Le chiffre fait rêver : 4.068% de croissance en quatre ans ! C’est la performance réalisée par SlimPay entre 2010 et 2014. Elle vaut à cette start-up, spécialiste du paiement par prélèvement, d’arriver en tête du classement Fast 50 2015 du cabinet d’audit Deloitte, qui distingue les entreprises de technologie les plus dynamiques de France. Mieux : la jeune pousse se hisse au 17 e  rang du palmarès européen Fast 500.

SlimPay fait partie de ces start-up qui misent sur les technologies numériques pour dynamiter l’univers de la finance, d’où cette appellation de «FinTech». Elle propose aux entreprises dont le business model repose sur l’abonnement (EDF, Engie (ENGI-11,03 € 1,29 %), Direct Energie… mais aussi Deezer, TripAdvisor, etc.) un service de prélèvement direct sur le compte bancaire de leurs clients, sans passer par leur carte Visa. Avec, à la clé, moins de frais et aucun risque de perdre des abonnés s’ils égarent leur carte ou qu’ils en changent.

SECTEUR EN EFFERVESCENCE. Grâce à la généralisation des technologies mobiles et au développement du cloud computing (l’informatique dématérialisée), les FinTech attaquent depuis quelques années tous les segments du marché des services financiers : moyens de paiement, crédit, gestion du patrimoine et de l’épargne, affacturage…

Si leur chiffre d’affaires ne pèse pas encore très lourd au regard de celui des banques, leur progression est spectaculaire et leur potentiel de croissance, considérable : entre 2008 et 2014, les investissements dans le secteur ont été multipliés par treize, selon Accenture.

A la pointe du mouvement, les Etats-Unis concentrent 80% des capitaux investis. Les stars de la FinTech sont cotées au Nasdaq de New York : Square, la société de paiement mobile de Jack Dorsey (le fondateur de Twitter), pèse déjà 3 milliards de dollars ; Lending Club, la plateforme de prêts entre particuliers créée par le Français Renaud Laplanche, atteint 2,8 milliards. En Europe, le Royaume-Uni et la place financière de Londres attirent à eux seuls 40% des investissements réalisés en la matière sur le Vieux Continent.

Renaud Laplanche, le Frenchy de Lending Club : 

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Et si la France n’arrive qu’en cinquième position (après les Pays-Bas, l’Allemagne et la Russie), le secteur est en pleine effervescence dans l’Hexagone : la directive européenne sur les services de paiement (DSP1), adoptée en 2007, a ouvert des brèches dans le monopole des banques. Et de nombreux acteurs s’y engouffrent.

CAGNOTTE EN LIGNE. La plus belle réussite dans le domaine des nouvelles solutions de paiement revient à Leetchi. Créée en 2009 par Céline Lazorthes, une ex-HEC aujourd’hui âgée de 33 ans, la société permet de créer une «cagnotte en ligne» pour simplifier les dépenses de groupe (comme l’organisation d’une fête ou l’achat de cadeaux communs). Elle se rémunère en prélevant une commission (2,9 ou 4%, selon la somme) et revendique aujourd’hui 4 millions d’utilisateurs dans 150 pays.

Mais ce n’est pas tout : ayant obtenu en 2013 l’agrément d’«émetteur de monnaie électronique», la jeune entrepreneuse a lancé MangoPay pour commercialiser sa technologie en marque blanche auprès d’autres compagnies. Cette deuxième entreprise est devenue l’intermédiaire de paiement de plus de 800 marketplaces et plateformes de consommation collaborative dans 22 pays.

Devant un tel succès, le Crédit mutuel Arkéa a racheté Leetchi et MangoPay l’an dernier pour un montant estimé à 50 millions d’euros. «Ce mariage témoigne de la complémentarité qui existe entre les FinTech et les établissements traditionnels, estime Céline Lazorthes. Beaucoup de banques avaient essayé de créer un service comme Leetchi, sans y parvenir. Pour que cela fonctionne, il ne suffit pas de connaître le système financier, il faut aussi comprendre les phénomènes de viralité et la dynamique des réseaux sociaux.» Des compétences qui jusqu’ici manquaient aux grands établissements financiers.

