Si vous vous demandez à quel point votre travail vous plaît, ou au contraire ne vous plaît pas, il est vraisemblable que la première chose à laquelle vous pensiez soit votre patron. Il n’est pas rare d’entendre dans son entourage qu’une personne a quitté son emploi ou a dû changer de service en raison d’une mésentente avec son supérieur hiérarchique. Nous passons la majeure partie de notre semaine au travail. La personne pour qui nous le faisons est donc importante.
Le bien-être au travail est essentiel non seulement pour les individus, mais également pour les gouvernements, pour les entreprises et pour les actionnaires. Il apparaît de plus en plus clairement que les employés « plus heureux » sont plus productifs et que les entreprises où il est agréable de travailler bénéficient de meilleurs rendements boursiers.
Il est donc étonnant que très peu d’études se soient intéressées à l’influence des directeurs et des dirigeants sur la satisfaction au travail. Notre étude, menée auprès de 35.000 employés au Royaume-Uni et aux États-Unis, a révélé que les compétences du patron constituent l’indicateur le plus révélateur de la satisfaction au travail. En réalité, les compétences du patron ont un impact beaucoup plus important sur votre satisfaction au travail que le salaire, le travail en lui-même ou le secteur dans lequel vous exercez comme le montre le graphique ci-dessous.
Notre étude a identifié trois facteurs ayant une influence sur la satisfaction. Tout d’abord, nous avons découvert que, chez 1.600 Britanniques, le niveau de satisfaction était plus élevé lorsque les employés étaient dirigés par un supérieur capable de faire leur travail. Ensuite, l’analyse de 6 000 employés américains a permis d’établir que la satisfaction au travail était plus grande si le supérieur hiérarchique avait gravi les échelons dans l’entreprise ou l’avait fondée. Enfin, notre étude menée auprès de 27 000 employés américains a montré que le niveau de compétences techniques d’un supérieur (tel qu’il est évalué par ses employés) avait un impact considérable sur le bien-être au travail.
Un certain nombre de vérifications ont confirmé ces résultats. Ce phénomène est avéré pour les employés britanniques et américains. Les employés ont fait l’objet d’une analyse à un moment précis et ont été suivis sur plusieurs années à l’aide de données longitudinales. Nous avons également observé l’effet d’autosélection, c’est-à-dire les employés qui changent d’emploi lorsqu’ils ne sont pas satisfaits de leur patron. Et nous avons pris en compte la personnalité des employés en vérifiant si les plus enjoués étaient plus susceptibles d’attribuer une note supérieure pour évaluer leur satisfaction au travail ou les compétences de leur supérieur, ce qui aurait faussé les données.
Le résultat global est le suivant : la qualité de notre vie professionnelle est meilleure si notre directeur est très compétent d’un point de vue technique dans son travail. Cet aspect prévaut sur tous les autres facteurs plus conventionnels qui influencent la satisfaction au travail, notamment la formation, le salaire, l’ancienneté, la distance entre le domicile et le lieu de travail, et le fait de travailler dans le secteur privé ou public.
Mais alors, pourquoi les compétences du patron influencent-elles le bien-être des employés et leur productivité ?
Nos résultats vont à l’encontre des récentes tendances managériales à parachuter les directeurs généraux dans des organisations qu’ils connaissent à peine. Grâce à de précédentes études menées auprès de « dirigeants experts » dans des environnements aussi variés qu’un hôpital ou une course de Formule 1, nous savons que les meilleurs directeurs sont ceux qui ont des connaissances approfondies sur le cœur de métier de leur entreprise. Afin d’être un excellent sommelier, il est indispensable d’être un expert en vin.
Nous pensons que les compétences d’un supérieur, si elles sont le fruit d’une évolution au sein d’une entreprise ou si elles lui permettent d’intervenir dans le travail d’un subordonné, indiquent que le patron comprend la nature du travail. Ainsi, il sera par exemple plus enclin à établir les conditions de travail adéquates, qui favoriseront la productivité des employés. Il sera également probablement plus à même d’évaluer le travail des employés et de savoir à quel moment une nouvelle formation est nécessaire. Cela contribuera à créer le bon type de motivation, qui à son tour instaurera un plus grand respect et une plus grande confiance entre le directeur et l’employé. Enfin, plus un dirigeant est crédible, plus son influence est importante. Les dirigeants qui connaissent leur métier ont le privilège d’être écoutés.
Les patrons sont omniprésents dans la vie professionnelle et influencent largement notre satisfaction et notre productivité. On peut penser qu’on ne choisit pas son patron. Si toutefois cela est possible, nous conseillons vivement aux employés de se tourner vers des supérieurs qui disposent de connaissances approfondies sur le cœur de métier de leur entreprise.
Avec hbrfrance