L’analyse du développement des Pygmées par une équipe de chercheurs français révèle l’importance de la plasticité de la croissance dans l’évolution humaine.
PYGMÉES. Découverts en 1865 par le monde occidental, les Pygmées et leur taille caractéristique – entre 1,30 m et 1,50 m pour les plus grands – n’ont cessé d’intriguer biologistes et généticiens. Si le séquençage du génome des Pygmées a déjà réservé quelques surprises, et expliqué cette petite taille, l’analyse des toutes premières courbes de croissance de ces populations a permis à une équipe de chercheurs français d’en savoir un peu plus sur les mécanismes biologiques à l’œuvre dans l’adaptation des différentes tribus de la forêt tropicale.
Une évolution convergente
Ces travaux parus dans la revue Nature le 28 juillet 2015 révèle un mécanisme d’évolution dite convergente entre les deux grands ensembles de Pygmées : d’un côté, les Baka, dont le territoire s’étend sur les pays à l’ouest de l’Afrique équatoriale (Congo, Cameroun, Gabon, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, abrégé RDC) ; de l’autre, les Pygmées de l’est vivant essentiellement au nord-est de la RDC et au Rwanda. Les courbes analysées révèlent deux mécanismes de croissance bien distincts chez chacun de ces groupes : les Baka de l’Ouest naissent avec des mensurations standards mais grandissent très peu jusqu’à l’âge de 3 ans. Âge à partir duquel leur courbe de croissance suit les standards mondiaux, “avec une poussée de croissance à l’adolescence et une taille adulte atteinte en moyenne au même moment que le reste de la planète”explique le CNRS dans un communiqué. Au contraire, leurs cousins de l’Est viennent au monde avec une taille réduite mais connaissent une croissance constante. Autrement dit “deux évolutions différentes pour un même objectif : s’adapter à la forêt équatoriale” explique le CNRS dans un communiqué.
Une plasticité de la croissance spécifique à l’Homo Sapiens
En partant de l’hypothèse que ces deux groupes se seraient séparés il y a entre 8.000 et 13.000 ans, les chercheurs en déduisent que la croissance humaine peut évoluer en relativement peu de temps. Une plasticité de lacroissance “peut-être réservée à notre espèce” explique Fernando Victor Ramirez Rozzi, chercheur au CNRS et coauteur de l’étude. Cette capacité aurait pu jouer un rôle déterminant dans l’expansion des Homo Sapiens en dehors de l’Afrique, en lui permettant de s’adapter rapidement à de nouveaux environnements. “Notre ancêtre a quitté l’Afrique il y a 60.000 ans et quelques milliers d’années plus tard, il occupe toute la planète, contrairement aux autres espèces d’hominidés qui ont une répartition géographique limitée, voire très limitée”, constate Fernando Victor Ramirez Rozzi. “Bien sûr, la culture a joué un grand rôle dans l’évolution mais également la capacité de nos ancêtres à s’adapter physiquement aux environnements hostiles”, conclut le chercheur.
Avec Science Et Avenir