Le général à la retraite Joao Lourenço, officiellement désigné vendredi pour succéder à José Eduardo dos Santos à la tête de l’Angola, est un fidèle de la première heure du régime, dont il a gravi un à un tous les échelons politiques et militaires.
Actuel ministre de la Défense et vice-président du Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA), il « fait partie du premier cercle du pouvoir », résume Didier Péclard, spécialiste du pays à l’université de Genève.
Sauf coup de théâtre, cet homme de 62 ans a toutes les chances de succéder au président José Eduardo dos Santos, qui a confirmé qu’il passerait la main à l’issue des élections générales d’août après trente-sept ans de règne.
Depuis les années 1970, le parcours de Joao Manuel Gonçalves Lourenço témoigne de sa loyauté sans faille au parti et à son chef.
Nourris au marxisme-léninisme, les deux hommes ont étudié dans l’ex-Union soviétique, qui a formé pendant la Guerre froide les jeunes figures montantes de la décolonisation en Afrique.
Joao Lourenço rejoint la lutte pour la libération de l’Angola en 1974, après la chute de la dictature au Portugal, et prend part aux combats qui conduiront à l’indépendance.
En 1984, il devient gouverneur de la province de Moxico (est) et entame son ascension dans l’organigramme du parti. D’abord chef de la direction politique de son ancienne branche armée (Fapla), puis président de son groupe parlementaire et vice-président de l’Assemblée nationale.
Le général Lourenço ne sort véritablement de l’ombre qu’en 2014, lorsqu’il accède au poste de ministre de la Défense.
Sa nomination à la vice-présidence du MPLA en août dernier fait alors rentrer cet homme avide de pouvoir dans le cercle étroit des dauphins possibles de l’actuel président.
Dès les années 90, il avait déjà laissé entrevoir son ambition lorsque M. dos Santos avait suggéré qu’il se retirerait.
Jugé un peu trop vorace, son appétit avait toutefois valu à Joao Lourenço « quelques années de +purgatoire politique+ », selon Didier Péclard.
– « Candidat de la continuité » –
L’annonce du président était en fait « une man?uvre politique pour faire +sortir du bois+ les ambitieux au sein du parti, et Joao Lourenço l’avait payé en étant écarté momentanément du premier cercle », ajoute-t-il.
L’ex-général, qui a délaissé l’uniforme pour un costume-cravate ample qui dissimule mal son embonpoint, semble avoir profité cette fois d’un concours de circonstances favorables.
En décembre dernier, lorsque M. dos Santos a annoncé son retrait, il est apparu comme « l’homme de la situation », explique Soren Kirk Jensen, du centre d’études Chatham House à Londres.
Soupçonné de vouloir passer la main à l’un de ses enfants, José Eduardo dos Santos a finalement laissé la place à Joao Lourenço et sa réputation de « modéré », lorsque « plusieurs personnes haut placées dans le parti ont tapé du poing sur la table », note Soren Kirk Jensen.
Pour l’opposant et journaliste Rafael Marques, le ministre de la Défense reste avant tout un « général dur du MPLA », dont la promotion ne représente pas plus qu’un simple « changement de visage » du régime.
« C’est un militaire, à la mentalité hiérarchique: il donne des ordres les autres obéissent. Le seul changement, c’est que la population va s’apercevoir que personne n’est éternel », confirme Luaty Beirao, rappeur et opposant au régime.
Il se présente « plutôt comme le candidat de la continuité », selon Didier Péclard.
Même s’il a la légitimité des combattants du MPLA de la première heure, le futur homme fort du pays « n’est pas considéré, en raison de son âge, comme un ami de M. dos Santos », note Benjamin Augé, de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Selon M. Augé, M. Lourenço n’a jamais été invité à participer aux juteuses affaires pétrolières du pays.
Né le 5 mars 1954 à Lobito (ouest), il a grandi dans une famille engagée politiquement. Son père, infirmier, a purgé trois ans de prison pour activité politique illégale.
Diplômé d’histoire, marié à la représentante de l’Angola auprès de la Banque mondiale, il parle portugais, anglais, russe et espagnol, selon sa biographie officielle.
Avec Jeune Afrique