C’est l’histoire d’une aventure industrielle originale et réussie que celle d’Autolib, qui fête aujourd’hui ses cinq ans. Mais quelle mouche avait donc piqué Vincent Bolloré lorsqu’il décida d’investir dans la voiture électrique, lui, le spécialiste de la logistique portuaire, et engagé dans les médias avec la chaîne TNT Direct 8 et le gratuit Direct Matin qui lui ont permis de devenir récemment le premier actionnaire de Vivendi ?
36.000 voitures de moins à Paris
Rien ne laissait présager que cette idée, inattendue à l’époque, rencontrerait un tel succès aujourd’hui. En 2010, Autolib affrontait Vinci et Veolia pour remporter le juteux et ambitieux projet de partage de voitures électriques de la ville de Paris. Aujourd’hui, la société revendique 320.000 abonnés à Paris et proche banlieue (100 communes en tout) et un parc de 4.000 Bluecars, le nom de ses voitures électriques. D’après une étude CSA, l’arrivée d’Autolib aurait permis de soulager Paris de près de 36.000 voitures.
Grâce à Autolib, Paris dispose du plus grand réseau de voitures électriques partagées du monde. A l’inverse, grâce à Paris, Autolib a réussi à s’imposer ailleurs en France (Lyon, Bordeaux). La société de Vincent Bolloré exploite également le réseau de partage de la ville d’Indianapolis aux Etats-Unis. On roule également en BlueCar à Turin en Italie, et à l’autre extrémité du monde, le groupe a réussi à séduire la ville-Etat de Singapour, en attendant d’arriver dans une autre très grande capitale prometteuse, Londres.
Mais Vincent Bolloré veut croire qu’il n’est encore qu’à l’aube de projets encore plus grands dans l’électricité avec BlueSolutions. Là où Autolib se spécialise dans le service, BlueSolutions veut apporter sa réponse industrielle non-exclusive. Ainsi, Bolloré fabrique les batteries électriques qui équipent les Autolib, mais qu’il vend également aux plus grands dont Renault et Peugeot-Citroën. Il veut aller plus loin avec des bus autonomes et électriques qu’il espère imposer à la place des tramways (trop chers et trop lourds en infrastructures). En 2014, il avait ainsi fait une démonstration grandeur nature de son BlueTram, en plein Paris, avec le soutien d’Anne Hidalgo, la maire de Paris, pourfendeuse du tout-automobile.
Un modèle économique précaire
Mais Vincent Bolloré n’a pas seulement réussi un pari industriel, c’est également un défi économique. Car pour l’heure, Autolib reste une entreprise très capitalistique et à la rentabilité encore précaire. D’ailleurs, Autolib n’est pas propriétaire des stations de recharge, c’est la collectivité qui investit et le loue à l’exploitant. A 50.000 euros l’unité, sachant que l’agglomération parisienne en compte 1.100… La facture est très salée et compliquée à amortir pour une entreprise privée. Cela n’a pas empêché Bolloré d’apporter une mise de départ colossale de l’ordre 200 millions d’euros pour installer son réseau en Ile-de-France.
Autolib espère atteindre la rentabilité à horizon 2018, mais Vincent Bolloré a imposé une clause dans le contrat de délégation de service public qui plafonne les pertes cumulées à 60 millions d’euros. Le reste serait alors pris en charge par… le contribuable parisien ! Autolib estime toutefois que le seuil de rentabilité est proche
Avec latribune