésiter entre rire et fuir.
2016 – «The Neon Demon» de Nicolas Winding Refn
Même si le cinéaste danois avait déjà habitué le public cannois de son goût pour l’ultra-violence, la scène de l’oeil vomi sur le tapis de bain a fait son effet, suscitant dégoût et ricanement. A la rédaction, nous étions divisés….