La sprinteuse ivoirienne, Marie-Josée Ta LOU, qui honore la Côte d’Ivoire à différents meetings en remportant des médailles, a répondu aux questions de la Régionale.Info dans le cadre de l’interview du mois.
Regionale.info : Bonjour Marie-Josée Ta LOU. Comment vous présenteriez-vous à nos lecteurs?
Marie-Josée Ta LOU : Bonjour la Régionale. Je suis une athlète ivoirienne de 28 ans qui vit à Dakar (Sénégal) et je suis au centre international d’athlétisme.
R.I : En quelle année avez-vous commencé à pratiquer l’athlétisme?
MJTL : J’ai commencé l’athlétisme en 2008, mais je ne me donnais pas à 100% parce qu’il y avait les études à gérer. En ce moment je faisais un tronc commun en médecine à Abobo-Adjamé (Abidjan) et il fallait que je vienne m’entraîner au Stade Félix Houphouët Boigny ; ce qui faisait que je m’entraînais rarement et ce n’était pas des entraînements de haut niveau. Mais l’athlétisme de haut niveau, je l’ai débuté fin 2013 depuis que je suis à Dakar.
R.I : Où on vous a découvert!
MJTL : Justement ! C’est là que j’ai connu le vrai volet de l’athlétisme et j’ai découvert mes capacités, les moyens d’exceller dans ce domaine.
R.I : Qu’est-ce qui vous a réellement incité à faire l’athlétisme ?
MJTL : C’est mon grand frère qui m’a incité, parce qu’au départ, je jouais au football et comme il n’aimait pas me voir taper dans le cuir, il m’a dit : « petite sœur, tu sais courir, tu bats des garçons et mes amis qui sont professeurs d’Epreuves Physiques et Sportives (EPS) disent que tu peux exceller dans l’athlétisme ». Donc c’est de là que tout est parti et que j’ai eu mon premier coach qui est une ‘’maman’’ pour moi, car elle m’a fait découvrir l’athlétisme de haut niveau et grâce à elle, je suis ce que je suis aujourd’hui.
R.I : Le 19 mars 2016, vous avez participé à la finale des 60 mètres dames aux championnats du monde en salle 2016 de Portland et malheureusement, vous n’avez pas pu être sur le podium. Qu’est-ce qui vous a fait défaut à cette finale?
MJTL : L’un de mes plus grands regrets ! Ce jour-là, j’étais gonflée à bloc pour ramener cette médaille, mais je n’ai pas entendu le starter et le temps de me rendre compte, les autres étaient déjà parties. J’ai passé au moins deux semaines renfermée sur moi, parce que cet échec m’a vraiment affectée. Je m’étais tellement apprêtée mais bon, c’est une expérience.
R.I : Pour les grandes rencontres de ce genre, qui de la Fédération ivoirienne d’athlétisme (FIA) et de l’Etat de Côte d’Ivoire vous prend en charge ?
MJTL : Normalement, pour ces rencontres, c’est le ministère des sports qui doit décaisser les fonds, mais souvent c’est la fédération qui met la main à la pâte.
R.I : Mais, lorsque la fédération vous finance ces quelques fois, est-ce que la prise en charge est conséquente ?
MJTL : (Rires). Nous sommes en Afrique ! C’est ce qu’ils ont qu’ils nous donnent, même si ce n’est pas conséquent.
R.I : Si cette prise en charge n’est pas conséquente, alors qui comble le vide ? C’est vous, votre famille ou un sponsor ?
MJTL : Je complète avec mes propres moyens parce que je sais où je veux arriver. Vous savez, quand vous voulez arriver dans le top niveau, il faut vous donner tous les moyens pour y arriver. On ne peut pas continuer à attendre ce qui n’arrive pas. Et tout récemment, lorsque le ministre des sports nous recevait en audience, j’avais tellement de choses à lui dire, mais il m’a devancé en annonçant qu’il a prévu 240 millions pour la préparation des athlètes qui seront aux Jeux Olympiques Rio 2016.
