Vincent Bolloré a retiré à Renaud Le Van Kim la production du Grand journal, et aurait exigé qu’il quitte la direction de sa propre société de production KM.
Tout le monde l’appelle “le Chinois”. En réalité, Renaud Le Van Kim est d’origine vietnamienne. Plutôt discret, ce producteur fait la une depuis quelques semaines. En effet, il fait partie de la longue liste des gens limogés par Vincent Bolloré dans le cadre de sa reprise en main de Canal Plus.
Mais, contrairement aux autres, Renaud Le Van Kim n’est pas salarié de la chaîne cryptée. C’est un producteur indépendant, qui fournit plusieurs émissions à la filiale de Vivendi: il produit le Grand Journal depuis 2004, le Before depuis la rentrée 2013, Conversation Secrète, le Débarquement, la cérémonie des César, les cérémonies d’ouverture et de clôture du Festival de Cannes… Mais aussi des enquêtes pour Spécial investigation, dont le fameux reportage sur le Crédit Mutuel, censuré par Vincent Bolloré lui-même…
Chasse aux sorcières
Enfin, ça c’était avant. Vincent Bolloré a retiré à KM la production du Grand journal, confié à une société de production interne, Flab. Selon Télé 2 Semaines, il aurait aussi exigé que “le Chinois” quitte la direction de KM, sa propre société de production qu’il a fondée en 1994. C’était apparemment le prix à payer pour que KM conserve quelques émissions sur la chaîne: KM devrait ainsi récupérer la quotidienne du midi, la Nouvelle édition. “Un accord en ce sens est en discussion, mais pas encore finalisé”, confirme-t-on chez KM.
Pourquoi diable une telle chasse aux sorcières? Le désaccord ne semble pas politique. En effet, Renaud Le Van Kim est considéré comme un proche de Nicolas Sarkozy, avec qui il a travaillé lors de la campagne de 2007, assurantnotamment la mise en scène de meetings, notamment celui du Bourget.
“L’argent est à l’écran”
Les raisons ne semblent pas économiques non plus. Certes, le Grand journalcoûte cher: 120.000 euros par émission, soit environ 24 millions d’euros par an, selon les propres déclarations de Rodolphe Belmer, le directeur général déchu de la chaîne cryptée.
Mais “le Grand journal est rentable: son coût est largement compensé par les recettes publicitaires engrangées par Canal Plus”, assure un hiérarque de la chaîne cryptée. “Un Grand journal qui paraît chic et pas cheap est nécessaire à l’image premium de Canal”, ajoute un autre. “L’argent est à l’écran”, abonde-t-on chez KM.
Marges faibles et chiffre d’affaires en chute
Et l’examen des comptes de KM (cf. ci-dessous) montre que la société n’est pas florissante: l’an dernier, elle n’a distribué à son propriétaire, Zodiak, que 1,4 million d’euros de dividendes (-13%), sur un chiffre d’affaires de 28,5 millions d’euros (-4%).
Certes, KM a connu de belles années jusqu’en 2012: la société crachait alors 4 à 5 millions d’euros de dividendes par an, avec un chiffre d’affaires plus gros d’un tiers.
Mais KM a ensuite perdu la production du Supplément et du Petit journal,désormais assurés par Bangumi, la société de Laurent Bon et Yann Barthès. Pire: les comptes montrent aussi que le chiffre d’affaires n’a pas augmenté suite à la création du Before à la rentrée 2013, visiblement produit dans la même enveloppe budgétaire que le Grand journal.
Bref, Renaud Le Van Kim semble surtout payer sa proximité avec l’ancienne équipe de Canal Plus, notamment Michel Denisot et Rodolphe Belmer. Ou son opposition aux projets éditoriaux du nouvel homme fort de Vivendi…
Contactés, Vivendi s’est refusé à tout commentaire, tandis que Renaud Le Van Kim n’a jamais répondu.
Les résultats du groupe KM (en millions d’euros)
KM SAS et ses filiales
Chiffre d’affaires
2012: 43,9
2013: 29,8
2014: 28,5
Dividendes au titre de l’exercice
2012: 4,1
2013: 1,6
2014: 1,4
KM SAS
Chiffre d’affaires 2014: 5,8 (-30%)
Bénéfice net 2014: +1,4 (-11%)
KM Presse (filiale à 100% de KM SAS)
Chiffre d’affaires 2014: 1,7 (-13,5%)
Bénéfice net 2014: +0,3 (vs -0,4)
KM Prestations (filiale à 100% de KM SAS)
Chiffre d’affaires 2014: 21 (+8%)
Bénéfice net 2014: +0,5 (+15%)
Avec Entreprendre