La robotisation, ou encore l’automatisation, devrait faire disparaître quelques 80% des emplois sur la planète. Le chiffre, dont le cabinet MacKinsey vient de livrer les détails pour l’Afrique, inquiète partout dans le monde. Mais les économistes se veulent rassurant, tout en avertissant quant à l’urgence de revoir le rapport au travail et d’instaurer de nouvelles règles. Cela est valable surtout en Afrique dont la démographie restera jeune, contrairement à d’autres régions dans le monde, durant les années à venir. Décryptage.
50 % et plus des emplois « humains » pourraient être remplacés par des robots au Kenya et au Maroc. Entre 41 et 48,7 % des travailleurs en Egypte, au Nigéria et en Afrique du sud pourront également céder leur place à des machines. Ces chiffres qui peuvent paraître surréaliste pour certains proviennent du très sérieux cabinet McKinsey dont des chercheurs-partenaires viennent de rendre publique leur étude sur l’impact de l’automatisation du travail.
Comme dans partout dans le monde, l’automatisation transforme le travail, les entreprises et l’économie. Le secteur de la robotique n’est plus un domaine qui relève uniquement des universités et des laboratoires de recherche. A titre d’exemple, la Chine, qui ne manque pas de main d’œuvre, a déjà entamé sa transformation et devient déjà le plus grand marché pour les robots au monde, en volume. Une bonne partie des économies dans le monde profitent des hauts gains de productivité que la robotique et l’intelligence artificielle apportent et apporteront encore davantage dans les quelques années à venir.
« Le rythme et l’étendue de l’adoption varieront d’un pays à l’autre, selon les facteurs, y compris les niveaux de salaire. Mais aucune géographie et aucun secteur ne resteront intact », peut-on lire dans cette étude.
L’automatisation renforce la croissance, mais quid de la qualité de vie ?
Dans une bonne partie des économies africaines, les aspirations à une forte croissance à long terme proviennent principalement de la volonté d’élever le niveau de vie de la population. Dans le même temps, ces pays ont de forts taux de croissance démographique. Le taux de chômage devrait atteindre des records sans précédents dans les années 2050, selon les estimations des experts.
Parallèlement, l’automatisation seule ne suffira pas à répondre aux aspirations de croissance de ces pays. D’autres leviers de productivité seront nécessaires. Au Nigéria par exemple, l’impact de l’automatisation sur la productivité pourrait se ressentir sur le taux de croissance. Seulement, pour répondre à la croissance projetée du PIB par habitant, le pays restera confronté à un déficit de dix millions de travailleurs en 15 ans, avec une hausse du taux de chômage de 0,3 % par an ! L’adoption anticipée de l’automatisation pourrait réduire cet écart à six millions. En améliorant ses outils de production, le pays devrait améliorer sa compétitivité et donc, son tissu industriel se retrouvera revigoré. Ainsi, dans des pays ou les usines ferment, la création d’emploi se retrouvera renforcée, même à petites doses vu que le secteur reprendra des couleurs. Mais ce ne sera pas instantané. Les décideurs politiques et économiques devraient instaurer un délai qui leur permettent d’adopter de nouvelles règles pour ne pas se retrouver avec des taux de chômage explosifs. Tout est question de dosage.
L’effritement des emplois touchera principalement des secteurs où la main-d’œuvre est la moins coûteuse, c’est à dire là où il y a le moins de valeur ajoutée. Parallèlement, cette l’automatisation réduit le coût de fabrication. Cela touchera par exemple le secteur du textile, qui possède un potentiel d’automatisation de 98%. C’est le cas également de l’agriculture dont le fort potentiel d’automatisation est énorme vu qu’une grande partie de son activité est à la fois physique et prévisible et pourrait donc potentiellement être prise en charge par des machines. Mais cela ne veut pas dire nécessairement que les agriculteurs y perdront leur emploi. Par exemple, en Inde, où une grande partie de l’agriculture repose sur un modèle de subsistance familiale à petite échelle, passer à des fermes de plus grande taille augmenterait fortement le potentiel d’automatisation. Ce qui aura principalement pour effet de structurer le secteur.
La proportion des emplois susceptibles de disparaître sur le total des activités à cause de l’automatisation en adaptant les technologies actuelle
Les métiers “de bureau” disparaîtront en premier
Mais ce n’est pas pour autant que l’adoption sera aussi rapide partout. De nombreux facteurs déterminent le rythme de l’adoption de l’automatisation, dont la faisabilité technique n’est qu’un des facteurs déterminant. Beaucoup d’autres facteurs sont économiques et sociaux et comprennent le coût des solutions matérielles ou logicielles nécessaires pour intégrer les technologies dans le lieu de travail, l’offre de main-d’œuvre et la dynamique de la demande, ainsi que l’acceptation réglementaire et sociale. Certaines solutions matérielles nécessitent des dépenses en immobilisations importantes et pourraient être adoptées plus rapidement dans les économies avancées que dans les pays émergents ayant des niveaux de salaire plus faibles, où il sera plus difficile de prendre des mesures commerciales pour adopter l’automatisation puisque les salaires sont déjà bas… Par contre, pour l’automatisation des tâches qui ne demandent pas d’intervention physique, les solutions logicielles pourraient être adoptées rapidement dans le monde entier, surtout vu le déploiement rapide du cloud. Le rythme de l’adoption dépendra également des avantages qu’en attendent les pays. En effet, l’automatisation apporte peut apporter plus que la substitution de la main-d’œuvre, comme le potentiel d’accroître la productivité, d’accroître le débit et d’améliorer la précision.
Et ces nombreux défis à l’automatisation sont d’ordre universel. Pour les entreprises, les avantages pour la performance sont relativement clairs. Pour les décideurs, c’est une toute autre paire de manche. Ils devront trouver des moyens de saisir l’opportunité pour leurs économies de bénéficier du potentiel de croissance de la productivité offert par l’automatisation, et de mettre en place des politiques visant à encourager les investissements et l’innovation. Mais dans le même temps, tous les pays devront développer des politiques qui aident les travailleurs et les institutions à s’adapter à l’impact sur l’emploi. Les Etats auront besoin plus que jamais de renforcer les services de base pour protéger les plus vulnérables, parce que c’est leur rôle, mais aussi pour ne pas tomber dans l’incertitude et maintenir les investissements.
Pour les pays développés, l’automatisation arrive à point nommé
Si l’Afrique trouvera des difficultés avec la jeunesse de sa démographie,dans les économies avancées, l’automatisation tombe à point nommé. Une bonne partie de ces pays sont confrontés à une main-d’œuvre vieillissante. Pire encore, la baisse de la croissance démographique des personnes en âge de travailler est plus immédiate dans certains pays (Allemagne, Italie et Japon) que dans d’autres. L’automatisation peut fournir à ce genre de pays l’augmentation de la productivité requise pour répondre aux projections de croissance économique qu’elles auraient autrement peine à atteindre. Ces économies ont donc un intérêt majeur dans la poursuite du développement et de l’adoption rapides de l’automatisation.
AVEC latribune