L’opinion nigérienne a vite fait de déchanter à la suite du remplacement, le jeudi dernier en Conseil des ministres et dans d’étranges circonstances comme nous l’avions annoncé, du directeur général des douanes, Issaka Assouman. L’intéressé est en effet cité dans une affaire de conflits d’intérêts dans laquelle certains de ses proches sont impliqués et qui fait grand bruit à Niamey alors même que l’enquête judiciaire n’est qu’à ses débuts. L’annonce de son départ a été ainsi appréhendé par les nigériens comme un limogeage en bonne et due forme afin d’assainir les services de la douane d’autant plus que c’est à un officier de l’armée nigérienne que le gouvernement a choisi pour lui succéder. L’instant d’après, le Président Issoufou Mahamadou signait un décret portant nomination du directeur général des douanes sortant au titre de « conseiller spécial avec rang de ministre à la Présidence de la République ».
La polémique s’est de nouveau enflammée surtout qu’en plus de ce que certains considèrent comme une promotion visant à soustraire Issaka Assouman de la justice, le principal syndicat des agents des douanes du pays a dénoncé « le non respect des textes par le gouvernement qui fait recours à un corps étranger aux services pour assumer le poste de directeur général des douanes ». Le nouveau promu à cette fonction, le commissaire général de division Amadou Halilou est certes diplômé en finance mais c’est un officier des forces armées nigériennes, ce qui n’est pas évidement vu d’un bon œil par la corporation des douaniers.
Repêchage présidentiel en série
Au cours du même Conseil des ministres, le gouvernement nigérien a également procédé à un changement à la tête du trésor public. C’est le directeur de la conjoncture économique et des analyses monétaires à la BCEAO, Issa Djibo, qui a été rappelé de Dakar pour succéder à Zourkaleini Soulyemane, un proche du président Issoufou en poste depuis le début de son premier mandat en 2011. Ce dernier n’a pas attendu longtemps pour trouver un poste d’atterrissage puisqu’il a été également nommé au cabinet du chef de l’Etat comme Inspecteur d’Etat en chef. Il y a quelques mois, c’est la directrice générale des impôts qui a été congédié de son poste dans les mêmes conditions. Son départ a été appréhendé par la presse locale comme une conséquence logique de son opposition à procéder à une opération financière qui aurait surtout profité à certains proches du régime de Niamey aux mépris de certaines procédures légales.
Cette valse de nomination à la tête des principales régies financières du pays était pourtant attendue depuis l’arrivée, en octobre dernier, du nouveau ministre des finances, Hassoumi Massaoudou. Catapulté à ce poste pour renflouer les caisses de l’Etat qui traverse une période assez difficile, il a promis dès les premiers jours d’assainir les différents services en charge de la mobilisation des ressources internes. Après une série de visite au niveau des différentes directions des douanes, des impôts et du trésor, le nouveau ministre s’est fendu de propos très critiques de la manière dont ces administrations sont gérées. Hassoumi Massaoudou est allé jusqu’à dénoncer le manque de productivité de certains services ainsi que de certains responsables, annonçant qu’il n’hésitera pas à appliquer la méthode forte contre les indélicats.
Cure d’austérité et scandales à répétition
Le ménage est presque finalisé puisque les trois directions stratégiques relevant de son ministère ont changé de tête sauf que leurs repêchages au palais présidentiel fait enflammer la polémique. Plusieurs de ces responsables ont en effet été régulièrement cités dans diverses affaires où les intérêts de l’Etat ont été manifestement lésés même si jusque-là aucun d’eux n’a été reconnu coupable. Il n’empêche que dans une large mesure, l’opinion nigérienne s’insurge contre ces pratiques qui consistent à repêcher des personnalités dans des scandales à des postes politiques. Lors du dernier remaniement ministériel d’octobre dernier, plusieurs ministres remerciés ont été aussitôt repêchés au cabinet du président pour servir comme « ministre-conseiller ou conseiller avec rang de ministre ». Pour la société civile, cela est en contradiction avec la crise d’austérité qu’impose le gouvernement au pays avec le retard observé ces derniers temps dans le paiement de certains traitements salariaux, le gel des investissements non prioritaires ainsi que des recrutements à la fonction publique. Le gouvernement en poste est jugé déjà pléthorique avec une quarantaine de membres auxquels s’ajoutent ceux qui officient au niveau des services de la présidence, de la primature ou de l’Assemblée nationale comme ministres conseillers ou chargés de missions et dont la liste de cesse de s’allonger. Autant de raisons qui provoquent la colère des nigériens à l’encontre de ces “combines politiciennes qui ne font qu’aggraver les charges de l’Etat” selon Maman Kaka Touda, acteur de la société civile et membre d’une coalition de structures de la société civile, le Collectif “Sauvons le Niger”.
Réélu en mars dernier pour un second mandat, le président nigérien Issoufou Mahamadou s’est engagé à faire de la lutte contre la corruption, son cheval de bataille pour les cinq prochaines et dernières années de son “règne”. Ces derniers mois pourtant, on assiste à une multiplication de scandales qui font les choux gras de la presse locale et alimentent les débats au sein de l’opinion nigérienne. Dans plusieurs affaires, des personnalités proches du chef de l’Etat sont régulièrement citées mais n’ont jamais été inquiété en dépit de l’ouverture d’enquêtes judiciaires dans de très rares cas.