De grand groupes automobiles comme Toyota, BMW ou Daimler ainsi que des pétroliers comme Shell ou Total vont lancer un plan de 10 milliards de dollars sur cinq ans pour développer la motorisation hydrogène. En quoi consiste ce plan ? Que peut-on en attendre ? Que peuvent-ils réussir dans ce délai assez resserré ?
Jean-Pierre Corniou : L’hydrogène pour la mobilité n’est pas une idée neuve. Les constructeurs automobiles ont testé l’hydrogène depuis plusieurs années. BMW a fait rouler une Serie 7 avec un moteur à combustion à hydrogène. Mais la voie thermique a été abandonnée au profit de l’électrique. Honda, pionnier dans l’hydrogène, fait rouler sa Clarity depuis 2007. Toyota et Hyundai commercialisent également depuis 2015 deux véhicules dotés d’une pile à combustible à hydrogène, la Mirai et la ix35, qui se vendent de façon marginale.
Ces véhicules disposent d’une autonomie de l’ordre de 600 km avec un plein dans des réservoirs sous pression qui se fait en trois minutes avec une pompe semblable à une pompe à essence. Les processus sont simples et maîtrisés, pour le moment à petite échelle, et sont facilement assimilables pour des automobilistes habitués à l’essence. L’hydrogène, qui n’existe pas à l’état naturel, doit être fabriqué – pour l’essentiel encore à partir de ressources fossiles, pétrole et gaz – stocké et distribué. De nouveaux procédés comme l’utilisation du biogaz ou l’électrolyse à partir d’énergies alternatives sont explorés pour disposer de processus de production bas carbone. C’est donc une nouvelle chaîne logistique qui doit être mise en place et nécessite des investissements importants.
Plusieurs initiatives collectives ont déjà préparé en France et en Europe le terrain pour le lancement d’un écosystème industriel complet. L’Association Française pour l’Hydrogène et les Piles à Combustible (AFHYPAC) regroupe tous les acteurs de la filière, Mobilité Hydrogène France est un consortium émanant de cette association qui est lancé en 2013 une étude sur le potentiel de l’hydrogène dans les transports en France, visant à explorer des scénarios d’équipement en station hydrogène en fonction de l’évolution des véhicules. Il faut noter qu’Air Liquide, très actif dans ces dossiers, est un des leaders mondiaux de l’hydrogène.
L’initiative annoncée à Davos le 17 janvier 2017 par treize groupes industriels de l’énergie (Total, Air Liquide, Shell, Engie, Linde, Kawasaki, Anglo-American) et du transport (Alstom, Honda, Daimler, Toyota, Hyundai, BMW) s’inscrit donc dans la continuité d’une longue série de travaux en Europe et en Asie qui ont familiarisé les acteurs industriels aux enjeux de la filière. Elle vise d’une part à sensibiliser les pouvoirs publics sur le plan international et d’autre part à accélérer les travaux pour rendre la filière compétititive et visible, l’objectif étant la baisse du coût de production de l’hydrogène et l’utilisation d’énergies renouvelables. Un « Conseil de l’hydrogène » servira de catalyseur pour le déploiement de ces politiques.
Avec atlantico.fr