Depuis le début de l’année 2017, George Soros défraie la chronique. Qu’il s’agisse du Premier ministre hongrois qui veut fermer l’Université d’Europe Centrale qu’il a créé, du Président Trump qui le considère comme une menace pour la sécurité des Etats-Unis ou des organisations qu’il finance et qui encouragent les flux migratoires clandestins vers l’Europe ; le milliardaire américain est sous les feux l’actualité.
C’est un homme dont on entend beaucoup parler mais que l’on connaît finalement assez peu. Qui est G. Soros ? Spéculateur, milliardaire, philanthrope, il est connu pour avoir déstabilisé des économies et contribué au renversement de nombreux régimes politiques. Il ne laisse personne indifférent. Détesté par les uns, vénéré par les autres, la majorité des gens ne savent pas en réalité qui il est, ni ce que recouvrent ses activités.
Dans un ouvrage passionnant : Les réseaux Soros à la conquête de l’Afrique, Stéphanie Erbs, Vincent Barbé et Olivier Laurent, ont méthodiquement analysé les activités du milliardaire sur le continent et ont mis à jour un système d’influence efficace et tentaculaire qui interpelle.
Défenseur des droits de l’Homme, des libertés individuelles et de la société ouverte et transparente, Soros finance des ONG, des fondations, des média et des mouvements citoyens sur le sol africain. Fréquemment, il les utilise comme des leviers pour manipuler les opinions publiques voire pour renverser des régimes politiques. A cet égard les auteurs, qui évoquent le cas sénégalais, analysent de manière approfondie le renversement du Président Compaoré au Burkina Faso et les jeux d’influence à l’oeuvre en République Démocratique du Congo (RDC) pour obtenir le départ du Président Kabila. A la manière d’un tableau impressionniste, on y voit de nombreux acteurs de la société civile, des média et des ONG intervenir sur ces différents terrains et mener des actions qui convergent toutes vers les mêmes objectifs, par « petites touches ». Et de manière quasi-systématique, le nom de George Soros apparait en toile de fond.
Ses actions « philanthropiques », qui constituent les fondements d’une stratégie d’influence hyperstructurée et modulable, lui permettent de facto d’installer des régimes politiques favorables à ses intérêts financiers. Ainsi, Soros investit aussi bien dans les secteurs minier et pétrolier que dans les OGM et les biocarburants. Il se veut le défenseur de la transparence mais investit dans des sociétés qui mènent des opérations discutables en toute opacité. Certaines ONG qu’il subventionne veulent protéger l’environnement, il investit quant à lui dans des sociétés qui contribuent à sa destruction. Homme de paradoxes ou cynique patenté, les contradictions du milliardaire américain sont nombreuses et interrogent en ce qui concerne la finalité de ses actions sur le continent africain.
Comme l’affirment les auteurs, « la Sorosafrique ne poserait pas tant question si elle n’était pas aussi étroitement liée au pouvoir politique américain et aux grandes organisations internationales ». Les intérêts de Soros et ceux du pouvoir politique américain, tout particulièrement des démocrates, convergent. Et en Afrique, les Etats-Unis et Soros « avancent de concert sur des objectifs politiques et économiques sensiblement similaires ». Une question se pose alors : Soros est-il un pion des Etats-Unis ou l’un des grands orchestrateurs de la vie politique américaine ?
L’un des grands mérites de cet ouvrage est de décrypter des stratégies et tactiques d’influence contemporaines d’autant plus pernicieuses qu’elles s’exécutent au grand jour et se parent de motifs moralement légitimes et difficilement contestables. Elles s’inscrivent à la croisée d’intérêts géopolitiques et stratégiques, étatiques et privés, financiers et sociétaux et contribuent à modeler les sociétés africaines en faisant fi de toutes considérations de démocratie et en s’inscrivant au-dessus des peuples.
« Les réseaux Soros à la conquête de l’Afrique » de Stéphanie Erbs, Vincent Barbé et Olivier Laurent. Editions VA Press.
Stéphanie Erbs est experte en communication et en analyse stratégique.
Anciens officiers de renseignement, experts en gestion des risques et en géopolitique, Vincent Barbé et Olivier Laurent dirigent actuellement la société Adytum Security, qui conseille les entreprises dans les domaines de la gestion des risques, de la sûreté et de la cybersécurité.
Avec economiematin