Equiper 90 millions de personnes de foyers de cuisson améliorés à l’horizon 2030, construire des barrages hydroélectriques d’une capacité totale de 15 700 MW, mettre en place des infrastructures pour récupérer le gaz naturel, etc., les chefs d’Etat de la CEEAC récemment réunis à N’Djamena ont pris des décisions remarquables.
L’information est passée inaperçue. Mais, 9 chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Cééac) réunis en session ordinaire le 25 mai 2015 à N’Djamena au Tchad ont adopté une décision importante sur le développement de l’énergie dans leur zone commune. Dans le communiqué final de leur rencontre, on peut lire que la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement a, sur proposition du Conseil des ministres, adopté différentes motions, déclarations et décisions. Parmi ces décisions, « la décision N°52/CEEAC/CCEG/XVI/15 approuvant le Livre blanc Energie de la CEEAC et la CEMAC ».
Il s’agit en effet là du Livre Blanc Energie portant sur la politique régionale pour un accès universel aux services énergétiques modernes et le développement économique et social. Une initiative conjointe de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac) et la CEEAC préparée en 2014 après une réunion des experts de la sous-région et dont l’objectif est « d’assurer à l’horizon 2030, l’accès universel aux services énergétiques modernes pour les populations, en vue de l’émergence de l’Afrique centrale et le développement humain durable ».
Le 18 octobre 2014 à Yaoundé à l’issue de la réunion des ministres en charge de l’Energie de la zone Cééac, présidée par Basile Atangana Kouna, le ministre camerounais de l’Eau et de l’Energie, une déclaration commune des ministres avait été signée. Elle invitait les chefs d’Etats des deux zones à « approuver le Livre blanc de la CEEAC et de la CEMAC : Politique régionale pour un accès universel aux services énergétiques modernes et le développement économique et social ». Les ministres leur recommandaient également de « d’assurer une appropriation du Livre Blanc de la politique énergétique à l’horizon 2030 avec l’accès universel aux services énergétiques modernes de nos populations par l’ensemble des acteurs nationaux et régionaux pour sa mise en œuvre et à mettre en place les conditions nécessaires à la concrétisation des objectifs pertinents de la politique régionale ».
Livre blanc
Dans la pratique, la vision de ce Livre blanc est soutenue par trois principes directeurs : la bonne gouvernance, régionale, nationale et locale ; la sécurité énergétique et le développement des énergies renouvelables, notamment la valorisation du potentiel hydro-électrique ; l’équité, le développement inclusif et la réduction de la pauvreté. Ses concepteurs affirment que ce recueil de propositions « se positionne comme la réponse de cette communauté régionale aux besoins des populations des dix (10) États membres, en matière d’accès universel aux services énergétiques modernes, de développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique ».
Concrètement, les Etats s’engagent à équiper, à l’horizon 2030, plus de 97 millions de personnes supplémentaires en milieu urbain de foyers améliorés pour ce qui est des combustibles modernes pour la cuisson et autres usages thermiques, notamment le gaz de pétrole liquéfié (GPL) et la biomasse moderne. De même, en milieu rural, c’est 90 millions de personnes qui bénéficieront de foyers améliorés et environ cinq millions de personnes de biodigesteurs. 21 millions auront accès au GPL.
Objectif, 15 700 MW
Pour ce qui est de la production énergétique, à l’horizon 2030, la capacité installée que l’on vise est de 15 700 MW et plus. « Cette capacité va être doublée entre 2030 et 2040 pour atteindre plus de 30 000 MW », prévoient les experts. Et bien entendu, c’est l’hydroélectricité qui sera de mise avec 91% des capacités. Energie renouvelable oblige ! Le taux d’électrification de la région augmentera donc de 54%, car près de 63 millions de personnes supplémentaires seront desservies en électricité. Pour atteindre ces résultats, les experts ne comptent pas seulement l’hydro-électricité, mais également sur la biomasse moderne et les autres sources renouvelables comme le solaire.
Par ailleurs, il est recommandé par les rédacteurs de ce manifeste, la construction des infrastructures pour récupérer le gaz naturel actuellement brûlé en torchères dans la zone CEEAC, alors qu’il est le combustible fossile le moins polluant. Ils estiment qu’environ 50 milliards de m3 de gaz naturel africain sont ainsi gaspillés du fait du manque d’infrastructure pour récupérer ce gaz naturel.
Enfin, pour éviter des coupures intempestives d’électricité, le livre blanc prescrit le renforcement des interconnexions dans la région et avec les autres régions. Ceci afin que le riche potentiel hydroélectrique de la CEEAC profite à l’ensemble des populations et des entreprises. Ce qui permettra aussi l’exportation d’une énergie propre et rentable vers les autres régions du continent. Bien entendu, il faut les financements (Voir encadré) pour concrétiser ces ambitions qui ont bénéficié de l’appui technique du PNUD. Mais déjà, en octobre dernier, les ministres en charge de l’Energie de la zone CEEAC ont recommandé à leur Etat respectif de soutenir la mise en œuvre de ce Livre blanc. Pourvu que cela soit suivi et vivement que l’approbation de ce document par les chefs d’Etats de la CEEAC ne soit pas semblable à la libre circulation dans la sous-région maintes fois décrétée par ces mêmes présidents, mais toujours un serpent de mer !
Financement : 122 milliards de dollars requis et un Fonds dédié
Pour concrétiser les ambitions de la zone Cééac et du Livre blanc Energie en matière d’installation des infrastructures pour les énergies propres, il faudrait au total 122 milliards de dollars dont environ 90% pour l’hydroélectricité.
Dans le détail, il est prévu dans le Livre blanc, 14,8 milliards de dollars d’investissements pour les l’accès aux services énergétiques fournis par l’électricité au cours de la période 2014-2040. Soit, 9,8 milliards de dollars sur la période 2014-2030 et de 5 milliards de dollars entre 2030 et 2040.
68 milliards de dollars sont requis durant la période 2014-2030 pour développement de nouvelles capacités dont plus de 91 % pour les centrales hydro-électriques. De 2030 à 2040, c’est 54 milliards de dollars qui seront utilisés pour la même cause.
Pour favoriser l’accès aux combustibles pour la cuisson et aux autres usages thermiques ainsi qu’aux foyers améliorés, c’est 2,5 milliards de dollars dont 1,36 milliard de dollars pour les zones rurales qui seront sollicitées.
Pour mobiliser ces financements, les auteurs du Livre blanc recommandent une combinaison de mécanismes incluant les aides et subventions, les crédits, la fiscalité, et la création d’un fonds spécifique au financement des Energies renouvelables. Les partenariats public-privé (PPP) sont également encouragés. Aussi, les ministres en charge de l’Energie avaient invité leurs Etats respectifs à soutenir la mise en œuvre de ce Livre blanc en engageant « le plus rapidement possible » la mobilisation des financements à travers les ressources internes ou à travers des partenariats techniques et financiers.
Avec Le Nouveau Gabon