Spécialiste des neurosciences à l’université Laval, au Canada, cet ingénieur tunisien considère ses recherches comme un moyen d’améliorer la qualité de vie de ses semblables.
«Les concours me motivent énormément. C’est une compétition contre soi-même et contre les autres qui pousse à se perfectionner. » Amine Miled est en effet un habitué des concours scientifiques, mais surtout des premières places qui vont avec. Le dernier en date, c’était en 2014. Après seulement quelques mois en poste à l’université Laval, l’une des meilleures du Canada, ce professeur spécialiste des nanotechnologies a participé avec ses étudiants à la compétition Texpo 2014, organisée par la Canadian Microelectronics Corporation. Résultat : un des premiers prix et une bourse de 3 500 dollars canadiens (2 500 euros). « C’est une fierté, un bel accomplissement et une reconnaissance dans le milieu que de voir mes étudiants gagner. »
Mon rôle n’est pas juste d’écrire des articles mais de concevoir des choses concrètes »
Une mission : trouver des applications quotidiennes à ses recherches
Le professeur de 34 ans avait déjà remporté seul le premier prix, en 2010, et reçu une mention honorable en 2012 dans la catégorie la plus prestigieuse, « The Brian L. Barge Award for Excellence in Microsystems Integration », qui permet aux étudiants de démontrer l’efficacité d’un projet multidisciplinaire. Mais, loin d’être un geek de laboratoire éloigné du monde extérieur, le jeune prodige à la voix posée se donne une mission : celle de trouver des applications quotidiennes à ses recherches. « L’ingénieur est quelqu’un qui essaie de développer des dispositifs pour améliorer la qualité de vie. Mon rôle n’est pas juste d’écrire des articles mais de concevoir des choses concrètes. » Au-delà, l’enseignant tient avant tout à transmettre sa passion à ses étudiants. « Même après trente années de recherche, on est toujours au début. Il y a toujours quelque chose de nouveau à comprendre. »
Un ingénieur éclectique
D’abord ingénieur électrique, Amine Miled s’est diversifié au fil des années : génie biologique, biomédecine, informatique, neurotechnologie, microélectronique… « Quand je suis arrivé à l’université Laval, je me suis défini comme chercheur en bio-ingénierie avec des applications à la fois médicales, pour mieux comprendre les maladies neuro-dégénératives comme Alzheimer, et environnementales, principalement pour améliorer le contrôle de la qualité de l’air et de l’eau. »
Son domaine de prédilection concerne les dispositifs intelligents que l’on peut implanter dans le corps humain pour libérer des médicaments à des doses précises. « C’est ce qu’on appelle les laboratoires sur puce, explique-til. Ce qui m’intéresse surtout, ce sont les neurosciences, le fonctionnement du cerveau et ses dysfonctionnements. Plus on travaille dans ce domaine, plus on se rend compte qu’on est ignorant. » Son travail rencontre déjà des échos au-delà de la communauté scientifique. « Des compagnies canadiennes nous ont contactés car elles sont intéressées par l’aspect ingénierie de ce que l’on fait. »
Comme tout immigrant, je suis déchiré entre ici et là-bas.
Un Tunisien exilé au Canada
Amine Miled est né en Tunisie, où il a obtenu son baccalauréat en mathématiques en 2000 avant de poursuivre sa scolarité à l’École nationale d’ingénieurs de Tunis en génie électrique. C’est classé premier de sa promotion, en troisième année, qu’il a reçu la bourse nationale d’excellence de la Tunisie pour étudier à l’étranger. « À cette époque, je regardais déjà du côté du Canada, un cousin était installé là-bas. Mais aussi du côté des États-Unis, pour poursuivre une maîtrise et un doctorat en génie électrique. »
Entré à l’École polytechnique de Montréal en 2005, il en sort docteur en 2013 et devient rapidement professeur à l’université Laval. « Je pensais venir au Canada pour les études et retourner ensuite en Tunisie… Aujourd’hui, avec ma femme, mes enfants et mon travail, je suis bien ici. » Mais ce n’est pas une raison pour tourner le dos à son pays natal. Au contraire. « Comme tout immigrant, je suis déchiré entre ici et là-bas. Si je suis au Canada c’est parce que j’ai obtenu une bourse, la Tunisie a investi en moi et il est normal de le lui rendre. Du coup, on met en place beaucoup de partenariats, de collaborations avec des établissements comme l’École d’ingénieurs de Tunis, où je donne une conférence cet été. »
Si tout semble sourire au scientifique, la recherche apporte tout de même son lot de frustrations, notamment dans le domaine pointu des neurosciences. « On peut avoir l’impression que ça n’avance pas et qu’on accumule les problèmes. » Sans compter ces petites déceptions liées aux subventions. « Nos demandes sont parfois refusées. Nous sommes jugés sur la qualité de nos publications, c’est la même règle pour tout le monde. C’est aussi ça, la beauté de la recherche. Mais la plus grande récompense pour un ingénieur est de voir son dispositif sur le marché. Les subventions sont un moyen pour atteindre ce but, pas une finalité en soi. »
Avec Jeune Afrique