Pour approcher les personnes qui peuvent vous aider dans votre carrière, pas obligatoire d’être bien né ou surdiplômé. Il faut de la méthode et un peu de culot.
Vous avez fréquenté le très sélect établissement parisien Saint-Jean-de-Passy, les rallyes de la haute bourgeoisie, vous êtes passé par HEC Polytechnique ou l’ENA ? Ce qui suit n’est pas pour vous. Si, par contre, vos origines, votre diplôme, votre job ne vous ont pas encore donné accès aux réseaux d’affaires les plus actifs, vous trouverez ici quelques pistes utiles. Car avec un peu de méthode et pas mal d’opiniâtreté, il est possible de faire son trou dans les clubs où les dirigeants s’entraident, où l’on rencontre le bon banquier, le bon avocat, le bon client ou son futur employeur. Voici quelques conseils efficaces.
TRANSPIREZ AVEC LES CADORS DU BUSINESS
A feuilleter les pages de l’annuaire de ses membres, le Lagardère Paris Racing semble inaccessible. Vincent Bolloré (Vivendi) y figure avec toute sa famille. Arnaud Lagardère aussi, bien sûr, c’est le propriétaire des lieux. Et pourtant, chaque année, cette institution du bois de Boulogne recrute 500 nouveaux membres. Une adhésion qui n’est pas donnée : 6.890 euros de droit d’entrée, puis entre 1.800 et 2.400 euros par an selon les activités pratiquées. Mais l’inscription, à condition que l’on réunisse deux parrainages, peut s’avérer très rentable.
D’abord, parce qu’elle donne accès, on l’a dit, aux coordonnées personnelles des 12.600 adhérents, un concentré de tous ceux qui comptent dans beaucoup de groupes du CAC 40. Ensuite, parce que la pratique des sports collectifs comme le football, les tournois de tennis ou les groupes de course à pied crée des liens. Y compris entre les parents qui y accompagnent leurs enfants. Enfin, parce que la direction du club organise de nombreux événements à thèmes, comme les «soirées blanches»ou les «pool parties». Autant d’occasions de croiser des dirigeants de L’Oréal, Renault ou Orange qui, sait-on jamais, pourront un jour vous donner de précieux coups de pouce
Niché dans le parc de Saint-Cloud, toujours à l’ouest de Paris, le Stade français présente un bon rapport qualité-prix (à partir de 705 euros par an). «Je m’y suis fait des amis dont certains sont devenus des clients», nous confie une avocate qui s’attable toujours avec des «Stadistes»quand elle se rend à une soirée ou à un mariage. Dernière option, certaines salles de sport traditionnelles, moins chères mais tout aussi bien fréquentées Tel l’Institut Vendôme, à Lyon, où l’on peut transpirer tôt le matin aux côtés de Jean-Michel Aulas (président de l’Olympique lyonnais) ou du maire de la ville, Gérard Collomb. Ou, à Paris, le Klay, une salle ultramoderne du quartier de la Bourse, où s’entraîne, entre autres, le P-DG de la SNCF, Guillaume Pepy.
REJOIGNEZ LES CERCLES QUI PARTAGENT VOS PASSIONS
Havanes, grands crus, chocolat… les cercles gourmands ne manquent pas. Foncez-y, vous y joindrez l’utile à l’agréable. Partager une passion est toujours un bon point de départ pour placer ses pions, et l’on peut vite apprendre entre deux bouchées ou deux bouffées qu’Untel monte son entreprise ou que tel autre cherche un directeur marketing.
Ainsi le Wine & Business Club, où l’on croise le patron de la CGPME, François Asselin, ou le P-DG de Total, Patrick Pouyanné, compte pas moins de 7.000 membres dans toute la France. Et les anecdotes abondent sur ces industriels qui y ont trouvé un fournisseur, ou ce directeur financier, un nouvel auditeur, entre la poire et le dessert. A condition d’agir en finesse. «Ceux qui parlent fort et étalent leurs cartes de visite ne font pas d’affaires, prévient le fondateur du Wine & Business Club, Alain Marty. Il faut nouer des relations de confiance et ça peut prendre du temps.» Ultime conseil : choisissez un cercle qui vous corresponde vraiment. Si vous n’y connaissez rien en cacao, inutile de vous inscrire au Club des croqueurs de chocolat, par exemple. «Il n’y a pas plus ridicule qu’un amateur qui joue les experts», rappelle un connaisseur.
DEVENEZ UN AS DE LINKEDIN
C’est le réseau en ligne le plus efficace pour changer de job ou se faire remarquer. «Tous les chasseurs de têtes y sont connectés», nous confirme Fabrice Coudray, du cabinet Robert Half. Mais pour en profiter, encore faut-il s’y prendre, là aussi, avec méthode.
Premier conseil : faites attention à l’image que vous renvoyez. Oubliez les photos de plage, et si vous n’avez pas de glorieux diplômes à afficher, soignez la présentation de votre parcours professionnel, par exemple en demandant à vos anciens supérieurs de vous écrire des recommandations. Deuxième astuce : passez la barre des 500 contacts le plus tôt possible. À partir de ce seuil, l’algorithme de la plate-forme boostera la visibilité de votre profil. Dès lors, il apparaîtra plus vite sur Google quand on tapera votre nom. Troisième tuyau : suivez les sociétés que vous ciblez et n’hésitez pas à scruter les profils de leurs cadres. Enfin, courtisez les cabinets de recrutement. «Je reçois une dizaine de demandes de contact par jour, nous confie Fabrice Coudray. J’en accepte 80% et prends des rendez-vous avec ceux qui m’écrivent les messages les plus pertinents.»
