Qu’il semble loin le temps où Alassane Dramane Ouattara (ADO), à peine installé au Palais du Plateau, devait, avec moult précautions, mettre en place le socle de son pouvoir.
Un président élu mais contesté par une partie du pays (les pro-Gbagbo), qui savait ce qu’il devait aux uns et aux autres, tous ceux qui l’ont aidé, parfois les armes à la main, à prendre ce qui lui revenait de droit mais que le chef de l’État sortant lui déniait, au prix de tant de vies.
La communauté internationale en général, et la France en particulier, Henri Konan Bédié et Guillaume Soro, les chefs rebelles des ex-FRCI, Blaise Compaoré… Autant de fils à la patte qui l’ont obligé à mettre en place son « système » progressivement, à renvoyer les ascenseurs et à faire, lui l’homme de convictions et d’action, plus de politique « politicienne » que de raison.
Les premiers pas d’ADO, tel l’équilibriste sur son fil, furent donc comptés. Dans un contexte, par ailleurs, des plus délicats : les plaies de la crise postélectorale étaient encore béantes, le pays et son économie exsangues, l’État et son administration saccagés, le clan Gbagbo ayant pratiqué, avant sa défaite, la politique de la terre brûlée.
Objectif de Ouattara : l’emporter dès le premier tour
Près de quatre ans plus tard, et à moins de quatre mois de la présidentielle, tout a changé. Pendant que ses opposants s’époumonent, essentiellement dans les médias, pour tenter d’exister, lui mène déjà campagne, remplit les stades et les salles aux quatre coins du pays. Objectif : l’emporter dès le premier tour, avec un taux de participation si possible élevé.
Le soutien indéfectible de Bédié sera décisif en octobre prochain
En politique, rien n’est jamais sûr, mais on ne prend pas de grands risques à parier qu’il devrait y parvenir. D’abord parce que, même si on peut toujours discuter les détails et penser qu’il était possible de faire plus, la Côte d’Ivoire va indéniablement mieux. Sur tous les plans : économique, politique (dialogue renoué avec l’opposition), sécuritaire, social, diplomatique, etc. Il ne s’agit évidemment pas là d’un aboutissement, mais d’une tendance, d’une dynamique sur laquelle les électeurs auront à se prononcer.
En clair, la voie empruntée depuis mai 2011 leur semble-t-elle être la bonne ? Et sinon, qui, parmi les autres candidats, pourrait mieux répondre à leurs aspirations ? Ensuite, parce que, sur l’actuel échiquier politique, on voit mal qui serait en mesure de contester le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Le soutien jusqu’ici indéfectible de Bédié, malgré les mécontents de sa propre formation dont on a pu voir lors du dernier congrès qu’ils pesaient infiniment moins que le « sphinx de Daoukro », sera décisif en octobre prochain.
Quid de l’après Ouattara?
Ouattara réélu pour un dernier mandat, se posera inévitablement, comme souvent en Afrique, la question de l’après. Quid en 2020 ? Une question, connaissant le personnage, sur laquelle il a forcément déjà un avis mais qu’il taira le plus longtemps possible. Dans son camp, au sein du RDR, les ambitieux, Guillaume Soro, Hamed Bakayoko et quelques autres, fourbiront immédiatement leurs armes pour se préparer à cette échéance. Parmi ses alliés également.
Comment imaginer, en effet, que le PDCI passe une nouvelle fois la main ? Troisième force politique, le FPI, lui, aura enfin du temps pour s’organiser, ce qui n’est pas rien pour une formation qui a passé l’essentiel du mandat d’ADO à se déchirer et à tenter de remonter la pente. Attention cependant à ce qui ressemble aujourd’hui à des évidences : cinq ans, c’est long, et il peut se passer beaucoup de choses d’ici là. Même pour un pays qui, jusqu’à présent, n’a jamais été réputé pour faire émerger rapidement de nouvelles stars politiques…
Avec Jeune Afrique