Face aux mastodontes du secteur, qui ont perdu depuis longtemps l’habitude de faciliter la vie de leur clientèle, les FinTech imaginent de nouveaux moyens de paiement, répondant mieux que ceux des banques aux modes de communication et de consommation actuels.

C’est le cas de Pumpkin, une société lilloise créée en 2014 par deux jeunes diplômés de l’Edhec et un développeur. Elle propose une application mobile facilitant l’échange de petites sommes d’argent entre particuliers. «Il est compliqué de rembourser le prix d’un repas ou d’une place de concert à un ami parce qu’on n’a pas forcément de la monnaie ou un chéquier sur soi. En revanche, on a toujours son portable», explique Hugo Sallé de Chou, l’un des fondateurs.

©Pumpkin
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Le service est gratuit et son business model repose sur la construction d’une communauté d’usagers. «A terme, nous la valoriserons en proposant différents services payants. Nous parvenons à recruter des utilisateurs pour un coût inférieur à 1 euro, quand l’acquisition d’un client se chiffre en centaines d’euros pour une banque», poursuit le jeune homme. Pumpkin, qui a réuni un capital de 600.000 euros et compte déjà quelque 30.000 inscriptions, a transféré au total 2 millions d’euros. Ses fondateurs visent les 100.000 utilisateurs d’ici à la fin de l’année 2016.

ATTENTIFS A LA DEMANDE. Les dirigeants de la FinTech ne se recrutent pas que dans la génération Y. Expert dans la monétique et ancien top manager de MoneyLine et d’Ingenico, Marc Le Mouel, 52 ans, a pris la tête de Smile&Pay en 2014.

L’entreprise commercialise une solution de paiement par carte bancaire pour les petits commerçants, les professions libérales et les micrœntrepreneurs. «Entre 800.000 et 1 million d’acteurs économiques n’acceptent que les paiements en liquide ou par chèque, rappelle Marc Le Mouel. Ils ne s’équipent pas d’un terminal de paiement électronique (TPE) parce que l’offre des banques est trop chère et inadaptée à leurs besoins. Nous leur apportons une solution simple et beaucoup plus abordable.»

S’inspirant du modèle de Square aux Etats-Unis, Smile&Pay propose un TPE à 89 euros, soit sept à huit fois moins qu’un terminal de banque classique. Et si le commerçant n’encaisse pas de règlement par carte, il ne paie rien. La jeune pousse prélève 2% sur les transactions. Lancée fin 2015, elle a déjà conquis près d’un millier de clients et levé 1,6 million d’euros auprès du fonds Truffle Capital. Signe qui ne trompe pas : lors du dernier Salon des entrepreneurs, à Paris, son stand ne désemplissait pas.

FIANCEMENT PARTICIPATIF. Un grand nombre de FinTech s’installent sur le marché du crédit. L’adoption en 2014 d’une ordonnance encadrant le financement participatif (crowdfunding) a fortement stimulé le marché français. Dans le sillage des pionniers, Ulule et KissKissBankBank, une soixantaine de plateformes ont vu le jour. La plupart visent des niches.

C’est le cas de StudentBackr, qui aide les étudiants à financer leurs études. «Il est difficile d’aller taper à la porte de vos proches pour leur demander de vous aider à payer vos frais de scolarité ou un stage à l’étranger, explique Yamin Chalabi, l’un des trois fondateurs. Pourtant, beaucoup d’entre eux seraient disposés à donner 20 ou 50 euros.

Grâce à StudentBackr, cela peut se faire sans susciter de malaise : l’étudiant présente son projet sur le site, et chacun est libre de l’aider.» Lancée fin 2015 avec un capital de 200 000 euros, la plateforme a collecté environ 50.000 euros en trois mois. Autre levier de croissance, la nouvelle réglementation permet aussi aux acteurs du financement participatif de mettre en relation des prêteurs et des entreprises souhaitant emprunter de l’argent.

«C’est une brèche dans le monopole des banques et une révolution pour les épargnants et les entreprises», note Olivier Goy, créateur de Lendix. Fondée en 2015, la start-up permet à des PME d’emprunter de 30.000 à 1 million d’euros à des taux compris entre 4 et 9%, selon la durée de l’emprunt et le risque estimé. Les particuliers peuvent soutenir autant de sociétés qu’ils le veulent mais sans jamais miser plus 1.000 euros par projet.

