La Tribune Afrique : Peut-on aujourd’hui classer HEC Paris parmi les institutions d’envergure mondiale à l’instar de Wharton, Stanford ou Harvard ?
François Collin : Les grands classements internationaux nous font en tout cas figurer aux places d’honneur parmi les grandes institutions mondiales, pour tous nos programmes ! Mais nous avons une spécificité à faire valoir, qui est à la fois française, européenne, internationale. La diversité multiculturelle sur le campus de HEC Paris est supérieure à celle de bien des grands campus américains : 70% de nos professeurs sont internationaux, et jusqu’à 90% de nos étudiants dans le programme MBA. Notre ouverture sur le monde au travers des doubles diplômes et des parcours internationaux fait référence. Et nous revendiquons le bilinguisme qui est une force, même si la seule langue obligatoire pour étudier à HEC Paris est l’anglais.
La réussite de HEC Paris est celle de nos diplômés. En France, un quart des dirigeants d’entreprises du CAC 40 sont issus de notre école. Dans le monde, nous sommes 3e, après les universités de Harvard et Stanford pour le nombre d’alumni à la direction des 500 plus grandes entreprises mondiales.
Qu’est-ce qui fait la spécificité de HEC Paris ?
HEC Paris, c’est une histoire de plus de 130 ans, mais ce sont toujours les mêmes fondamentaux : l’excellence des professeurs, la sélection des étudiants, la proximité avec les entreprises. Et depuis 20 ans, notre histoire est celle d’une formidable réussite internationale. Notre école est à la fois une grande institution de recherche et un réseau ouvert sur les entreprises, pour les meilleurs talents venus du monde entier, et pour tous les âges de la carrière, du jeune diplômé de 25 ans au dirigeant de 50. Pour affirmer notre spécificité, notre directeur général, Peter Todd, a lancé une stratégie autour de 3 axes de différentiation : l’entrepreneuriat, la transformation digitale, et l’innovation sociale.
Le recrutement sélectif par les classes préparatoires qui fait votre force en France, n’est-il pas finalement un handicap à l’international ?
Pour le programme Grande Ecole, dont le diplôme phare est le Master in Management, la classe préparatoire constitue une modalité d’accès parfaitement adaptée à la sélection des 380 étudiants issus du système scolaire français ou francophone. Notons à ce sujet l’excellente performance au concours des étudiants marocains, algériens et tunisiens. Mais la voie d’accès qui est proposée aux étudiants internationaux n’est pas celle de la prépa : l’entrée à la Grande école se fait après un diplôme Licence ou Bachelor. Cette voie tout aussi sélective que la prépa est parfaitement conforme aux standards internationaux, et nous sélectionnons 200 étudiants sur tous les continents chaque année, et bien sûr en Afrique. Pour nos programmes Masters, MBA, Executive MBA, Executive Masters, les admissions se font aussi selon les standards des grands programmes internationaux.
Aujourd’hui, les meilleurs étudiants de 90 pays du monde, issus de parcours extrêmement variés, viennent à HEC Paris après une licence ou une expérience professionnelle pour vivre l’excellence à la française et une immersion internationale. Ils trouvent dans notre école une dynamique très contemporaine, d’ouverture sur le monde, d’innovation et d’entrepreneuriat. A ce sujet, nous avons récemment conclu un accord pour installer notre incubateur à Station F, le plus grand incubateur du monde, à Paris.
Après l’Europe, l’Asie, le Moyen-Orient, vous poussez aujourd’hui une stratégie africaine. Pourquoi à vous avis ?
Permettez-moi de rappeler que les liens entre HEC Paris et l’Afrique ne sont pas nouveaux. Cela fait 40 ans que nous formons des étudiants et des professionnels africains. Dans des pays comme le Maroc, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, nos réseaux alumni sont extrêmement organisés et influents. Nous avons en particulier une longue tradition de formation continue des dirigeants africains des entreprises privées et des administrations publiques en Afrique francophone. Nous accueillons plus de 1 000 Africains par an dans l’ensemble de nos programmes, en Afrique ou à Paris. Pour notre Executive MBA en France, ils représentent 15% à 20% chaque année. Mais l’Afrique change, et le monde aussi. Si les Africains ont longtemps représenté les premiers effectifs internationaux à HEC, les principales nationalités sont aujourd’hui les Chinois, les Indiens et les Européens. Les élites africaines ont des attentes très précises en termes de formation et de réseaux, mais nous nous rendons compte qu’elles connaissent parfois mal notre école et nos programmes. Cela nous incite à développer une stratégie proactive en Afrique, au-delà de notre lien historique.
Finalement, en quoi consiste la stratégie africaine de HEC Paris ?
Nous avons quatre axes prioritaires. Le premier est de structurer des filières de détection des meilleurs étudiants africains. Cela passe notamment par des partenariats avec les universités africaines de référence, comme celui que nous venons de signer avec l’Institut National Polytechnique de Yamoussoukro. Le second est de conforter une place de leader en Afrique sur le métier de la formation des dirigeants. Cela passe par des représentations permanentes sur le continent. Nous ouvrons en 2017 un Bureau en Côte d’Ivoire, pour notre développement en Afrique de l’Ouest et du Centre. Il complète celui que nous avons ouvert l’année dernière à l’Ile Maurice, pour le développement dans l’Océan Indien, l’Afrique de l’Est et Australe. Nos prochains projets concernent le Maroc. Le troisième axe est d’exposer nos étudiants aux réalités et perspectives africaines : plus de 200 étudiants HEC sont partis en Afrique en 4 ans pour des projets souvent autour de l’entrepreneuriat. Ils contribuent à la formidable effervescence d’initiatives et de création d’entreprises en Afrique. Et le quatrième axe est de donner une voix à l’Afrique sur le campus et de participer aux grands événements. Nous espérons que les Africa Days que nous organisons du 15 au 17 mai auront beaucoup d’impact. L’objectif est de rassembler autour de nos étudiants, la diaspora et les alumni de Paris. En octobre, HEC sera partenaire des Rencontres Africa 2017, à Abidjan et Nairobi. Je suis persuadé qu’il faut cesser de parler de l’Afrique de demain – elle accumule déjà les réussites aujourd’hui, et elle a beaucoup à nous apprendre.