Si les actionnaires recherchent avant tout de la stabilité, les meilleurs décideurs sont ceux qui acceptent l’inconnu et le changement.
L’exigence boursière, nourrie de projets stratégiques, de ROI (Return On Investment), de KPI’s (Key Performance Indicators), est antinomique du doute. Et pourtant… Les dirigeants n’ont jamais été aussi bien formés, informés et accompagnés, mais la fameuse vision « à trois ans » n’a jamais été aussi incertaine. On peut même se demander, non pas si il en faut encore une, mais si l’on doit toujours la marteler sans réserve.
L’écart se creuse entre vision à long terme et réalité du court terme
Dans son livre « Fixing The Game », Roger L. Martin explique que la création de valeur pour l’actionnaire par l’entremise des marchés financiers détourne les dirigeants d’entreprise des vrais marchés, ceux du client (lire aussi la chronique : « La stratégie long terme est de retour : pour combien de temps ? »). Par analogie, cela reviendrait pour un joueur de tennis à regarder en permanence le panneau du score au lieu de fixer la balle. Ce qui paraît simple et logique dans son bureau l’est beaucoup moins dans un conseil d’administration ou une conférence de presse. Avouer une erreur ou un changement de cap est mal perçu, mal accepté, et finalement très mal récompensé. L’actionnaire veut de la croissance et de la stabilité, du moins dans le cadre du plan stratégique.
Prenons l’exemple précis de la digitalisation, avec des plans stratégiques à trois ans qui intègrent des investissements conséquents dans le numérique. Ces derniers sont évidemment nécessaires et indispensables, mais qui sait vraiment ce que seront les besoins des clients à cette échéance ? Selon Médiamétrie, un tiers des Français regardent chaque mois la télévision sur un autre écran (ordinateur, tablette ou smartphone). Au quotidien, un million d’entre eux n’utilisent d’ailleurs que ces écrans. Il y a trois ans, les plans stratégiques des chaînes de télévision pouvaient intégrer des partenariats avec les fabricants de téléviseurs, sans même imaginer que le consommateur n’en utiliserait plus beaucoup. Qui aurait pu prévoir à trois ans, ce qui a mis quelques mois à se concevoir, sous la pression de l’utilisateur ?
Avec capital