Le nouveau directeur général de la Société nationale d’électricité du Sénégal prend ses fonctions dans une période délicate. Celle du pic de consommation de l’électricité – et donc des coupures de courant, qui ont coûté son poste à son prédécesseur
La mission sera loin d’être une sinécure et Mouhamadou Makhtar Cissé le sait. La Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec), dont il vient de prendre la direction générale, a la réputation d’être difficile à gérer et le secteur en général de cumuler les problèmes. Surtout à cette période, de juillet à septembre, marquée par un pic dans la consommation de courant du fait de la canicule. Même si la situation s’est nettement améliorée depuis quelques années, les défis à relever sont encore nombreux. Ce sont d’ailleurs officiellement les récentes coupures de courant dans la région de Dakar qui ont entraîné le limogeage de son prédécesseur, Pape Dieng.
Gestion et investissements
Aussitôt nommé, Mouhamadou Makhar Cissé, 47 ans, est donc à pied d’œuvre avec son équipe pour élaborer un plan d’action qui permettra de franchir ce cap difficile dans la fourniture d’électricité. Il a déjà commencé à enchaîner les visites de terrain sur les différents sites de production de l’entreprise. Selon Papa Toby Gaye, chef du département équipement et production de la Senelec et président de l’association des cadres de la société, le nouveau DG doit s’attaquer à l’amélioration de la gestion des approvisionnements ou encore au renforcement des investissements dans le réseau.
Un autre défi l’attend également au sein même de la Senelec. Les relations entre la direction générale et les employés ne sont pas au beau fixe. Elles se sont envenimées lorsque l’entreprise a refusé de recruter des prestataires de services (releveurs de compteurs), de procéder à une nouvelle augmentation de salaire de 15 % et enfin d’acheter de nouveaux véhicules à ses 300 cadres. C’est que les travailleurs de la compagnie nationale d’électricité ont, à tort ou à raison, la réputation d’être jaloux de leurs avantages. « Cantonner les problèmes de la Senelec à ces questions, c’est faire un mauvais procès à ses employés. C’est avant tout une question de dialogue », se défend Papa Toby Gaye.
Le nouveau patron devra donc faire preuve de tact et de diplomatie afin d’apaiser les tensions. « Je serai à l’écoute de tout le personnel, s’est engagé auprès de ses collaborateurs celui qui fut pendant un an le directeur de cabinet du président Macky Sall. J’ouvrirai des négociations dans les meilleurs délais pour trouver des solutions aux problèmes. Si les cœurs ne sont pas apaisés à l’intérieur de la société, nous ne pouvons pas éclairer le Sénégal. »
Grâce à une méthode de management fondée sur la concertation et la responsabilisation, il réussit à moderniser la douane.
Cet ancien enfant de troupe a en effet le sens du contact. Mais son style est aussi fait de pragmatisme et de rigueur quasi martiale, sans doute acquise lors de ses années passées au prestigieux Prytanée militaire Charles-N’Tchoréré de Saint-Louis, où il obtient un baccalauréat littéraire. Quoique issu d’une famille de scientifiques, il poursuit ses études à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, où il obtient un diplôme en droit des affaires, avant de se présenter au concours d’entrée au barreau. Il le réussit avec brio, se classant major de sa promotion. Après quelques années de plaidoiries, il change d’orientation car son père n’a, en vérité, jamais voulu qu’il fasse carrière au sein des prétoires.
Fini donc le barreau, il fait son entrée à l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam, aujourd’hui ENA), où est formée l’élite de l’administration sénégalaise. Au bout de deux ans, il obtient le diplôme d’inspecteur des douanes, en étant une nouvelle fois major de sa promotion. Il gravit un à un les échelons de cette administration jusqu’à en devenir le directeur général pendant trois ans (entre 2010 et 2013). Grâce à une méthode de management fondée sur la concertation et la responsabilisation, il réussit à moderniser la douane et à en faire la principale contributrice aux recettes de l’État, au côté des services fiscaux. C’est d’ailleurs sous son égide qu’elle reçoit en 2012 le prix des Nations unies pour le service public.
Communicant
Meneur d’hommes, il n’hésite alors pas à enfiler un treillis pour rendre visite à ses collaborateurs jusque dans les zones les plus reculées du territoire. En juillet 2013, il entre au gouver-nement en tant que ministre délégué chargé du Budget dans le gouvernement d’Aminata Touré. Le pays découvre ses qualités de communicant lors des séances de présentation du Plan Sénégal émergent (PSE) au début de l’année 2014, mais aussi et surtout sa grande maîtrise des dossiers.
C’est que ce natif de Dagana, dans la région de Saint-Louis, a servi pendant huit ans à la très respectée Inspection générale d’État (IGE), un organisme de contrôle logé à la présidence de la République et qu’il a intégré sur concours en 2002 – et où il était une fois encore premier de la classe. À l’évidence, Mouhamadou Makhtar Cissé dispose d’indéniables qualités pour réussir sa mission. Ses compétences, son parcours ainsi que son engagement plaident en sa faveur. Mais l’implication de tous ses collaborateurs lui est indispensable. « Je ne détiens pas à moi seul la solution aux problèmes de la Senelec. Il y a une chose qui est irremplaçable, c’est la connaissance que vous avez de l’outil et du métier. Je ne peux que m’appuyer sur votre expertise et votre engagement », leur a-til déclaré en homme avisé.
Avec Jeune Afrique