Tous les compteurs de la santé des écosystèmes sont au rouge. La destruction des forêts, la fragmentation des espaces naturels et la désertification ne sont pas enrayés. La pression de la pêche sur les ressources de la mer est toujours excessive. La dangerosité des pollutions chimiques s’accroît. Les effets du changement climatique sont de plus en plus sensibles et les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas sur la bonne trajectoire. Enfin, les inégalités sociales s’amplifient alors que les plus déshérités sont les plus touchés par la destruction de l’environnement.
Des mesures sont prises pour conjurer une tragédie annoncée
Devant ces menaces lourdes, la prise de conscience progresse et des mesures sont prises pour conjurer une tragédie annoncée. L’accord de Paris est une avancée majeure dans la lutte contre le changement climatique. Celui de Kigali va conduire à la disparition progressive des HFC. Les aires marines protégées se développent. En France, la pollution urbaine, les conséquences sanitaires des pesticides et des perturbateurs endocriniens, la souffrance animale sont autant de sujets où l’opinion évolue rapidement. L’économie circulaire commence à faire école.
Reconstruire l’économie sur la base de l’écologie
Face à la destruction de la nature, menaçant les conditions de survie de milliards d’habitants, la réponse ne peut être que massive, mondiale et rapide. « On ne résout pas les problèmes avec les modes de pensée qui les ont engendrés », a dit Einstein. Nous ne pouvons plus poursuivre la chimère d’un monde de plus en plus artificialisé, injuste, divorcé d’avec la nature. Nous devons reconstruire notre économie sur la base d’une écologie intégrale, entre autres défendue par le pape François dans son encyclique Laudato Si.
Il s’agit de tourner la page du néolibéralisme et du consumérisme sans frein pour construire un monde de solidarité
De multiples expériences de terrain sont autant de balises montrant qu’il ne s’agit pas d’une utopie désincarnée, mais d’un projet disruptif, source de multiples innovations sociales et technologiques, qui met l’économie et la finance au service de la société. Qui cesse de considérer la nature comme un simple stock où prélever indéfiniment pour satisfaire le plus vain de nos désirs. Il s’agit de tourner la page du néolibéralisme et du consumérisme sans frein pour construire un monde de solidarité et de coopération. De définir et tenir un cap de transition énergétique et écologique, en appliquant un principe de subsidiarité grâce auquel les initiatives et les innovations de terrain se multiplient.
L’activité économique doit être relancée par l’investissement vert et la baisse de la consommation matérielle
L’activité économique doit être relancée par l’investissement vert et la baisse de la consommation matérielle. La pollution doit être plus fiscalisée que le travail. Concrètement, il serait possible de relever en France la contribution climat énergie, grâce au faible prix du pétrole et du gaz. Cela permettrait de réduire certaines charges et de contribuer au financement des travaux à réaliser pour mettre en oeuvre la transition écologique et énergétique, ce qui lui donnera tout son sens. Une réglementation simple, efficace et bien contrôlée doit être mise en place. Enfin, face au risque systémique que constitue le changement climatique, ce qui a été reconnu par le Conseil de stabilité financière, la finance doit être solidement encadrée, régulée et ses moyens fléchés vers la transition.
Négocier un pacte de transition
Cette mutation en profondeur de notre civilisation suppose un renversement de nos valeurs. Le progrès ne doit plus être confondu avec puissance, rapidité et modernité technologique. Des évolutions sont à l’œuvre sur ce plan, elles sont à amplifier. Le végétarisme prend des galons. Les circuits courts sont revalorisés. L’exploitation du charbon est progressivement mise au ban de la société et de nombreux financiers s’en retirent.
Les principes du commerce mondial doivent être repensés pour préserver l’ouverture de la mondialisation et limiter les ravages écologiques qu’elle engendre par la compétition effrénée qu’elle encourage. L‘Allemagne et la France ont la responsabilité historique de faire de la transition énergétique et écologique le nouvel horizon de l’Europe et de proposer un alignement des traités signés par les pays européens avec cette ambition.
Les transitions professionnelles doivent être accompagnées. Des emplois seront créés dans la rénovation des bâtiments, l’efficacité énergétique, les énergies nouvelles, l’agroforesterie, tandis que des emplois seront détruits dans les énergies fossiles. Il est impératif d’anticiper ces effets et de négocier un pacte de transition le plus vite possible.
Les moyens de financement public et privé ne manquent pas
Enfin, l’Etat doit remettre en cause sa gouvernance, dans un cadre institutionnel renouvelé, de sorte que le long terme soit pris en considération et que ses actions budgétaires fiscales et réglementaires soient cohérentes avec le cap tracé. Il doit initier un vaste plan d’investissements dans les infrastructures et le logement, sous-tendus par un aménagement du territoire et une urbanisation écologiques. Les moyens de financement privé et public ne manquent pas, comme nous l’avons montré. Les conséquences économiques et sociales d’un tel plan seront positives. Ce serait un formidable signal, que le cap de la transition énergétique et écologique soit vraiment pris.