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Et ils adorent : en un an, Lendix (qui facture des frais de dossier et prélève une commission) a collecté plus de 11 millions d’euros, et son fondateur compte bien atteindre 50 millions d’euros dès cette année. Un début, puisque le marché du prêt aux PME est évalué à 80 milliards d’euros.

Enfin, certaines FinTech offrent des services que les banques se refusaient jusqu’ici à installer parce qu’ils leur auraient fait perdre des revenus. Ainsi les «agrégateurs», comme Linxo et Bankin’, proposent des applications offrant à une personne une vision en temps réel de l’ensemble de ses comptes, quelles que soient les banques où ils ont été ouverts. Un bon moyen d’éviter les découverts et les frais qui en découlent.

Linxo a séduit 850.000 utilisateurs et bouclé en début d’année une levée de fonds de 2 millions d’euros, tandis que Bankin’ revendique 1 million de clients. D’autres entreprises comme Yomoni et Marie Quantier lancent sur le marché des robo advisors : des logiciels qui conseillent les particuliers sur la gestion de leur patrimoine.

Bref, les idées foisonnent. Mais le secteur est encore balbutiant : une seule startup française figure dans le classement des 100 premières FinTech au monde, établi par KPMG en début d’année. Il s’agit (encore) de SlimPay qui n’arrive qu’en… 92 e  position.

VAGUE DE FOND. Pourtant la filière se structure. Déjà, «150 entreprises françaises environ peuvent être considérées comme des FinTech», estime Maximilien Nayaradou, directeur des projets R&D de Finance Innovation. Et la toute jeune association France FinTech (créée en juin 2015) entend peser sur la transcription en droit français de la deuxième directive européenne sur les services de paiement (DSP2), pour veiller à ce que d’autres brèches s’ouvrent dans le monopole des banques. Le mouvement ne fait que commencer.

♣ CINQ FINTECHS PLEINES D’AVENIR ♣

– PRÊT D’UNION révolutionne le crédit à la consommation

Date de création : 2011. Montant levé : 50 millions d’euros

Charles Egly, le patron de Prêt d’Union : 

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Avec une centaine de collaborateurs, Prêt d’union est la plus grosse FinTech française. «Notre ambition est de réinventer le crédit à la consommation et l’épargne avec un business model plus ergonomique, plus rapide et moins cher», annonce Charles Egly, son patron. La plateforme met en relation des épargnants et des emprunteurs.

Les premiers bénéficient de rendements situés entre 3 et 4%; les seconds de taux inférieurs de 1 à 1,5 point à ceux du marché. Cette start-up est aussi la seule de sa branche à disposer, comme les banques, d’un agrément d’établissement de crédit. «Cela nous permet d’opérer en toute autonomie et d’être hyperagile, ce qui est un formidable atout quand on entreprend de bouleverser un secteur», déclare Charles Egly. Prêt d’Union a déjà octroyé 270 millions d’euros de crédit, dont 150 millions en 2015.

– LYDIA anticipe la société sans cash

Date de création : 2013. Montant levé : 3,6 millions d’euros

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Les premières pièces de monnaie furent frappées en Lydie (Lydia en grec) au VII e  siècle avant notre ère. En donnant ce nom à sa société, Cyril Chiche annonce clairement sa volonté d’enterrer plus de vingt-cinq siècles de civilisation et d’en finir avec la monnaie de métal et de papier.

Une fois liée à la carte bancaire de l’utilisateur, Lydia, l’appli mobile qu’il a lancée, permet d’effectuer des virements vers le téléphone d’un autre client, mais également de générer un QR code pour valider un paiement auprès d’un professionnel. Le service est gratuit pour les particuliers : Lydia se rémunère en prélevant une commission comprise entre 0,3 et 1,5% auprès des commerçants. La start-up revendique déjà plus de 215.000 comptes.

