Sept ans après l’abandon de sa monnaie nationale qui détenait le taux d’inflation le plus élevé du monde, la Banque centrale du Zimbabwe met en circulation ce lundi des « billets d’obligation » indexés sur le dollar. Ils sont censés pallier la pénurie de devises étrangères et relancer la consommation.
Les « billets d’obligation » annoncés par la Banque centrale zimbabwéenne sont en circulation depuis lundi 28 novembre. Dans un communiqué, l’institution financière indique que l’émission initiale porte sur 10 millions de dollars en coupures de 2 dollars, malgré les vives réticences d’une population encore traumatisée par l’hyperinflation du début des années 2000. Des coupures de 5 dollars doivent suivre.
En mai dernier, des coupures de 2, 5, 10 et 20 dollars, dont la valeur serait indexée sur le dollar américain, avaient été évoqués. Ils seront financés par la Banque Africaine d’Import-Export Afreximbank qui avait mis sur pied au Zimbabwe en 2014 une facilité de crédits de 100 millions de dollars avec l’objectif de faciliter les prêts interbancaires.
Déjà en 2014, des « pièces d’obligations » avaient été introduites pour les petits échanges au Zimbabwe. L’abandon de la devise nationale au profit du dollar américain et du rand sud-africain remonte à 2009. L’inflation inouïe – jusqu’à 231 millions pour cent – avait rendu le dollar zimbabwéen inutilisable.
Depuis, la monnaie nationale a été remplacée par des devises étrangères. Mais, très régulièrement depuis cette date, les banques commerciales zimbabwéennes ne disposaient pas d’assez de liquidités pour répondre à la demande des consommateurs.
Ainsi, en mai dernier, le gouverneur de la Banque Centrale John Mangudya avait même dû abaisser la limite de retrait à 1 000 dollars ou 20 000 rands sud africains, suscitant le mécontentement de la population.
Des retraits limités
Il en ira de même de avec ces nouveaux « billets d’obligation », échangeables au taux d’une obligation pour un dollar : la Banque centrale indique que des plafonds de retrait sont fixés à 50 dollars par jour et 150 dollars par semaine.
L’objectif, selon John Mangudya, est de parvenir à injecter l’équivalent de 75 millions de dollars sur le marché local pour relancer la consommation d’ici la fin de l’année.
Malgré une vaste campagne d’information officielle, l’annonce du lancement de la nouvelle monnaie a causé ces dernières semaines un mouvement de panique de la population.
Inquiets d’un retour de l’hyperinflation, les Zimbabwéens se pressent depuis des semaines devant les distributeurs pour retirer des dollars américains. Contraints et forcés, tous ont commencé ce lundi à utiliser les nouveaux billets mais craignent que leur parité promise par les autorités avec le dollar américain fasse long feu.
Intenable parité ?
« Ils nous donnent des ‘billets d’obligation’ parce qu’ils ne peuvent plus nous donner de vrais dollars », se plaint à l’AFP un vendeur de chaussures. « Mais il n’y aucune chance pour que cette monnaie reste équivalente au dollar. Seul le marché va déterminer le taux de change », a-t-il ajouté. Avant de concéder qu’il exigeait déjà 25 dollars de la nouvelle monnaie pour une paire de chaussures, contre seulement 20 dollars en véritables billets verts.
« Le gouvernement ne traite que les symptômes sans s’attaquer au cœur du problème, ce qui ne réglera rien », a lui aussi déploré à l’AFP Antony Hawkins, économiste à l’université du Zimbabwe.
« Le problème, c’est que nous ne récupérons pas assez de devises étrangères et les billets d’obligation n’y changeront rien », a-t-il poursuivi. « Il y a un dicton en économie qui dit que la mauvaise monnaie chasse la bonne. C’est exactement ce qui va se passer », a pronostiqué Antony Hawkins.
L’introduction des billets d’obligation a ravivé la fronde dirigée contre Robert Mugabe, qui dirige le pays d’une main de fer depuis 1980.
Comme à son habitude, le régime l’a éteinte par une sévère répression. Il y a quelques jours encore, au moins six militants de l’opposition ont été passés à tabac quelques heures avant une manifestation annoncée contre la nouvelle monnaie.
Avec jeuneafrique