L’erreur a beau être humaine, il est difficile, en France, de conserver sa crédibilité lorsqu’on s’est planté. Assumé pleinement, replacé dans son contexte, l’échec est pourtant un précieux allié de la réussite.
J’en étais malade. Parce que j’avais manqué de vigilance, mon service était passé à côté d’un appel d’offres de 2 millions d’euros, raconte le responsable commercial d’une société de services. Mon supérieur ne m’en a pas tenu rigueur, mais pas question que ça se reproduise.» Tous les chefs ne se montrent pas aussi compréhensifs : en France, l’échec peut être dévastateur en termes d’image et de carrière. «Les racines de ce mal viennent du système éducatif : il pointe les manquements, alors qu’ailleurs, aux Etats-Unis notamment, on souligne ce que l’élève sait faire», analyse Isabelle Sathicq, coach en transition de carrière à l’Espace Dirigeants. Difficile, dans ces conditions, de se remettre d’une déconvenue… Mais pas impossible. Voici comment repartir sur de bonnes bases.
Reconnaître son erreur et en tirer des enseignements
«Je me suis fourvoyé en acceptant trop vite un changement de poste», reconnaît Marc, informaticien chez un développeur de logiciels. Délégué syndical CGC et chef de service, il avait besoin de nombreuses heures de délégation pour négocier un accord d’entreprise majeur, ce que sa fonction ne permettait pas. La DRH lui a alors proposé un poste de responsable qualité, moins prenant car ne nécessitant pas de gestion d’équipe. Un fauteuil qu’il a occupé dix-huit mois, jusqu’à ce qu’il se montre dans l’incapacité de gérer un arrêt du système informatique, mettant 300 personnes au chômage technique pendant une semaine ! En son for intérieur, il a commencé par accuser la DRH d’avoir minimisé la difficulté technique du poste, avant de réaliser qu’il n’avait pas exigé de descriptif précis. Une précaution qui lui aurait permis de réaliser qu’il lui manquait des compétences indispensables en gestion de réseau pour exercer la fonction.
«Le premier réflexe est souvent de rejeter la faute sur autrui, observe Valérie Moissonnier, coach à l’Institut du selfcoaching. Or, il est essentiel de discerner sa part de responsabilité dans la situation. C’est la seule garantie pour ne pas reproduire les mêmes erreurs.» Il ne s’agit pas de se fustiger ou de culpabiliser, mais au contraire de se remémorer ses réussites passées et de faire le point sur ses compétences et ses domaines d’excellence.
Accepter de revenir aux fondamentaux de sa profession
Dominique Bocci ne s’attendait pas à un accueil aussi glacial. Nous sommes fin 2006. Alors qu’il vient de se faire muter, ce manager des ventes dans l’agro-alimentaire se heurte aussitôt à l’hostilité de sa nouvelle équipe. Ne connaissant ni le marché, ni les clients, ni la région, il accumule les maladresses, au point d’être convoqué par son directeur. «Les reproches étaient flous, mais j’ai vite compris que pour m’en sortir, je devais tout reprendre à la base», raconte-t-il. Il rencontre ses collaborateurs un par un, reste en retrait sur les dossiers qu’il ne maîtrise pas, communique avec chacun… Peu à peu, ses relations avec l’équipe s’améliorent, il reprend confiance en lui.
«Il faut parfois accepter de refaire ses gammes. Cela permet de renouer avec le succès et de se lancer de nouveaux défis», résume Nathalie D’hoker-Lacour, coach et formatrice. Ayant recouvré sa légitimité, Dominique Bocci a pu, quelques mois plus tard, prendre la tête d’une autre équipe de vente.
Assumer son vécu et affronter le regard des autres
«A mon retour d’Asie, cela a été très dur, se souvient Françoise, rapatriée avant l’heure d’une mission qui avait mal tourné. Les conversations qui s’arrêtaient lorsque j’arrivais, les fous rires à peine dissimulés, les annulations de déjeuners…» Sans compter le retour à son service d’origine, vécu comme une régression. Lire son échec dans le regard des autres peut se révéler traumatisant et en pousser certains au repli sur soi. Françoise a fait le contraire : elle a renoué avec ceux qui l’estimaient auparavant et avaient gardé en mémoire ses succès, et a cherché à faire de nouvelles connaissances. «Lorsque ceux qui me regardaient de haut sont peu à peu revenus vers moi, pour me demander un conseil par exemple, je n’ai pas hésité à les aider», raconte-t-elle. Cette attitude positive lui a permis, à la longue, de redorer son image et de retrouver sa crédibilité.
Nathalie D’hoker-Lacour propose, elle, de faire taire les mauvaises langues en n’hésitant pas à raconter la partie manquante de l’histoire : «Ceux qui vous collent une étiquette de loser sur le dos se nourrissent souvent de bribes d’informations, mais ont rarement une vue d’ensemble. Rétablir la vérité peut vous aider à modifier leur vision.»
Se mettre à la disposition d’un autre service
Il y a des besoins ailleurs ? Pourquoi ne pas repartir de zéro, là où l’on ne vous parlera pas du passé mais plutôt des objectifs à venir. C’est ce qu’a fait Bruno, responsable clientèle dans la publicité, malmené pendant un an par sa supérieure hiérarchique à la suite d’une baisse de productivité liée à des soucis personnels. Au bout du compte, il avait dû tirer un trait sur la promotion promise. «J’ai pris une claque mais cela m’a poussé à agir. Dès que j’ai su qu’une autre business unit cherchait un profil proche du mien pour gérer un nouveau client bancaire, j’ai convaincu le manager de tenter l’expérience.» Il lui a fallu refaire ses preuves, gérer dès les premiers mois deux campagnes difficiles… «Mais je savais faire», poursuit-il. Quelques semaines plus tard, il était confirmé à son nouveau poste.
«Après un échec, posez-vous la question : de quelle manière puis-je constituer une solution pour l’entreprise ?», conseille Jean-Christophe Sciberras, DRH France de Solvay (chimie).
Trouver des appuis en interne et en externe
«Lorsqu’on m’a annoncé que je travaillerai en binôme avec un nouveau jeune directeur, j’ai compris qu’on me placardisait», raconte l’ancienne responsable d’une agence de communication. Elle met alors des clients dans la confidence. «Ils ont informé ma direction qu’ils ne renouvelleraient leur budget qu’avec moi. Cela m’a permis de conserver mon périmètre d’activité, même après avoir perdu mon titre et mon équipe.»
Quand on essuie un revers, trouver des appuis est essentiel, en interne et en externe. «Obtenir la caution de clients ou de fournisseurs vous valorisera», confirme Valérie Moissonnier. Et pourra modifier le cours des événements.
Avec management