La filière de l’huile de palme en Côte d’Ivoire est confrontée à un double défi : une faible performance en terme de productivité et de violentes attaques sur les marchés. Des défis que la Côte d’Ivoire prend à bras le corps, explique Alexis Kemanhon, directeur général du Fonds d’extension et de renouvellement pour le développement de la culture du palmier à huile (Fer Palmier) de Côte d’Ivoire, à CommodAfrica.
Face à la vive controverse internationale autour de l’huile de palme, comment abordez-vous la question ?
On entend ces préoccupations sous deux angles : l’angle environnemental et l’angle santé. Sous l’angle environnemental, en Côte d’Ivoire, nous ne sommes pas concernés car l’Etat donne une réponse à la préoccupation paysanne. C’est-à-dire que les populations expriment des besoins et l’Etat apporte un appui. Par exemple, dans le cadre du Plan Palmier, on entend promouvoir l’agriculture familiale : les producteurs réservent un certain nombre d’hectares de leurs jachères pour les mettre en culture en palmier à huile. Il n’y a donc pas déforestation. Nous sommes, d’ailleurs, dans une dynamique de zéro déforestation. La Côte d’Ivoire étant un pays agricole, nous savons que si le climat est menacé, notre économie est menacée.
Deuxièmement, toujours dans ce même ordre d’idée, il existe une pression foncière. Aujourd’hui, certaines zones, dont de savanes, ont été déclarées impropres à la culture. Il existe des technologies appropriées, la fertirrigation par exemple, qui permet de repeupler ces zones en cultivant le palmier à huile. Donc nous contribuons à la reforestation. Nous avons même prévu de transformer des jachères en parcs boisés avec des plantations de palmiers à huile, de faire de l’agroforesterie.
Quant à la santé, le caroténoïde de l’huile de palme produit de la vitamine A. Donc on ne peut pas parler d’un problème de santé.
En réalité, le problème est que les fruits du palmier à huile donne deux huiles : l’huile de palme et l’huile de palmiste. A lui seul, le palmier à huile occupe ainsi deux segments de marché et concurrence d’autres huiles végétales. Mais peu importe car il y a de la place pour tout un chacun, quitte à s’entendre, à s’organiser, mais ne pas s’attaquer car cela va à l’encontre des populations.
Quel est le rendement actuel du palmier à huile et quels sont vos objectifs ?
Les rendements villageois sont à 4 à 5 t/ha, ce qui n’est pas rentable. Avec la technologie de la fertirrrigation, nous sommes certains d’accroître cette productivité et atteindre 12 à 15 t/ha.
Quels sont les débouchés de l’huile de palme ivoirienne ?
Aujourd’hui, 10% seulement de l’huile produite en Côte d’Ivoire va sur le marché sous-régional ; le reste, soit 90%, va sur le marché national mais les industries locales ne parviennent pas à bien s’approvisionner.
Au plan local, on fait une première et une deuxième transformation. D’ailleurs, c’est une des spéculations les mieux transformées. La filière représente FCFA 550 milliards en chiffres d’affaires et 3,1% du PIB national; 2 millions de personnes vivent de cette culture, avec 200 000 emplois permanents. C’est une spéculation qui lutte véritablement contre la pauvreté.
Vous êtes sur vos marchés national et régional. En fait, ce qui se passe sur le marché mondial –certification, etc.– vous concerne peu…
Nous sommes dans la mondialisation et donc on ne peut pas vivre en vase clos. Ce qui touche le marché international, nous touche.
Le consommateur ivoirien de la classe moyenne émergente commence-t-il à être préoccupé par ce discours ambiant international défavorable à l’huile de palme?
Apparemment, non. Car nous avons une tradition de consommation d’huile. Quant on fait chez nous le foutou du manioc, la sauce graine qui accompagne , quand on fait l’attiéké, l’attiéké rouge, c’est de “l’huile rouge”, de l’huile de palme. Dans notre tradition culinaire, nous utilisons beaucoup “l’huile rouge.” Donc, ce qui se dit n’agit pas sur les comportements alimentaires.
En outre, nous avons sur nos marchés des produits transformés autres qu’alimentaires –du savon, des produits cosmétiques, etc.– qui bénéficient d’un apport d’huile rouge. A ce niveau là, il peut y avoir des frictions et nous intervenons pour défendre l’image de notre huile.
Quels sont vos objectifs pour 2016 ?
L’Etat veut donner plus de valeur ajoutée aux producteurs. Très concrètement, nous allons vers le 3ème plan palmier qui prévoit de replanter quelque 40 000 ha pour remplacer de vieilles plantations. Grâce à la technologie, les rendements augmenteront. En outre, les superficies seront agrandies car on utilisera les jachères. C’est toute une stratégie et qui repose sur l’agriculture familiale. Ces agriculteurs familiaux ont besoin d’être accompagnés et l’Etat va mettre à leur disposition des plants sélectionnés, des semences et des engrais. On est en train d’expérimenter l’engrais bio. Il faut ensuite les accompagner dans le conseil agricole. Et il faut mécaniser.
Avec commodafrica