À la tête du portefeuille de l’Énergie dans le nouveau gouvernement ivoirien, l’ex-patron d’Ecobank fait sa véritable entrée en politique, après deux ans au secrétariat général de la présidence.
Le ministère de l’économie, voire la primature : Thierry Tanoh aurait sans doute espéré de plus grandes responsabilités que celles que lui a attribuées, le 11 janvier, le nouveau Premier ministre ivoirien, Amadou Gon Coulibaly. Mais le désormais ministre du Pétrole, de l’Énergie et du Développement des Énergies renouvelables a matière à se consoler : d’abord parce que, moins de trois ans après son tumultueux départ du groupe bancaire panafricain Ecobank, il fait sa véritable entrée en politique, ensuite parce que le portefeuille dont il a la charge lui réserve des jours et des nuits agités.
Le secteur du pétrole est en difficulté, ainsi qu’en témoignent les turbulences au sein des deux grandes sociétés du secteur, Petroci et la Société ivoirienne de raffinage. Celui de l’énergie se porte un peu mieux, grâce aux investissements massifs du secteur privé dans ce domaine, mais reste complexe, et, en 2016, nombre d’Ivoiriens s’étaient soulevés contre l’augmentation annoncée des tarifs de l’électricité.
Une accession sans grande surprise
Enfin, sa nomination à ce poste est une continuité. Depuis septembre 2014, en tant que secrétaire général adjoint puis délégué à la présidence de la République (siégeant au Conseil des ministres), le quinquagénaire, né à Nogent-sur-Marne d’un père ivoirien et d’une mère française, s’était progressivement investi dans les questions énergétiques et pétrolières, au point d’avoir parfois éclipsé son prédécesseur Adama Toungara sur certains sujets (notamment le conflit frontalier avec le Ghana).
Ainsi, Thierry Tanoh le « technocrate » se retrouve au cœur de la bataille politique. Sera-t-elle plus féroce que celle qu’il a connue pendant deux ans à la tête d’Ecobank, subissant les attaques parfois brutales de certains administrateurs et les coups bas d’une poignée de dirigeants du groupe ?
La force tranquille incarnée
Le brillant diplômé de l’École supérieure de commerce d’Abidjan, parti à 30 ans accélérer sa carrière à Harvard, a montré qu’il pouvait compenser sa timidité par son ambition. Celle qui l’a porté en 2008 au poste de vice-président de l’IFC (Société financière internationale) pour l’Amérique latine et les Caraïbes, l’Afrique subsaharienne et l’Europe de l’Ouest puis au poste de directeur général d’Ecobank en 2012.
Mais l’expérience désastreuse au sein du groupe bancaire a aussi révélé que ses qualités de tacticien résistaient mal à l’adversité féroce et que sa nature réservée pouvait être perçue comme de l’arrogance. Autant de points délicats lorsqu’on veut mener une carrière politique au plus haut niveau.
Protégé par son entourage politique
Très proche de l’ancien président Henri Konan Bédié (HKB), son père adoptif pour certains et son parrain pour d’autres, gendre de Charles Gomis, le vétéran de la diplomatie ivoirienne, Thierry Tanoh ne manque ni d’amis ni de protecteurs. Il est de surcroît, depuis l’accord passé en 2016 avec Ecobank, qui lui a versé 12 millions de dollars d’indemnités (soit 11 millions d’euros), un homme financièrement à l’abri.
Mais à un certain niveau de pouvoir, ni les relations ni l’argent n’assurent une sécurité sans failles. Jean-Louis Billon, son beau-frère par alliance et l’un des Ivoiriens les plus fortunés, en sait quelque chose, lui dont les ambitions politiques se sont abîmées en 2013 sur l’attribution au groupe Bolloré du second terminal à conteneurs d’Abidjan, qu’il avait amplement contestée. C’est par la petite porte que le ministre du Commerce a quitté le gouvernement le 11 janvier.
Avec Jeune Afrique