Il n’est pas trop tard pour apprendre la musique – et améliorer ainsi ses capacités cognitives – même à l’adolescence.
À l’âge de 6 ans, le cerveau a déjà atteint 90% de sa taille adulte. Mais peut-il, à la faveur d’une expérience débutée à l’adolescence, faire encore preuve de plasticité ? En d’autres termes, est-il encore malléable pour tirer un bénéfice d’un entrainement spécifique débuté à cet âge ? Oui, répondent Nina Kraus et ses collègues du laboratoire des neurosciences auditives de laNorthwestern University d’Evanston (Illinois, Etats-Unis). Les chercheurs ont évalué les effets d’un entraînement musical sur le développement des capacités auditives de lycéens de 14 ans (19 adolescents) et ont comparé les résultats obtenus à ceux enregistrés dans un “groupe contrôle” composé d’élèves qui avaient choisi, eux, de faire du sport (21 élèves).
Les chercheurs ont d’abord noté les réponses neuronales au son et les performances langagières avant que les adolescents ne débutent leur entrainement respectif réalisé dans le cadre de leur cursus scolaire. Puis ils les ont de nouveau évaluées lors de leur dernière année de lycée, trois ans plus tard. Les scientifiques ont testé les adolescents sur leur “mémoire phonologique”, responsable du stockage temporaire des informations verbales. Et sur leur “conscience phonologique”, autrement dit la conscience que les mots sont composés de phonèmes ou de sons. Cette faculté nous permet de percevoir, de découper et de manipuler les unités sonores du langage telles que la syllabe, la rime et le phonème. Enfin, ils ont évalué la capacité des adolescents à rapidement nommer les mots.
Il ressort qu’un entraînement musical débuté au lycée modifie bien l’évolution du développement cérébral chez l’adolescent. Plus précisément, il influe sur la stabilité du processus de traitement de l’information auditive par le cerveau et accélère la maturation des réponses auditives au niveau du cortex. Enfin, le groupe qui avait reçu un enseignement musical avait une meilleure conscience phonologique que le groupe qui avait reçu un entraînement sportif. Il apparaît donc que l’entraînement à la musique, même débuté tard dans l’adolescence, peut augmenter le traitement neuronal des sons et apporter un bénéfice sur le plan du langage.
La musique pour “apprendre à apprendre”
Au total, ces résultats renforcent l’idée selon laquelle le cerveau de l’adolescent demeure encore réceptif à l’entraînement à la musique. Une information importante en ces temps de restriction budgétaire où les enseignements jugés non indispensables ont tendance à être supprimés, comme le soulignent les auteurs de cette étude parue dans les PNAS. Ils observent par ailleurs que le pourcentage d’élèves bénéficiant d’un enseignement musical avant l’âge de 18 ans est passé aux Etats-Unis de 53% en 1982 à 36% en 2008. “Par conséquent, bien que l’apprentissage d’un instrument musical ne soit pas directement déterminant pour un plan de carrière, la musique peut aider à “apprendre à apprendre”, et donc contribuer au développement de capacités qui permettront plus tard d’acquérir des connaissances et des talents”, concluent les chercheurs.
Ces neuroscientifiques avaient récemment rapporté dans la revue PloS Biology que l’enregistrement chez de très jeunes enfants de l’activité cérébrale en réponse au son permettait de déterminer ses capacités futures en lecture. En d’autres termes, la réponse auditive du cerveau permet de prédire si l’enfant aura plus tard des difficultés en moment où il apprend à lire.
VIDÉO. Enfin, dans une surprenante vidéo (ci-dessous), Nina Kraus et ses collègues montrent que les signaux enregistrés lors de l’activation de neurones en réponse à un son sont similaires au profil des ondes sonores elles-mêmes. Ainsi, lorsque l’on joue en retour ces mêmes ondes cérébrales, il est possible de reconnaître un air ressemblant à celui que la personne vient d’écouter, et ce que la musique soit du heavy metal ou du Mozart !
Avec Entreprendre