Le luxe hausse de plus en plus les tons, concoctés dans le plus grand secret par des bureaux de style. Découvrez les tendances de l’année.
Black is beautiful.» Le noir a longtemps été le symbole du chic, épuré, intemporel et absolu, peu à peu remplacé par le blanc, symbole du luxe minimal. Mais aujourd’hui, toutes les couleurs ont fini par s’inviter dans le monde du luxe pour susciter le désir, l’envie de consommer et marquer la différence. Pour choisir la bonne teinte, celle qui fera le succès d’un produit, les marques utilisent encore la fameuse gamme Pantone, créée en 1866 aux États-Unis. Depuis, les 992 couleurs, régulièrement mises à jour, permettent aux stylistes, aux décorateurs, aux graphistes ou aux designers de parler le même «langage couleur» dans le monde entier. Chaque pays développe cependant ses propres nuanciers. En France, le bureau de style Peclers Paris met au point, chaque saison, un «cahier de couleurs». Les créateurs et les industriels ne ratent pas les salons Première Vision, qui ont lieu à Paris ou à New York plusieurs fois par an, où sont présentés les derniers nuanciers.
«Les créateurs s’intéressent au travail des photographes, des peintres, des plasticiens, précise Caroline Beillerot, cofondatrice du bureau de style Instinct. Le choix de la couleur est avant tout un symbole de l’air du temps…» Les couleurs évoluent lentement et des tendances de fond perdurent. Dans la mode, outre le noir et le blanc, le rouge, qui a la particularité de mettre en valeur le teint des Occidentales, est, lui aussi, incontournable. Mais la donne change. «Les codes couleurs du luxe sont aujourd’hui moins marqués, poursuit Caroline Beillerot. Il y a beaucoup de marques et chacune essaie de se différencier grâce aux teintes.»
Dans un secteur qui tend à se mondialiser, les marques doivent aussi tenir compte des codes couleurs, qui diffèrent selon les cultures et les pays. Les Européens sont dans la discrétion, alors que les Russes et les Chinois aiment les couleurs vives. «A Paris, nous sommes souvent dans les teintes neutres, remarque la directrice artistique. Les créateurs sont influencés par l’univers qui les entoure, et les immeubles haussmanniens les tirent vers le noir, le gris ou le beige. A New York, les couleurs sont plus vives, tout comme à Londres. Les Anglais sont capables de porter des couleurs plus flashy.» Cette excentricité britannique est illustrée par Paul Smith qui, même sur des vestes sobres, adopte des couleurs chatoyantes pour la doublure. La difficulté, pour les marques, est de trouver la teinte qui pourra se vendre partout. «Pour moi, le luxe est presque de la non-couleur, car il doit être, par essence, indémodable, explique Elizabeth Leriche, chasseuse de tendances. Mais comme nous devons susciter le désir au minimum tous les six mois, alors il faut bien trouver des nuances au noir, au blanc, au taupe ou au beige Burberry.»
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De l’ocre pour le bien-être. En déco, les couleurs évoluent aussi. «Le bleu canard est la couleur actuelle, observe Elizabeth Leriche. En 2017-2018, ce sera le terracotta, l’abricot, l’ocre. Nous avons besoin de douceur, de bien-être, et ces teintes sont des symboles de cocooning.» Dans les palaces et des appartements haut de gamme, les couleurs sombres seront très présentes, avec l’arrivée du vert émeraude ou du grenat violacé.
Pour coller aux tendances du luxe, les grands groupes de distribution profitent des nouvelles technologies de l’industrie, qui permettent de fabriquer des produits dans des temps record. «Zara n’a besoin que de deux petites semaines pour adopter les codes couleurs des derniers défilés de créateurs », précise Caroline Bereillat. A chaque saison, le géant espagnol injecte dans ses magasins des pièces appelées «références à court terme» pour que ses vitrines soient immédiatement dans l’air du temps.
Selon les spécialistes que nous avons interrogés, 2017 sera marquée par les gammes de blanc, des teintes «chair» ou par les couleurs «eau». Le corail, le vert kaki et les bordeaux tirant sur le prune seront aussi présents. Pour 2018, le beige, l’orange grenadine, le vert céladon ou gazon seront sur les podiums et dans les magasins. Mais ces tendances, impulsées par les bureaux d’études, sont avant tout là pour rassurer les industriels. Car, de nos jours, il y a moins de diktats de la couleur. Hyper-averti, le consommateur utilise l’art du mélange pour créer son propre style. «Tout est moins figé et c’est tant mieux, conclut Caroline Bereillat. Cela donne un sou e de liberté au luxe…»
QUAND PICASSO ET LE CORBUSIER RIPOLINAIENT
Pour leurs riches clients soucieux de se démarquer, les décorateurs n’utilisent pas une peinture acrylique de base. Ils piochent chez les entreprises qui créent, chaque année, de nouvelles teintes à base de pigments naturels. En France, Ripolin, que Le Corbusier et Picasso utilisaient pour sa brillance et son séchage rapide, est l’une des valeurs sûres du secteur, tout comme Libéron, incontournable pour le bois. Mais la peinture la plus luxueuse de notre pays vient des ateliers de Little Shop of Colors, une entreprise d’Antibes, et de Ressource, une société du Roussillon. Pour le très haut de gamme, les Anglais sont les rois, avec Zoffany, dont la palette de 128 couleurs s’étale sur les murs de nombreux palaces. Mais la plus chic est la fameuse Farrow & Ball (132 couleurs), avec un petit pot de 2,5 litres qui dépasse les 100 euros !
avec capital