La transformation de la raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône) en site de production de biocarburant, annoncée par Total en mars 2015, se précise. Via le partenariat annoncé mardi avec Suez, le pétrolier entend accroître de 20% la proportion d’huiles alimentaires usagées transformées en biocarburant sur le sol français. Ce taux est aujourd’hui de 45%, avec 45.000 tonnes recyclées sur un total de 100.000 tonnes produites. Jusqu’à présent, Suez n’en récupérait que 1.500 tonnes, quand Veolia en transforme déjà 20.000 tonnes par an en biodiesel dans son usine de Limay (Yvelines). Mais ce partenariat l’engage à fournir 20.000 tonnes par an au site de Total d’ici à 10 ans. La production doit démarrer début 2018.
L’utilisation d’huiles alimentaires “neuves” contestée
Cependant, la raffinerie ne sera pas seulement alimentée en huiles usagées récoltées par Suez auprès de petits restaurateurs comme de géants de l’agro-alimentaire. Elle transformera également en biocarburant des huiles alimentaires n’ayant jamais été utilisées.
Or ce sujet des biocarburant dits « de première génération », qui utilisent des ressources alimentaires, n’en finit pas de faire débat. En effet, même lorsqu’ils sont produits dans des pays qui ne connaissent pas la famine, ils sont suspectés, par « effet domino », de restreindre les surfaces de terres arables disponibles pour l’alimentation quelque part dans le monde, entretenant une pression sur les cours des denrées agricoles. En outre, de nombreux rapports commandés par la Commission européenne ont soulevé les risques de contreperformance en matière d’émissions de gaz à effet de serre dans l’hypothèse où les terres utilisées pour les cultures destinées à produire ces biocarburants entraînent déforestation et atteinte à d’autres puits de carbone. Dans ce domaine, l’huile de palme a la plus mauvaise réputation. Or il est très probable qu’il en soit transformé dans l’usine de La Mède.
Les industriels vent debout contre la réduction du taux d’incorporation
Il y a moins d’une semaine, Bruxelles a présenté un projet de nouvelle directive concernant les biocarburants. Celle-ci consisterait principalement à ramener à 3,8% en 2030 le taux d’incorporation de biocarburants de première génération dans l’essence (pour l’éthanol) et le diesel (pour le biodiesel), fixé à 7% à l’horizon 2020.
Les industriels européens de ces filières, qui ont investi 20 milliards depuis 2003 dans des infrastructures adaptées aux objectifs initiaux et plaident au contraire pour une ré-élévation des taux, sont vent debout contre ce projet.
En France, où le taux de d’incorporation de 7% est déjà atteint depuis 2013, Estérifrance, le syndicat des producteurs de biodiesel, cette directive menacerait « 20.000 emplois, dont 12.000 emplois directs et une dizaine de sites industriels ».
Les filières éthanol et biodiesel en concurrence directe
Mais les filières se font aussi mutuellement concurrence. Certes, l’association européenne de l’éthanol renouvelable (ePURE) critique dénonce avant tout une proposition « incroyablement favorable au pétrole ». Rappelant que « l’éthanol traditionnel produit en Europe permet une économie de GES de 64% comparé au pétrole et les recherches de la Commission prouvent qu’il induit un risque faible d’utilisation nuisible des terres », elle brandit la menace d’une destruction de 133.000 emplois en zones rurales.
Mais Ethanol Europe souligne également les empreintes carbone différentes du biodiesel et de l’éthanol (en faveur de ce dernier), notamment reconnues dans un rapport récent de la Commission européenne.
A Bruxelles, on justifie cette approche indifférenciée dans le projet de nouvelle directive par le fait qu’ils sont tous deux produits à partir de nourriture. Selon la Commission, les États membres pourront néanmoins eux-mêmes faire une distinction lors de l’application de la directive
Avec latribune