Avec d’excellentes prévisions de production mais une consommation en berne, l’or brun a vu son cours dégringoler de 25 %. Une très mauvaise nouvelle pour les pays producteurs.
En 2016, le cacao fut l’une des rares matières premières agricoles dont le cours s’est bien maintenu. Une tendance haussière liée à de mauvaises récoltes intermédiaires en Côte d’Ivoire et au Ghana, les deux premiers producteurs mondiaux (environ 60 % des volumes à eux seuls), qui s’est arrêtée net en octobre. À la Bourse de Londres, le cours du cacao est alors passé de 2 300 livres sterling par tonne environ à 1 745 actuellement (de 2 550 à 2 045 euros), soit une chute de 25 %, qui découle tout d’abord des très bonnes prévisions pour la récolte en cours, commencée au mois d’octobre en Afrique de l’Ouest.
En manque d’acheteurs
Contrairement à l’année précédente, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont connu d’excellentes conditions climatiques. « L’harmattan [qui peut endommager les fèves] a commencé de souffler, mais il sera normal ou faible cette année », estime Edward George, directeur du département recherche d’Ecobank, rappelant que la production ivoirienne est en hausse de 8 %. Cependant, en raison d’une consommation en baisse, tous les volumes disponibles ne trouvent pas forcément d’acheteurs.
« L’idée dominante est qu’il y a plein de cacao disponible sur le marché mondial, tandis que la demande a chuté », soulignait récemment dans sa note quotidienne Jack Scoville, analyste spécialiste des matières premières. Une tendance qui s’est confirmée le 20 janvier avec la publication aux États-Unis de mauvais chiffres concernant les volumes de cacao broyé, qui reflètent le faible appétit du premier consommateur de chocolat au monde. « Le broyage est en baisse de 25 %, alors qu’on s’attendait à une hausse », souligne ainsi l’analyste de Chicago.
La pré-vente va coûter cher à la Côte d’Ivoire
En Côte d’Ivoire, la dégringolade des cours est une très mauvaise nouvelle. Les autorités, qui ont vendu par anticipation quelque 70 % de la récolte actuelle sur la base des prix élevés enregistrés l’année dernière, ont accordé une hausse de 10 % du prix minimum garanti payé au producteur (1 100 F CFA par kilo, soit 1,68 euro). La situation est de plus en plus alarmante, estiment des sources locales, relayées par les agences de presse internationales. En raison d’une mauvaise couverture sur les contrats, d’importants volumes prévendus pourraient être remis sur le marché.
Selon une dépêche de l’agence Reuters, il s’agirait d’environ 300 000 tonnes. Non seulement cette décision – catégoriquement démentie par le Conseil café-cacao (CCC), le gendarme de la filière – coûterait cher à l’État ivoirien (jusqu’à 105 milliards de F CFA, soit 160 millions d’euros, qu’il faudra puiser dans le fonds de réserve, selon l’agence financière), mais elle pourrait à nouveau avoir un impact baissier sur les cours, bien que « le marché [ait] déjà intégré que des volumes seront revendus », selon Edward George, d’Ecobank.
Timide hausse en 2017
Le CCC, dont le démenti ne convainc pas les professionnels, pourrait simplement jouer la montre. Certains analystes, comme ceux de Rabobank, tablent en effet sur une remontée des cours cette année, mais qui devrait, si elle a lieu, être timide. « Il y a une possibilité que les prix augmentent dans la seconde partie de l’année s’il y a une forte hausse de la demande », confirme ainsi Edward George, pour qui un « prix juste » se situerait autour de 2 000 livres la tonne.
Aux États-Unis, note-t-il, même si une croissance de la consommation est attendue dans le cadre des dépenses d’infrastructures promises par Donald Trump, le dollar fort devrait contrebalancer l’impact sur le cours. Selon les prévisions de Jack Scoville, ce dernier ne devrait pas dépasser 1 850 livres en mars dans le scénario le plus optimiste.
Avec Jeune Afrique