La Côte d’Ivoire accueille la Conférence internationale sur l’émergence en Afrique les 28, 29 et 30 mars 2017.
Deux ans après l’édition de 2015, cette conférence intervient dans un monde qui est appelé à prendre en compte, en plus de ses préoccupations traditionnelles, le défi de la gestion de la nouvelle insécurité liée à la montée de l’extrémisme qui engendre une guerre asymétrique, marquée par des attentats terroristes, non plus seulement au Moyen et proche Orient, où cela commençait à faire partie du décor, mais en Afrique, au Mali, au Cameroun, au Nigeria, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire pour ne citer que ces pays.
Ces défis nouveaux imposent le renforcement du lien armée-nation, mais pas seulement. Une réelle passerelle entre les acteurs traditionnels de la sécurité et la société civile est une garantie de mutualisation des efforts face à la montée des extrémismes de tous ordres.
L’une des faiblesses des pays d’Afrique reste l’exclusion de pans entiers de sa population. Les femmes, en dépit de plusieurs politiques initiées en leur faveur, restent dans l’arrière-cour du développement humain. Selon le Rapport sur le développement humain 2016, intitulé « Le développement humain pour tous », diffusé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) « Les femmes et les filles, les populations rurales, les peuples autochtones, les minorités ethniques, les personnes handicapées, les migrants, les réfugiés… font partie des groupes qui sont systématiquement exclus par des obstacles qui ne sont pas purement économiques mais aussi politiques, sociaux et culturels. »
A cela, il faut adjoindre la persistance des mutilations génitales féminines que plusieurs pays ont pourtant interdites dans leurs lois. La mise en œuvre desdites lois reste à penser. Nous restons convaincus qu’une information et une sensibilisation qui inclut tous les acteurs (gouvernement, secteur privé et société civile) donnera, à court ou moyen terme, des résultats positifs sur la question. Mais, le nœud gordien de l’exclusion des femmes est l’insuffisance d’accès aux financements des banques et subventions des Etats. La situation en est pire dans les zones rurales où les filles ont rarement accès à l’école.
La question de l’emploi, surtout celle des jeunes est l’une des premières préoccupations de tous les gouvernements. Comment utiliser le meilleur argument économique de l’Afrique, l’agriculture, pour créer de l’emploi ?
Les jeunes diplômés en Afrique, restent de longues années dans l’attente d’un hypothétique premier emploi. Plus cette durée s’allonge, plus la tentation de l’immigration clandestine grandit chez le jeune africain. L’émergence sera réalisée avec les élites africaines, ou elle ne sera pas. « La formation dans les grandes écoles ne correspond pas aux attentes des entreprises » entend-on constamment dire. Les écoles de formation professionnelle sont moins prisées que l’université. Le motif en est que l’Africain moyen conçoit l’école de formation professionnelle comme moins reluisant que les universités. L’engouement de la jeunesse pour les écoles de formation professionnelle doit être suscité par une sensibilisation coordonnée où les partenaires de l’école (gouvernement, secteur privé et société civile) mutualisent leurs efforts pour la création d’une élite africaine productive.
La santé mérite un regard particulier vu que de sa bonne ou mauvaise gestion dépend tout le processus du développement. L’Afrique, surtout la zone subsaharienne, est selon les dernières estimations de l’OMS, publiées en décembre 2016, le foyer le plus exposé au paludisme. « 90% des cas et 92% des décès dus à cette maladie sont survenus dans cette région. On a compté en 2015, 212 millions de cas de paludisme et 429 000 décès ». Le traitement du paludisme engloutit 2/5 des revenus des familles. Et selon des enquêtes réalisées par la Fédération des ONG de Développement de Côte d’Ivoire (FEDOCI), plus d’une femme sur trois, dans les zones rurales en Côte d’Ivoire, ignorent le mode de transmission du paludisme. La couverture sanitaire des pays d’Afrique est des moins parfaite. Quid d’une assurance maladie universelle dont les populations apprécient diversement les avantages, la médecine à base de plantes locales étant de plus en plus prisée et les campagnes de sensibilisation insuffisamment conduites ?
L’Afrique doit s’inscrire dans une dynamique de développement intégré pour faire face aux nouveaux enjeux de la protection de l’environnement et du développement durable. Par exemple, pour assainir un cours d’eau qui traverse plusieurs pays, une coopération sous-régionale est la voie du succès. Les questions de développement ont de plus en plus des enjeux régionaux ou sous-régionaux. Les pays d’Afrique devraient franchir le pas et coordonner les actions de développement selon des corridors économique, environnemental et social. Et cela doit être soutenu par l’amélioration de la libre circulation des biens et des personnes dans des zones sécurisées. Il est indéniable qu’à l’intérieur des frontières des Etats, le marché et l’offre de projets économiques sont en deçà des conditions pouvant catalyser une émergence réelle de l’Afrique.
La mise en œuvre effective des résolutions et des propositions repose sur une administration africaine efficace. Elle devra faire de la redevabilité dans la gestion des ressources publiques, un sacerdoce. En réalité, tout repose sur l’administration. Elle a besoin d’être formée aux exigences nouvelles du développement. Dans bien de pays en Afrique, l’administration reste encore à équiper en cadre et outils de travail. Ainsi, avec une conscience collective du développement où les gouvernements, la société civile et le secteur privé s’épaulent, l’émergence de l’Afrique est bien partie.
Satigui Koné, Président de l’Union Africaine des ONG de Développement (UAOD).
Tél : +225 09242453/ uaod.afrique@gmail.com