Trop proches de leurs salariés pour oser leur imposer des tâches ingrates ou convaincus qu’une mission ne sera jamais aussi bien menée que par eux-mêmes, de nombreux managers ne savent pas donner un ordre. Aboyer ses instructions façon adjudant-chef, comme le faisaient nos grands-pères ? Et pourquoi pas fusiller les tire-au-flanc, tant qu’on y est ! A l’inverse, la jouer tendance en misant sur le copinage et l’émotionnel est le moyen le plus sûr de ruiner sa crédibilité : un manager n’est pas un parent démissionnaire.

Vous l’avez compris, trouver le ton juste pour formuler ses consignes est un exercice délicat. Voici cinq conseils pour l’exécuter dans les règles de l’art.

1. N’EXIGEZ PAS, EXPLIQUEZ !

Les ordres lâchés d’en haut ont peu de chances de stimuler votre équipe. Oubliez-les. La règle d’or est de ne jamais exiger, mais d’expliquer l’objectif poursuivi. C’est l’approche adoptée par de plus en plus de managers vis-à-vis des jeunes de la génération Y (les moins de 30 ans) qui acceptent mal les directives dès lors qu’elles ne sont pas justifiées. «Le management entre dans une ère où il faut insister sur le sens, observe Karine Aubry, spécialiste du coaching de dirigeants. Quand on passe une commande, il faut revenir sur ses raisons, sur le contexte… Bref, susciter la motivation.»

Car manager ne se résume pas à faire exécuter des consignes : il s’agit d’obtenir le meilleur de ses équipes. Pour inciter les siennes à s’investir dans la mise à jour du logiciel de gestion RH – ce qui impliquait le remplissage d’innombrables fichiers Excel -, Karolina Koronkiewicz, responsable des affaires médicales et de la paie dans un centre hospitalier, a, par exemple, insisté sur le fait que cette tâche rébarbative s’inscrivait dans un projet plus global de certification des comptes. Cette mise en perspective lui a assuré l’adhésion de ses collaborateurs.

2. MONTREZ QUE VOUS ÊTES SÛR DE VOUS

Récemment nommé à la tête d’une équipe, vous êtes persuadé que votre seul titre suffira à inspirer une obéissance absolue à vos troupes ? Détrompez-vous. Il est maladroit de vouloir leur imposer dès le premier jour une liste d’ordres à exécuter sans délai.

En tant que nouveau manager, vous bénéficiez d’un certain crédit, mais si vous vous enfermez dans le registre du commandement, les relations risquent de s’envenimer très vite. «Un manager qui entrerait dans le bureau de ses collaborateurs uniquement pour les solliciter ne serait pas longtemps respecté, confirme Alain Duluc, coresponsable à Cegos de l’offre de formation en développement personnel appliqué. Il faut prendre le temps d’établir une vraie relation avec ses troupes en s’intéressant sincèrement à chacun.»

Affirmez aussi votre leadership en montrant que vous êtes bien à la hauteur de la tâche sur les principaux dossiers qui vous incombent. Et, surtout, faites preuve d’assurance. Sinon, vous courez à la catastrophe.

Chef de service chez un équipementier aéronautique, William en a fait l’expérience il y a quelques mois. Confronté à des collaborateurs au caractère bien trempé, il a vite constaté que ses consignes sur les procédures de sécurité et sur les délais de reporting n’étaient pas suivies d’effet. Avec l’aide d’une coach, il a compris que son déficit d’autorité trouvait son origine dans un manque de confiance en lui : issu de la promotion interne, il était persuadé qu’il n’avait pas les épaules assez larges pour le poste. Une fois convaincu de sa légitimité à occuper cette fonction, il s’est montré beaucoup plus sûr de lui et persuasif envers son équipe, en ajoutant une dose de fermeté à son management participatif. Résultat : délais et procédures de sécurité ont été à nouveau respectés.

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Karine Aubry, fondatrice de Kolibri (coaching de managers et de dirigeants) : «Les managers d’aujourd’hui sont présentés avant tout comme des accompagnants. Ils ont donc du mal à se placer sur le terrain du commandement. La bonne stratégie consiste à affirmer d’abord sa posture de leader. Cela permet ensuite de mieux faire passer ses directives et d’obtenir des résultats»

3. FIXEZ DES RÈGLES CLAIRES

«Lorsque le cadre est clair, il est moins nécessaire de formuler des ordres, car les personnes connaissent le mode de fonctionnement du manager, ce qu’il veut ou ce qu’il ne veut pas. Elles savent ce que l’on attend d’elles», explique Annick Haegel, consultante freelance en ressources humaines.

Cela implique aussi de recadrer celles et ceux qui ne se plient pas aux consignes. Les délais ne sont pas tenus ? Rappelez que vous aviez donné jusqu’à la fin de la semaine à toute l’équipe pour rendre le plan de développement sectoriel et que tout retard vous pénalise à votre tour dans l’achèvement de votre propre plan de développement régional.