– PAYTOP fait tourner l’argent dans le monde

Date de création : 2012. Montant levé : 7,3 millions d’euros

Créée par le banquier David Boucher, le serial entrepreneur du Net Philippe Coup-Jambet et le fonds Truffile Capital, PayTop propose un éventail de services en ligne pour faciliter l’échange d’argent à l’international : transferts à prix réduit vers 138 pays (4 euros pour les sommes inférieures à 150 euros, 8 euros au-delà), achat de devises sans frais fixes et avec livraison à domicile, cartes de paiement multidevises (euro, dollar et livre sterling) pour échapper aux frais bancaires sur les paiements effectués à l’étranger (29,90 euros par an), etc. La start-up, qui dispose d’un agrément «établissement de paiement», a traité 14 millions d’euros de flux en 2014 et compte «multiplier ce chiffre par dix d’ici à trois ans», selon Philippe Coup-Jambet.

– ASTON ITRADE FINANCE optimise la gestion du poste client

Date de création : 2010. Montant levé : 3 millions d’euros

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Élue FinTech de l’année en 2015, lors du Fin&Tech Community, à Bercy, Aston iTrade Finance offre une plateforme de services pour aider les entreprises à valoriser leur «poste client» (qui regroupe les factures émises et les encours enregistrés dans la comptabilité).

Elle propose ainsi des relances automatisées, une évaluation de la situation des créanciers, la mise en relation avec une assurance-crédit ou une société d’affacturage. «Nous ne cherchons pas à perturber les banques ni les assureurs mais à collaborer avec eux», précise Amaury de la Lance, son PDG, qui a travaillé pendant vingt ans dans la banque d’investissement (HSBC, Indosuez, etc.). La société, qui a vu le jour à Nancy, emploie une trentaine de personnes et gère quelque 2 milliards d’euros de factures.

– YOMONI lance le conseiller robot à la française

Date de création : 2015. Montant levé : 3,5 millions d’euros

Et si vous confiiez votre épargne à un robot ? La société Yomoni adapte le concept des robo advisors, en vogue aux Etats-Unis, aux spécificités du marché français : l’épargnant remplit un questionnaire avant d’être orienté vers un contrat d’assurance-vie (pour bénéficier des avantages fiscaux) en fonds indiciels (pour bénéficier de frais de gestion réduits) adapté à son profil. «Les algorithmes nous aident dans les arbitrages, mais la décision finale appartient à notre équipe de gestion», précise Mourtaza Asad-Syed, l’un des deux fondateurs de la société, ancien responsable de la stratégie de Société générale Private Banking.

Grâce à cette organisation 100% en ligne, Yomoni limite les frais de gestion à 1,6% : «C’est la moitié de ce que pratiquent les banques», précise le dirigeant. Seule FinTech agréée «société de gestion» par l’Autorité des marchés financiers (AMF), Yomoni emploie une douzaine de personnes.

3 questions à Ronan Le Moal, directeur du Crédit Mutuel Arka : «Les FinTech sont une opportunité de croissance»

Management : Pourquoi le Crédit mutuel Arkéa s’intéresse-t-il aussi fortement aux FinTech ?

Ronan Le Moal : Avec 1,8 milliard d’euros de CA, nous sommes un acteur bancaire de taille moyenne et doté d’une très forte culture. Nous voyons la FinTech comme une formidable opportunité de croissance.

Management : Comment des start-up peuvent-elles concurrencer les banques ?

Ronan Le Moal : Il y a quelques années, il fallait 2.000 personnes pour construire un acteur financier. Aujourd’hui, on fait des choses incroyables avec 50 personnes. La technologie permet des ratios d’efficacité bien supérieurs à ce que l’on connaissait jusqu’à présent. Et cela répond aux attentes des consommateurs.

Management : Les FinTech représentent-elles une menace pour les établissements bancaires ?

Ronan Le Moal : Les banques subissent depuis 2008 une forte pression, à la fois réglementaire et fiscale. Il va falloir qu’elles s’habituent à un changement dans le rapport de force avec le consommateur. Dans ce contexte, on voit apparaître de nouveaux acteurs particulièrement innovants qui utilisent la technologie pour casser les codes. Ils ont une belle carte à jouer. Certes, cela ne veut pas dire que la banque de détail n’a plus d’avenir, mais elle va devoir se réinventer complètement.

Avec Management