Le patron de ce groupe télécoms, présent au Congo, en Centrafrique et au Gabon, veut faire entendre la voix des opérateurs indépendants.
Son intérêt pour les télécoms, le Congolais Jean-Bruno Obambi, PDG de l’opérateur de télécoms Azur, l’a reçu en héritage. Dans les années 1990, un de ses proches parents, Pierre Otto Mbongo, avait facilité l’installation du groupe Celtel au Congo.
En 2008, ce diplômé de l’École polytechnique de Montréal saisit à son tour l’opportunité d’investir dans le secteur alors que l’opérateur Bintel (aujourd’hui Azur), propriété du groupe saoudien Binladen, cherche un partenaire à Brazzaville après s’être implanté en Centrafrique et au Gabon. D’abord président du conseil d’administration de sa filiale congolaise, Jean-Bruno Obambi prend le contrôle de l’opérateur en 2012. Selon lui, Azur, consolidé au sein d’un holding basé à Dubaï, est aujourd’hui valorisé à plus de 90 millions d’euros. Avec environ 1 million de clients dans ses trois filiales, il est cent fois plus petit que son concurrent Orange. Son patron reste néanmoins confiant dans sa capacité à se développer, même sur un marché en pleine concentration.
Jeune Afrique : Après plus de deux ans à la tête d’Azur, quel est votre bilan ?
Jean-Bruno Obambi : Azur est en progression au Congo et au Gabon, où nous sommes passés de 5 % à près de 10 % de part de marché. Notre chiffre d’affaires a progressé, de 45 millions d’euros en 2012 à 53 millions en 2014. En Centrafrique, la crise nous a pénalisés mais nous détenons toujours 24 % d’un marché très prometteur, où le taux de pénétration n’est que de 25 %, contre plus de 100 % dans nos deux autres filiales.
Est-ce suffisant pour être bénéficiaire ?
Au Gabon, nous équilibrons les recettes et les dépenses. Au Congo, nous visons une marge Ebitda positive en fin d’année. Et en Centrafrique, nous misons sur l’amélioration de la situation. L’objectif est toujours d’atteindre au moins 20 % de part de marché dans ces trois pays d’ici à 2019.
Fin 2014, Azur cherchait de l’argent frais pour financer son plan d’affaires. Où en êtes-vous ?
Nous avons établi un plan sur cinq ans. Le montant des investissements est estimé à 40 millions d’euros. Nous allons lever cet argent par tranches. Dans un premier temps, nous recherchons 20 millions, dont la moitié devrait être apportée par la BDEAC et l’autre moitié par un pool bancaire incluant notamment BGFI, Ecobank et BCI.
Depuis 2014, Azur bénéficie de l’appui technique de Monaco Télécom. Qu’est-ce que cela vous apporte ?
En tant qu’opérateur, Monaco Télécom, qui est présent au Kosovo et en Afghanistan, a une bonne expérience des opérations de taille moyenne. Et il facilite nos discussions avec des équipementiers comme Huawei et Ericsson.
Ce partenariat peut-il déboucher sur un véritable rapprochement ?
Ce n’était pas prévu au départ, mais Monaco Télécom, après avoir réalisé plusieurs audits dans nos filiales, va entrer dans le capital d’Azur à hauteur de 20 %. En plus du contrat de service, trois personnes vont être détachées pour nous aider à conduire nos opérations à partir du mois de juillet.
Au Congo et au Gabon, le marché ne va plus compter que trois opérateurs après le rachat de Warid par Airtel et la fusion entre Gabon Télécom et Moov. Est-ce une bonne nouvelle ?
Cela correspond au souhait des régulateurs de limiter le nombre d’acteurs tout en évitant la formation d’un duopole, avec deux multinationales se partageant le marché. Au Congo, une partie de la clientèle de Warid, qui avait un fort ancrage local, pourrait ne pas se retrouver dans la stratégie d’Airtel, géré de manière plus distante. Notre atout est d’être un opérateur né et piloté en Afrique centrale.
Qu’offrez-vous de plus ?
Nous avons par exemple connecté nos réseaux au Gabon, au Congo et en Centrafrique, ce qui nous permet de proposer des tarifs 30 % moins élevés que la concurrence pour les appels vers les téléphones munis d’une puce Azur dans ces trois pays.
Les grands opérateurs voudraient se partager le continent à trois ou à quatre pour stabiliser leurs marges.
Vous prônez un rapprochement des opérateurs indépendants. De quoi s’agit-il ?
L’idée est de fédérer les petits opérateurs pour peser davantage face aux géants du secteur. Cela sous la marque Azur, qui a l’avantage d’exister déjà dans trois pays. Cela permettrait de mieux négocier le prix de nos équipements et de proposer des services communs. Dans un premier temps, cela pourrait se limiter à un partenariat commercial avec des offres multipays, comme ce que proposent Vodacom ou Airtel. Je suis en discussion avec des opérateurs au Bénin et en Côte d’Ivoire, et j’espère pouvoir faire une annonce en fin d’année.
Pensez-vous que la concentration du secteur va se poursuivre ?
C’est la volonté des grands opérateurs, qui voudraient se partager le continent à trois ou à quatre pour stabiliser leurs marges.
Recevez-vous des offres d’achat pour Azur ?
Oui, de la part de grands opérateurs comme de moyens. Nous n’y sommes pas fermés. En plus du niveau de l’offre, nous examinons la qualité du projet industriel. Notre souhait est de voir exister des opérateurs africains aux côtés des multinationales.
Azur n’offre que des services 2G. L’internet mobile représente pourtant l’avenir du secteur…
Tout à fait, même si la voix reste la principale source de revenus pour les opérateurs. Nous lancerons la 3G en Centrafrique dans les prochains mois et négocions pour obtenir des licences 3G et 4G au Congo et au Gabon. L’objectif est d’être opérationnel au début de 2016. En attendant, nous avons pris très récemment des participations dans les fournisseurs d’accès internet Millenium Télécom en Centrafrique et Wifly au Gabon et au Congo, qui offrent des services haut débit grâce à la technologie Wimax.
Avec Jeune Afrique