Vincent Eurieult – Apprendre à tout négocier
Les professeurs & directeurs scientifiques des programmes Executive de l’ESCP Europe décryptent sur Xerfi Canal TV les enjeux majeurs du management en entreprise. En quelques minutes, ils fournissent aux décideurs les clés essentielles…
 Vous venez d’apprendre que votre commercial a perdu un appel d’offres la semaine dernière ? Expliquez-lui que si vous vous êtes engagé à l’accompagner dans ces démarches, il est tenu, en retour, de vous informer de ce genre d’échec. Dans son centre hospitalier, Karolina Koronkiewicz avait noté que, travaillant à flux tendu, ses agents ne suivaient pas toujours ses instructions. Désormais, pour éviter les dérapages, elle double celles-ci d’un e-mail.

4. ADAPTEZ LE MESSAGE À VOTRE INTERLOCUTEUR

Directif, participatif, «délégatif» ou persuasif, chacun développe le style managérial dans lequel il se sent le plus à l’aise. «Mais un bon manager doit savoir jouer de ces différents registres et trouver celui qui correspond le mieux à son interlocuteur ou à la situation, souligne Virginie Cathiard, consultante en management et en communication pour Orsys formation. Son style, poursuit-elle, peut donc varier au sein d’une même équipe : directif avec un jeune inexpérimenté, délégatif avec un collaborateur autonome, participatif avec une équipe investie, et persuasif quand il s’agit de convaincre un collaborateur de passer du temps sur une tâche ingrate.»

La posture au moment de donner un ordre se révèle également cruciale. «Il faut veiller à s’exprimer posément et établir la connexion avec la personne avant de lui transmettre vos exigences», recommande Alain Duluc.

5. DEMANDEZ UN ACCUSÉ DE RÉCEPTION

Une fois la consigne passée, votre travail n’est pas terminé. Il faut en effet vous assurer que les enjeux ont bien été compris. Pour cela, n’hésitez pas à faire reformuler votre demande par les intéressés. «Interrogez la personne sur ce qu’elle pense entreprendre pour répondre à votre attente, recommande Karine Aubry. Il s’agit de vous assurer qu’elle va dans la bonne direction, sans tomber dans le travers du micro-management en détaillant votre consigne à l’excès.»

Laissez-lui carte blanche sur le mode d’exécution, en instituant des contrôles réguliers et adaptés au niveau d’autonomie de chacun. Certains collaborateurs sont inexpérimentés ou ont besoin d’être rassurés ? Accompagnez-les en leur faisant formuler les étapes à respecter et les problèmes à résoudre. Ils gagneront ainsi progressivement en autonomie.

C’est ce qu’a constaté François Cordiez, chez Altran. Aujourd’hui à la tête d’une équipe de 30 collaborateurs, il se souvient d’un épisode cuisant de sa carrière : fraîchement nommé à un poste et engagé sur un projet compliqué, il avait alors voulu gérer seul le dossier, sans solliciter personne. Une erreur : il s’est vite retrouvé la tête sous l’eau. Depuis, ce manager a compris que donner une consigne claire est un gain de temps et d’efficacité. «Le fait que je sache me faire obéir est le résultat de beaucoup de tentatives et de pas mal d’échecs», souligne-t-il, modeste, comme pour vous inciter, à votre tour, à vous lancer.

Damien Aurand, 31 ans, chef d’agence chez Point P : l’art de se faire obéir en douceur

Damien Aurand, chef d'agence chez Point P©DR
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Damien Aurand, chef d’agence chez Point P©DR

Des urgences, Damien Aurand, chef de deux agences Point P, en gère souvent. Mais jamais il ne les résout en imposant son autorité à coups de diktats. Récemment, un nouveau (et important) client attendait la livraison dans la journée de matériaux sur son chantier. Or, en venant charger la marchandise, le chauffeur s’est rendu compte que le fournisseur était en plein inventaire. «trois solutions m’apparaissaient envisageables : faire le forcing auprès du fournisseur, mais mes équipes l’avaient déjà tenté; demander au client de venir à l’agence pour récupérer une marchandise équivalente; ou faire en sorte que le chauffeur passe à l’agence pour y prendre la marchandise disponible et la livrer aussitôt», explique-t-il.

Plutôt que d’imposer des instructions détaillées, Damien Aurand n’a transmis qu’une consigne à l’équipe logistique : donner au plus vite satisfaction au client. Se contentant de reformuler les données du problème, il a obtenu qu’elle mette d’elle-même en place la dernière solution, la meilleure à ses yeux. Une façon de la motiver, de la responsabiliser et de la faire monter en compétences et en autonomie.

Avec Management