Alors que la célèbre tableau de Vermeer est exposé au Louvre pour la première fois depuis 50 ans, retour sur une marque de yaourt qui lui doit une grande partie de son succès.
Il n’y a pas beaucoup de marques qui peuvent se targuer d’être exposées au Louvre. D’ici quelques jours pourtant, La Laitière aura la chance d’être sous les projecteurs du musée le plus visité du monde. Le Louvre va en effet proposer une exposition historique regroupant douze tableaux de Vermeer, une première depuis 50 ans! Dont cette fameuse Laitière, un oeuvre de jeunesse du célèbre peintre néerlandais qui orne depuis plus de 40 ans maintenant les pots de la marque de yaourt éponyme.
Mais comment ce tableau est-il devenu l’une des marques de grande consommation les plus célèbres de France? Si, aujourd’hui, l’association entre cette femme versant du lait, symbole de générosité, et un yaourt va de soi, cela n’a pas toujours été le cas. D’abord parce que le yaourt n’a pas immédiatement arboré le fameux tableau.
L’authenticité, le coup de génie marketing
L’idée de La Laitière remontre au début des années 70. C’est, précisément, en 1971 que Jean-Claude Marcantetti, un jeune chef de produit du groupe Chambourcy (racheté par Nestlé en 1996) évoque auprès de son chef l’idée d’un yaourt au lait entier dans des pots en verre. Un produit haut de gamme alors qu’à l’époque l’essentiel des yaourts sont produits avec lait écrémé et vendus dans des pots en carton. “J’ai pensé qu’il y avait une place pour un quatrième segment avec une image haut de gamme, grâce à des qualités gustatives immédiatement reconnues par le consommateur, explique Jean-Claude Marcantetti dans le livre Une histoire de gourmandise paru en 1998. J’en suis venu à la composition de lait entier, où le taux de matière grasse était de 34 g par litre.” Une idée qu’il a eu en gouttant à Marseille un yaourt fabriqué par une petite marque artisanale La Fermière.
Le produit est donc lancé en 1973 mais au départ point de pot en verre ni de tableau de Vermeer. La marque opte pour un pot en carton moins coûteux sur lequel figure une paysanne en sabots dessinée à la main par un designer maison.
Ce n’est que deux ans plus tard que l’idée d’utiliser un tableau célèbre germe dans l’esprit des créatifs d’Effivente, l’agence en charge de la communication autour du produit. Le directeur de l’agence Philippe Auroir songe à illustrer la montée en gamme du produit par un tableau pastoral du XVIIIème siècle. Et c’est en feuilletant un livre qu’une secrétaire de l’agence tombe sur le tableau du maître du baroque néerlandais. “A l’époque, d’autres marques utilisaient la peinture dans leur communication, rappelle Philippe Auroir au site Prodimarques. Nous feuilletions un ouvrage d’art à la recherche de la perle rare, quand une secrétaire, passant dans le bureau, met le doigt sur La Laitière de Vermeer en criant “C’est ça !”. Un tableau que nous avions vu plusieurs fois sans y prêter attention!”
La Laitière, un tableau érotique?
Au départ utilisée simplement pour la publicité, le tableau apparaît à partir de 1979 sur les packagings du produit. La marque opte finalement pour des pots en verre afin de donner un côté artisanal au produit. Une stratégie payante. “C’est un produit “désindustrialisé”, qui anticipe la vague des produits du terroir”, expliquait il y a quelques années Michel L’Hopitault le patron de l’agence Effivente.
Avec son icône nourricière qui symbolise aussi la fécondité, La Laitière est le premier produit de grande consommation qui véhicule des valeurs. Un joli coup marketing. D’autant que le tableau de Vermeer est aussi riche de sous-entendus érotiques relevés par de nombreux exégètes. D’abord, le liquide blanchâtre que verse délicatement la laitière dans son pot. Mais d’autres petits détails plus subtils soulignent cette dimension comme le petit dessin de Cupidon sur le carreau de la plinthe en bas à droite ou encore la présence d’une chaufferette juste devant ces carreaux, un objet qui servait à réchauffer les pieds mais aussi les parties intimes sous les robes. La Laitière, discret objet du désir? Il n’en fallait pas plus pour vendre des tonnes de yaourts.
Avec bfm