R.I : Parlant de ces 240 millions, lors de la répartition, la Fédération ivoirienne d’athlétisme a reçu 63.600.000 Frs CFA. Cette somme pourra-t-elle vous suffire? Je veux parler de vous, Murielle, Wilfried et Ben (les quatre sprinteurs qui représenteront la Côte d’Ivoire aux J.O).
MJTL : C’est le budget que nous avons déposé et c’est ce que nous avons reçu. Donc, je suis satisfaite.
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R.I : Nous sommes à quelques mois de ces Jeux Olympiques. Comment vous sentez-vous? Êtes-vous prête?
MJTL : C’est quand vous êtes novice dans la chose que vous stressez, et comme ce sont les même filles que je rencontre à des meetings, alors je me sens confiante. Je m’entraîne dans le secret et on verra les résultats aux J.O.
R.I : Bénéficiez-vous d’une grande mobilisation de la part du public ivoirien , comme c’est souvent la cas pour Murielle Ahouré ?
MJTL : (Rires) Non, ce n’est pas le cas pour moi dans la mesure où moi-même je n’aime pas le bain de foule. J’aime rester discrète parce que j’ai vraiment honte (rires). Pour Murielle, il y a eu une grande communication autour d’elle alors que moi, c’est maintenant que je commence à faire ma communication pour que les ivoiriens me connaissent.
R.I : Combien de médailles avez-vous accroché à votre cou depuis le début de votre carrière professionnelle?
MJTL : J’ai décroché Sept médailles dont deux en or.
R.I : Combien de personnes, à ce jour, composent votre staff d’encadrement ?
MJTL : J’ai trois amis dynamiques qui travaillent bénévolement avec moi parce qu’ils croient en moi et ils savent que j’ai peu de moyen. Ils ont voulu m’aider vu que j’étais une bonne athlète et ils ont voulu me faire connaître sportivement. C’est en janvier 2016 qu’ils ont commencé à travailler avec moi.
R.I : Janvier 2016 ?
MJTL : Oui, janvier 2016 et je comprends votre étonnement (rires).
R.I: Avez-vous un kinésithérapeute personnel ?
MJTL : Non, je n’en ai pas. Mais il y a un kiné qui s’occupe des athlètes au niveau du centre et c’est lui qui me fait les massages.
R.I : Pour une athlète de haut niveau qui a le même kinésithérapeute que les athlètes du centre, pouvez-vous être bien préparée physiquement pour les compétitions ?
MJTL : Mais avoir un kinésithérapeute personnel, c’est de l’argent qu’il faut débourser ! Moi je n’ai pas encore ces moyens pour m’en offrir. C’est quand je pars à une compétition que je paye un kiné 100 dollars la séance. Je fais avec ce que j’ai.
R.I : Dans le monde de l’athlétisme, il est facile de changer de nationalité afin d’avoir des avantages. Cela vous est-il une fois venu en tête de courir pour un autre pays ou avez-vous eu des propositions d’autres pays?
MJTL : Parfois, cela passe par la tête de tous les athlètes africains de changer de nationalité pour avoir certains avantages. Mais, avoir la nationalité ivoirienne est une fierté et je ne peux, en aucun cas, changer ma nationalité. Comme nous avons l’habitude de le dire, nous sommes uniques en notre genre. C’est vrai qu’il est difficile d’avoir les sponsors et les moyens en côte d’ivoire, je dirai même en Afrique, mais je ne veux pas courir pour un autre pays.
R.I : Quel regard portez-vous sur l’athlétisme en Côte d’Ivoire ?
MJTL : Notre athlétisme est au point zéro en ce moment. Les athlètes n’ont même pas de compétitions et les conditions d’entraînement sont difficiles. Il y a la crème, mais tant qu’ils n’auront pas de concurrence, ils ne pourront pas évoluer. On espère qu’avec le système que le président de la fédération a mis en place, c’est-à-dire détecter les nouveaux talents, pourra permettre de rehausser le niveau de l’athlétisme ivoirien.
Avec laregionale