Sur la côte ouest-africaine, la concurrence est rude. Les principaux ports ne lésinent pas sur les moyens pour devenir des plateformes de référence sur le continent.
Après avoir vu ses activités décliner tout au long de la décennie de crise dans laquelle était plongée la Côte d’Ivoire, le Port autonome d’Abidjan (PAA) n’entend pas perdre davantage de trafic au profit de ses concurrents voisins. En 2013, le port de référence du pays affichait un trafic de 21,48 millions de tonnes de marchandises, contre 21,71 millions un an plus tôt. Une légère baisse qui ne l’empêche pas de demeurer le leader incontesté de la sous-région, loin devant Dakar (plus de 12 millions de tonnes), Lomé (8 millions), Cotonou (7,4 millions) et San Pedro, également sur la côte ivoirienne (4,3 millions).
Le Port autonome d’Abidjan connait une légère baisse, qui ne l’empêche pas de demeurer le leader incontesté de la sous-région.
Bien décidé à faire de son port le troisième hub du continent, après Durban en Afrique du Sud et Tanger au Maroc, Hien Sié, le directeur général du PAA, a relancé le vaste programme d investissements (environ 2 milliards d’euros) mis en veilleuse durant les années troubles. Il doit permettre de récupérer la totalité du trafic lié aux pays enclavés de la région (Mali, Burkina Faso et Niger) qui, depuis septembre 2002, s’étaient détournés d’Abidjan.
« L’arrivée d’un deuxième terminal à conteneurs va doubler notre capacité dès 2018″, précise Hien Sié, qui estime que ce nouvel équipement fera de la capitale économique ivoirienne « la première plateforme de transbordement le long du golfe de Guinée ». Objectif affiché d’ici à quatre ans : un trafic de 27 millions de tonnes de marchandises par an – réaliste, surtout si l’effervescence minière se confirme chez les voisins du Sahel.
Chantiers
à l’ombre du mastodonte abidjanais, dans l’Ouest ivoirien, San Pedro fourbit également ses armes. Le premier port mondial en matière d’exportation de fèves de cacao a fini l’année 2013 avec un trafic global de 4,3 millions de tonnes – 1,1 million de plus qu’en 2012 ! En vue de diversifier ses activités, San Pedro a organisé son premier forum des investissements début mai. Gaoussou Touré, le ministre des Transports, y a présenté l’ensemble des projets, estimés à plus de 8 000 milliards de F CFA (environ 12,2 milliards d’euros). Le port prévoit la réalisation d’une base logistique pétrolière ainsi que d’un terminal minéralier pour profiter de l’exploitation minière à venir dans l’ouest montagneux du pays.
Les ports ivoiriens ne sont pas les seuls à compiler les projets de développement. Leurs concurrents régionaux ne lésinent pas sur les dépenses pour suivre la cadence. Dans son plan de développement des infrastructures lancé il y a plus de deux ans, Lomé a prévu d’investir 230 milliards de F CFA pour mettre en oeuvre deux immenses chantiers : la réalisation de Lomé Container Terminal, attribuée à Bolloré Africa Logistics (BAL), et la construction d’un terminal de transbordement par Global Terminal Limited et China Merchants Holdings.
Ces deux terminaux doivent permettre d’étendre le trafic en direction du Burkina Faso, du Mali et du Niger qui, ensemble, représentent 40 % des volumes traités par le port togolais. Lomé, qui peut déjà s’appuyer sur la présence de grandes compagnies maritimes, comme MSC, souhaite surtout développer des activités de transbordement, qui ne représentent pour l’heure que 5 % de son trafic. « L’accomplissement de ces grands chantiers va nous permettre d’accueillir des navires à fort tirant d’eau, et donc de nous positionner comme un véritable hub dans la région », veut croire le contre-amiral Fogan Kodjo Adegnon, directeur général du port de Lomé.
Après avoir bien profité de la crise ivoirienne, le Nigeria et le Ghana sont toujours à l’affût.
Modernisation
De son côté, Cotonou continue à s’équiper après avoir bénéficié de plus de 73 millions de dollars (environ 52,5 millions d’euros) d’investissements dans le cadre du Millenium Challenge Account au cours des cinq dernières années. Ce programme a notamment permis la construction du quai sud, concédé à BAL, ou encore l’amélioration du plan de circulation.
Les enjeux : accroître ses capacités de stockage ainsi que les possibilités d’accueil des grands navires de marchandises. L’avantage du port béninois par rapport à ses concurrents résidant dans son aptitude à attirer des trafics avec le Tchad et le Nigeria.
À Dakar, enfin, le groupe Eiffage-Jan De Nul vient d’achever des travaux de dragage à hauteur de 10 milliards de F CFA. Là encore, l’objectif est de transformer, d’ici à 2023, le port autonome sénégalais en une plateforme de référence pour l’ensemble de la côte ouest-africaine.
Dans cet environnement très concurrentiel entre pays francophones, les ports anglophones du Nigeria et du Ghana cherchent eux aussi à tirer leur épingle du jeu. Après avoir déjà bien profité de la crise ivoirienne, ils tentent maintenant de capter une partie des flux transitant dans l’espace UEMOA.
Au final, ce sont toutefois les armateurs qui désigneront le ou les heureux gagnants. « Celui qui bénéficiera du meilleur tirant d’eau sera alors en mesure d’attirer les plus grands porte-conteneurs, et donc de faire baisser les coûts pour les armateurs », précise un expert du secteur maritime.
Avec Africa24 Business