Si Paris organise les JO de 2024, l’impact économique pourrait être de 10,7 milliards d’euros, sur la seule région Île-de-France. Ce chiffre a été mis en avant cette semaine par les organisateurs de la candidature parisienne. Mais plusieurs économistes sont sceptiques face à cette estimation.
Le chiffre peut paraître bien ambitieux. Pourtant, 10,7 milliards d’euros reste une estimation “prudente, a minima”, assure Guillaume Cussac, qui s’occupe des questions financières au comité d’organisation de Paris 2024. Le chiffre a été calculé par le très sérieux Centre de droit et d’économie du sport de Limoges (le CDES), qui a fait appel, aussi, à trois experts étrangers. Si Paris organise les Jeux Olympiques et paralympiques, martèle Guillaume Cussac, “il y aura un vrai retour sur investissement”.
Pour arriver à 10,7 milliards d’euros, le CDES a appliqué une méthodologie très précise. Il a pris en compte trois grands domaines d’activité: la construction, l’organisation et le tourisme, sur une période allant de fin 2017 à 2034. Il s’agit d’évaluer le supplément de dépenses injectées dans l’économie locale du fait de l’existence d’un événement.
Des infrastructures à bâtir
En ce qui concerne la construction, il y a déjà beaucoup d’infrastructures existantes en France, explique Guillaume Cussac. Il faudra notamment encore bâtir le village olympique et la piscine, près du Stade de France, à Saint-Denis. L’impact est estimé à 1,8 milliard d’euros. Les dépenses liées à l’organisation seront largement financées par des ressources privées et le Comité international olympique (CIO) en assumera une bonne part.
Cela devrait générer 5,4 milliards d’euros. Pour le tourisme, au comité d’organisation de Paris 2024, on explique que l’étude ne prend en compte que le surplus d’activité lié aux visiteurs, avant, pendant et après l’événement. Le gain est évalué à 3,5 milliards d’euros.
Les organisateurs l’assurent: en tablant sur 10,7 milliards d’euros, ils sont loin de s’emballer. Et pour illustrer la pertinence de cette étude, ils rappellent que pour l’Euro de football, le CDES ne s’est pas trompé. Il mise sur un impact économique de 1,2 milliard d’euros alors qu’avant la compétition, il prévoyait environ 1,26 milliard d’euros.
“Complètement invraisemblable”
Mais le chiffre de 10,7 milliards d’euros, pour les JO, laisse sceptiques plusieurs spécialistes du secteur. L’étude d’impact est “un exercice intelligent, mais pas une fin en soi”, selon Armand de Rendinger, auteur de La cuisine olympique, quand la France se pique aux Jeux (éditions Temporis). Il s’explique: “Dans sept, huit ans, les choses auront beaucoup évolué. Il y a une retombée évidente, mais pas du tout de cette ampleur”. Alors, en 2034… Se projeter ainsi, dans dix-sept ans, “même dans les entreprises les plus structurées, cela n’existe plus”, précise ce spécialiste des questions olympiques. “L’environnement économique et social, les critères, n’ont plus de raison d’être”, à cette échéance.
10,7 milliards d’euros, “cela paraît complètement invraisemblable en termes d’étude d’impact”, abonde Jean-Paul Gayant, économiste du sport, membre de l’Observatoire de l’Économie du Sport au Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. D’autant que “l’état de l’économie française fait qu’on n’est pas certain de ne pas arriver dans le cas d’Athènes ou de Rio”, c’est-à-dire dans des situations financières extrêmement compliquées. Il évalue l’impact économique des Jeux de Londres autour de 1,72 milliard d’euros (loin des 19 milliards d’euros donnés dans un rapport de Lloyds Banking Group, commandé à l’époque par les autorités britanniques). Pour Jean-Paul Gayant, pour Paris, “le CDES est tombé dans un écueil bien connu, avec des bases très optimistes”.
Rassurer la population
Hasard ou pas, Los Angeles a publié la veille de Paris ses estimations de l’impact économique de l’organisation des JO de 2024 pour la ville (jusqu’à 11,12 milliards d’euros), et pour les États-Unis (jusqu’à 17,25 milliards d’euros). Ce type d’étude permet de “rassurer la population et les décideurs politiques”, décrypte Armand de Rendinger. C’est “politique”, continue-t-il, “et pas du tout économique”.
Au comité d’organisation de Paris, on explique que, de fait, cela “permet de répondre à la population nationale, de dire pourquoi les pouvoirs publics acceptent de financer une partie des dépenses” liées aux Jeux Olympiques et paralympiques. Et on sait bien qu’au final, un match, c’est au mental que cela se gagne.
Avec BFM