APPRENEZ À DEVINER LES MAILS DES P-DG
Bien souvent, dans les entreprises, toutes les adresses mail fonctionnent selon le même principe : prénom.nom@nomdelasociété.com. Il peut y avoir des variantes, mais elles sont faciles à déchiffrer, quitte à faire trente essais. Car de nombreux patrons et cadres dirigeants traitent leur messagerie en direct. C’est le cas de Xavier Niel. À chacune de ses apparitions, comme dernièrement à l’École 42, qu’il a créée, le fondateur de Free donne volontiers son courriel. Évidemment, il ne répond pas à tout le monde. Mieux vaut être concis. Mais quand il veut donner suite, il envoie un simple «OK»depuis son iPhone, en mettant son assistante en copie.
De nombreux fondateurs de start-up l’ont contacté, avec succès, par ce canal. Autre accro aux mails : Maurice Levy, le très influent P-DG de Publicis. «Il lui arrive même d’accepter des demandes de stage par ce biais, s’agace un proche collaborateur, et c’est à nous d’en assurer le suivi.»
COUREZ LES RAOUTS PROFESSIONNELS
Les galas des grandes écoles sont réservés aux anciens ? Pas grave. Foncez aux cocktails et conférences ouverts à tous. Dans le numérique, ils sont légion. Soirées de la French Tech, fiesta de Bpifrance, conférences Blend à Lyon, Web2day à Nantes… Autant d’occasions de faire de précieuses rencontres. «Y repérer les jeunes prometteurs fait partie de mon job», nous explique Mounia Rkha, du fonds d’investissement Isai.
Autre méthode : s’incruster dans les soirées de Criteo (leader mondial du ciblage publicitaire), de l’association France Digitale ou de l’incubateur The Family. On y rencontre facilement les stars de la nouvelle économie comme Frédéric Mazzella (BlaBlaCar) ou son homologue de Sarenza, Stéphane Treppoz. «Attention toutefois à ne pas devenir un pilier de comptoir, nuance Mounia Rkha. Si quelqu’un est présent à tous les événements du milieu, on finit par se demander quand il trouve le temps de travailler…»
VOUS ÊTES UNE FEMME ? JOUEZ LA CARTE COMMUNAUTAIRE !
Depuis une dizaine d’années, les «networks»féminins ont le vent en poupe. Rien qu’à Paris, on en compte une dizaine. Ainsi, Paris Pionnières, l’auto proclamé «incubateur girl power», réunit 400 start-up fondées par des femmes. La protégée de Xavier Niel chargée du projet de la Halle Freyssinet, Roxanne Varza, vient aussi de monter StartHer, un club de réflexion qui donne la parole aux patronnes du high-tech.
Généraliste mais plus chic et sélectif, l’International Women’s Forum (IWF), d’origine américaine, n’est ouvert qu’aux dirigeantes. Ses membres se réunissent une fois par mois pour déjeuner, de préférence dans des restaurants où le chef est une femme. La dernière fois, le 15 septembre, c’était à la table de la Japonaise Chiho Kanzaki, à Paris. Marie-Claire Capobianco, responsable de la banque de détail de la BNP, la P-DG de Bourse Direct, Catherine Nini, et la présidente de l’agence de publicité BBDO Paris, Valérie Accary, ont répondu à l’appel. «On y noue des liens amicaux, utiles ensuite dans les affaires», résume la présidente d’IWF en France, Lucille Desjonquères, qui reconnaît avoir placé plusieurs de ses membres dans des conseils d’administration ces derniers mois.
NE NÉGLIGEZ PAS LES RÉSEAUX PATRONAUX ET PROFESSIONNELS
DFCG. Cet acronyme peu glamour ne vous évoque peut-être rien. Et pourtant, l’Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion est l’une des plus puissantes du secteur. «Un contrôleur de gestion junior peut facilement y adhérer et fréquenter ainsi de grands directeurs financiers», observe Fabrice Coudray, de chez Robert Half, lui-même membre de ce cercle. Et il y en a beaucoup d’autres. Comme l’ANDRH, par exemple, incontournable quand on évolue dans le milieu des ressources humaines. Entre membres, il arrive souvent qu’on se fasse la courte échelle. «Mais pour se faire remarquer, il faut participer régulièrement aux réunions et nourrir le débat de ses travaux», précise un chasseur de têtes.
Enfin, rejoindre une organisation patronale plus dynamique ou engagée que le Medef, comme Croissance Plus ou Ethic, peut également s’avérer très utile pour enrichir son carnet d’adresses. A la dernière réunion parisienne d’Ethic, au Cercle Interallié, les représentants de la banque Lazard étaient assis non loin d’un patron d’aéroport et de la directrice de la communication d’Eurotunnel. Après le discours de François Fillon, invité pour l’occasion, tous se sont empressés d’échanger leurs cartes de visite.