Pionnier parmi les entreprises chérifiennes à s’être implantées au sud du Sahara, l’opérateur de téléphonie mobile tire désormais une bonne partie de sa croissance de ses nouveaux marchés.
La réussite de l’offensive africaine de Maroc Telecom est à présent tangible dans les comptes, y compris pour ses dernières acquisitions de 2015. « Les nouvelles filiales Moov [au Bénin, au Togo, au Niger, en Côte d’Ivoire et en Centrafrique] génèrent désormais un résultat net positif », a fait savoir le groupe marocain lors de la publication de ses derniers résultats trimestriels, le 24 avril.
Dirigé par Abdeslam Ahizoune depuis sa création, en 1999 – après la réorganisation de l’ancien monopole des PTT –, il a été un pionnier du mouvement des grandes entreprises marocaines vers le Sud impulsé par le roi Mohammed VI. Aujourd’hui, avec un déploiement dans neuf pays, un parc mobile de 33 millions d’utilisateurs et un chiffre d’affaires de plus 15 milliards de dirhams (1,375 milliard d’euros), l’opérateur historique du royaume est devenu l’une des sociétés de télécommunications les plus dynamiques d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale.
« Pré carré »
Dès 2001, quand elle était encore filiale du français Vivendi, elle a fait ses premiers pas en Afrique à travers la privatisation de Mauritel : la majorité du capital de l’opérateur historique mauritanien passe ainsi dans le giron de Maroc Telecom pour près de 38 millions de dollars (43 millions d’euros). « À l’époque, on ne donnait pas cher de la peau de Maroc Telecom, qui misait assez gros pour une société déficitaire, se remémore un ancien banquier d’affaires. Mais cette entreprise a, contre toute attente, démontré sa capacité à redresser des opérateurs et à en faire des entreprises rentables. »
En effet, cinq ans après Mauritel, la société marocaine s’adjuge Onatel, mise en vente par l’État burkinabè, puis aligne deux autres succès dans des opérations de privatisation : Gabon Telecom en 2007, puis Sotelma, au Mali, en 2009. Des deals qui font grincer des dents les mastodontes européens – France Télécom, Telefónica et Portugal Telecom à l’époque –, peu habitués à voir des entreprises africaines venir les concurrencer dans leur « pré carré ».
Ces quatre acquisitions, pour lesquelles Maroc Telecom a déboursé quelque 600 millions de dollars (427 millions d’euros environ), ont constitué un investissement fructueux : fin 2014 déjà, ces quatre filiales africaines brassaient un chiffre d’affaires de près de 9 milliards de dirhams (817 millions d’euros). « Au moment de leur acquisition, ces sociétés souffraient des imperfections dues à leur statut d’anciens monopoles publics. Nous avons pu les redresser et en faire des leaders sur leurs marchés respectifs », explique Brahim Boudaoud, membre du directoire de Maroc Telecom.
Une expertise qui va pousser le nouvel actionnaire de référence, l’émirati Etisalat, aux manettes à partir de 2014, à confier en 2015 au groupe marocain le sort de ses autres filiales implantées en Afrique francophone, elles aussi en mauvaise posture à l’époque. Pour 474 millions d’euros payés en quatre tranches, Maroc Telecom prend ainsi pied au Bénin, au Togo, au Niger, en Côte d’Ivoire et en Centrafrique. Et, là encore, son savoir-faire semble opérer. « Ces sociétés sont en voie d’assainissement, et nous gagnons chaque année des parts sur tous ces nouveaux marchés. Et ce malgré la rude concurrence d’opérateurs déjà bien implantés », confie Abdeslam Ahizoune, qui fait face notamment au français Orange et au sud-africain MTN.
Moyens
Aujourd’hui, la croissance de Maroc Telecom est largement tirée de ce développement sur le continent : pas moins de 43 % du chiffre d’affaires et 36 % de l’excédent brut d’exploitation (Ebitda, 5,9 milliards de dirhams) du groupe proviennent des filiales africaines. Pour réussir, Maroc Telecom n’a pas lésiné sur les moyens, avec 20 milliards de dirhams d’investissements.
Dans six des neuf pays d’implantation, son taux de couverture de la population dépasse désormais les 90 %, et le parc clients connaît partout une progression soutenue (voir infographie). « À travers l’amélioration de la connectivité, le désenclavement des zones reculées et la généralisation de l’accès des populations aux TIC, nos investissements contribuent au développement économique de ces pays et au renforcement de leur attractivité », soutient Abdeslam Ahizoune, qui annonce une hausse des investissements dans les années à venir. Ceux-ci devraient passer à 5 milliards de dirhams par an à partir de 2017, soit 25 % de plus que le montant réalisé en 2016.
Cela dit, l’investissement au sud du Sahara n’est jamais un long fleuve tranquille. En Mauritanie, la filiale de Maroc Telecom a eu par exemple maille à partir avec les autorités en raison d’un dépassement du quota d’expatriés marocains.
À Nouakchott, le groupe a du mal à obtenir les autorisations nécessaires au passage du câble transafricain qui relie par voie terrestre, sur 5 300 km, le Maroc au Niger en passant par la Mauritanie et le Mali. « Notre plus grande difficulté sur le continent, souligne le dirigeant, reste la problématique de taxation du secteur des télécommunications, qui risque de constituer dans certains pays une entrave à l’investissement. »
Ces embûches ne découragent pas Maroc Telecom dans sa politique d’extension africaine. D’autant plus que, selon un expert financier, son faible endettement – de seulement 4 milliards de dirhams – lui permettrait de saisir de nouvelles opportunités sur le continent.
Avec jeuneafrique