« C’est une avancée, c’est clair ! », glisse un entrepreneur camerounais qui dirige depuis quelques années une PME. Il réagit ainsi au décret signé le 1er mars dernier par le Premier ministre Philemon Yang et apportant des réformes à la procédure de création d’entreprises au Cameroun.
En première ligne, le passage du capital minimum exigible pour la création d’une Société à responsabilité limitée (SARL) à 100 000 Fcfa contre 1 million Fcfa précédemment. En seconde ligne, lorsque la SARL est unipersonnelle ou lorsque son capital ne dépasse pas le million de Fcfa, les créateurs d’entreprises n’auront plus l’obligation d’élaborer leurs statuts par acte notarié. Une formalité qui leur coutait 300 000 Fcfa.
« C’est un plus pour les jeunes porteurs de projets. D’autant plus qu’auparavant, en raison des contraintes financières notamment – la création d’une SARL coutait près de 1,5 million- il était difficile de voir un seul entrepreneur lancer ce type d’entreprise. Généralement, on se met à deux ou à trois », explique notre interlocuteur.
Avant le décret du Chef du gouvernement, la loi n° 2016/014 y afférente a été adoptée le 14 décembre 2016. Faisant remarquer à l’époque que le Cameroun mettait ainsi en œuvre une recommandation de la 7e édition du Cameroon Business Forum (plateforme de dialogue du secteur public et du secteur privé dédiée à l’amélioration du climat des affaires qui s’est tenue en mars 2016), l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) s’était félicitée d’une « avancée remarquable aussi bien pour l’entreprise que pour l’économie, et qui augure d’une amélioration prochaine des performances du Cameroun quant à l’indicateur de création d’entreprise ».
Avec cette mesure, le Cameroun emboîte ainsi le pas au Gabon qui, en novembre dernier, a également rabaissé de 1 000 000 à 100 000 Fcfa le capital minimum exigible pour la création des SARL. Plus tôt, plusieurs autres pays membres de l’OHADA s’étaient prêtés à l’exercice. C’est le cas notamment de la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou encore le Togo.
Formation, accès aux contrats, financement,…ces défis
Dans les rangs des jeunes entrepreneurs, on acclame également la réforme, qui vient notamment renforcer le dispositif mis en place avec la création, il y a quelques années un peu partout sur le territoire des Centres de formalités de création d’entreprise (CFCE). Ici, la procédure mettrait seulement 72 heures. Sans rentrer dans la polémique autour du non-respect de ce délai dans la pratique, les entrepreneurs estiment que le gros du travail est ailleurs si l’on veut vraiment que les mesures facilitatrices de création d’emplois portent des fruits durables pour l’économie nationale.
Patrick Ehode, PDG de Vairified, craint une prolifération d’entreprises sans lendemain : « avec ces facilités, les gens seront tentés de créer des entreprises à tout va. Mais on sait très bien la création d’entreprise ne bouscule pas l’économie ». En d’autres termes, il plaide pour des entreprises solides et pérennes. Et pour ce faire, « il faudrait un peu mieux protéger les jeunes pousses. Sur le terrain, on voit que l’une des problématiques majeures reste la capacité de l’entreprise à apprendre, à se former. Il y a du changement dans tous les domaines. Les frontières entre les disciplines (informatique, marketing, commercial…) s’amincissent de plus en plus. C’est cette course qu’on est en train de perdre », regrette dans un entretien avec La Tribune Afrique cet acteur économique qui a révolutionné le transport urbain à Douala avec ses taxis sécurisés.
Justement, l’Association des jeunes entrepreneurs et chefs d’entreprises du Cameroun (AJECAM) estime que la formation en vue du renforcement des capacités permanentes des entrepreneurs devraient être une priorité pour le gouvernement.
« Les petites structures doivent normalement avoir deux, trois, voire quatre employés. Mais n’ayant souvent pas les moyens de recruter lors du lancement, le jeune chef d’entreprise se retrouvent souvent à jouer plusieurs rôles (dirigeant, comptable, commercial). Et il sera forcément plus compétents dans certains domaines que d’autres. C’est à ce moment-là que s’avère nécessaire le renforcement de ses capacités les domaines ne relevant pas de ses compétences », explique dans un entretien avec La Tribune Afrique, le président d’AJECAM, Camille Onana.
Les autres aspects qui urgent : l’accès aux contrats et le financement de ces contrats qui devient un véritable parcours du combattant pour les entrepreneurs sans expérience.« Même quand il a la compétence, l’entrepreneur peut être confronté à la question de l’expérience. L’Etat pourrait trouver un moyen d’assurer un contrat aux jeunes entrepreneurs aux projets porteurs. Au moins pour qu’ils puissent assurer la première année et prendre leur envol », suggère M. Onana.