Trois ans après la publication du rapport « Afrique-France, un partenariat pour l’avenir », comment a évolué ce fameux modèle de collaboration entre les deux rives de la Méditerranée ? L’avis de Jean-Michel Severino, ancien directeur de l’AFD, aujourd’hui à la tête du groupe d’impact investing dédié aux PME “Investisseurs et Partenaires”.
Jean-Michel Severino : L’Afrique se démocratise et se privatise pour le meilleur. De plus en plus de dirigeants africains de petites et moyennes entreprises ne font pas partie de clans proches du pouvoir et sont en outre beaucoup plus à l’écoute des attentes des consommateurs.
Un rapport d’égal à égal s’est aussi lentement imposé dans les relations économiques entre l’Afrique et la France. Beaucoup d’investisseurs français, certes encore maladroits parfois, font davantage profil bas. Et puis, il y a toute la diaspora qui revient pour faire des affaires : même si cela reste modeste quantitativement, son engagement est symboliquement important.
Qu’est-ce qui a fondamentalement changé ?
Le contexte est marqué par l’effondrement des cours des matières premières. Or l’activité française sur le continent s’est diversifiée. Autrefois, elle était liée à des secteurs bien précis, comme les matières premières justement, le génie civil ou la banque, et se limitait à quelques équipementiers, des négociants et Bolloré !
Mais d’autres investisseurs sont apparus, notamment à travers le développement du B to C. Les relations commerciales ne concernent plus seulement les États, comme c’était le cas avant, mais sont davantage tournées vers le grand public africain.
Est-ce à dire qu’on est sorti de la fameuse « Françafrique » ?
Ce terme n’est pas forcément négatif. S’il s’agit de portage de mallettes pleines de billets aux politiques, c’est effectivement un système détestable. Si cette expression résume des échanges économiques basés sur une vieille relation d’amitié, de proximité géographique et historique, je ne vois pas ce qu’il y a de mal, au contraire, et ça ne cessera pas.
Avec Jeune Afrique