Les députés français ont renoncé, dans la nuit de mercredi à jeudi, à surtaxer l’huile de palme -dite encore “taxe Nutella” dans le cadre de l’examen de la loi sur la biodiversité. Cette taxe, adoptée en commission quelques jours auparavant, tendait à aligner la fiscalité de l’huile de palme, faible actuellement par rapport à d’autres huiles, à celle sur l’huile d’olive qui est la plus élevée.
Les députés auraient, en effet, été sensibles à la pression des grands producteurs et exportateurs d’huile de palme, l’Indonésie et la Malaisie, mais aussi aux efforts actuels pour une production plus durable du palmier à huile, ne voulant pas pénaliser cette évolution par une taxation sans nuance. D’autre part, l’examen de ce texte, stigmatisant l’huile de palme, a mis en exergue sa fragilité juridique, mais a aussi mis le doigt sur la complexité fiscale touchant les différentes huiles en France.
L’imbroglio français
Véronique Louwagie, qui a présidé la mission d’information sur la taxation des produits agroalimentaires, a rappelé qu’il existe en France “sept taxes à ce jour, sur les huiles de colza et de pépins de raisin, sur l’huile d’olive, sur l’huile de palme, sur les huiles de coprah et de palmiste, sur les huiles d’animaux marins et sur les huiles d’arachide, de maïs et autres, avec des niveaux différents exprimés en euros pour des volumes au kilo ou par hectolitre. Nous avons constaté que les modalités de recouvrement sont source de complexité et qu’il importe donc, dans un souci de clarification et de meilleure visibilité, de les supprimer, mais en complétant cette proposition en demandant l’élaboration de certifications fiables de productions durables pour toutes les huiles végétales.”
D’où l’amendement du gouvernement que les députés ont voté, rejetant de facto la fiscalité accrue sur l’huile de palme. Cet amendement donne rendez-vous dans 6 mois aux parlementaires pour revoir “le dispositif actuel de taxation des huiles alimentaires, afin notamment de le simplifier et de favoriser les productions dont la durabilité fait l’objet de critères objectif“. Il n’y aurait donc pas, a priori, de discrimination négative à l’égard de l’huile de palme mais bien une discrimination positiive à l’égard de toute huile durable.
Un lobbying efficace
Bien entendu, les pays producteurs, Malaisie et Indonésie en tête, ont fait pression. L’Indonésie a qualifié d'”arrogante” la proposition de loi française, des mesures qui seraient susceptibles de “mettre en danger les relations entre les deux pays.” D’ailleurs, mercredi, dans l’hémicycle, le député Nicolas Dhuicq a rappelé que “plus de 250 avions Airbus sont en négociations, ainsi que pour une cinquantaine d’avions de transport régional, dits « ATR », et pour des satellites, y compris dans le domaine de la télécommunication.”
Les deux pays producteurs auraient également souligné leurs efforts actuels tendant à une production durable de palmiers à huile.
Mais l’impact positif de ce refus législatif français s’étend à tous le pays producteurs d’huile de palme, dont la Côte d’Ivoire, premier exportateur en Afrique. Selon Constantin Kodjo, président du Conseil d’administration de l’Association interprofessionnelle de la filière palmier à huile (AIPH) de Côte d’Ivoire, une telle loi aurait pénalisé les 36 000 planteurs que compte la Côte d’Ivoire, et derrière eux quelque 150 000 personnes qui en dépendent. Cela aurait aussi mis à mal les efforts et projets mis en oeuvre dans le cadre d’uen production plus durable de l’huile de palme.
La Suisse tranche aussi pour l’huile de palme
De son coté, en Suisse, le Conseil fédéral a décidé de ne pas exclure l’huile de palme des négociations sur l’accord de libre échange (ALE) actuellement en cours entre la Confédération et la Malaisie. Tenant tête à de nombreux mouvements écologistes, socialistes, consommateurs, entre autres, le Conseil considère que cette exclusion empêcherait la conclusion d’un accord et l’économie suisse pâtirait d’un moins bon accès au marché malaisien que ses concurrents, rapporte aujourd’hui notre confrère helvétique 24 heures.
Selon le Conseil, un accord de libre-échange entre l’AELE et la Malaisie ne peut être conclu que s’il couvre des produits majeurs à l’export, dont l’huile de palme.
Avec commodafrica