Ils produisent de l’arachide, des olives ou du coton. Ils viennent du Sénégal, de la Tunisie et du Burkina Faso. Leur point commun : ils promeuvent les savoir-faire locaux. Et leur recette fonctionne.
Sidy Ba, secrétaire général du Cadre de concertation des producteurs d’arachide (Sénégal)
« Ici, au Sénégal, l’arachide n’est pas juste une activité agricole : c’est ce qui a construit notre économie », assène Sidy Ba, secrétaire général du Cadre de concertation des producteurs d’arachide (CCPA). Lorsqu’il intègre, en 1976, la Société de développement et de vulgarisation agricole (Sodeva, un organisme public chargé d’encadrer les paysans du bassin arachidier), Sidy Ba n’a que 21 ans et l’arachide est l’un des fleurons de l’économie nationale. Mais bientôt, les programmes d’ajustement structurel viennent gripper la machine.
« C’est là que les ennuis ont commencé, se souvient-il. L’État s’est désengagé sur toute la ligne. » Et les cultivateurs se sont retrouvés livrés à eux-mêmes. « Quand la Sodeva a fermé, en 1998, j’ai décidé de les aider à appliquer les pratiques que je préconisais en tant que conseiller agricole. »
Le fils de paysans de la vallée du fleuve Sénégal gravit rapidement les échelons. Son groupement intervillageois rejoint le CCPA, qui devient à son tour membre du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR). Sidy Ba organise ensuite l’intégration du CNCR dans le Comité national interprofessionnel de l’arachide (CNIA). « Il donne tout pour défendre les intérêts des paysans, en particulier des producteurs d’arachide, quitte à se créer des inimitiés », déclare Al Hassan Cissé, responsable de la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest pour Oxfam.
Dans le collimateur de Sidy Ba : l’État, d’abord, qui est allé jusqu’à « brader à vil prix », sous la présidence d’Abdoulaye Wade, les unités de transformation. Mais aussi les huiliers, à qui il reproche de ne pas s’engager aux côtés des producteurs pour reconstruire la filière, tout en pratiquant des prix d’achat « inéquitables ». Pour le secrétaire général, « l’arachide, c’est bien plus que de l’huile ».
Slim Fendri, producteur d’huile d’olive extra vierge, domaine Fendri (Tunisie)
À 47 ans, Slim Fendri est l’un des pionniers de la production d’huile d’olive extra vierge biologique, dont il exporte en moyenne 100 tonnes par an, essentiellement vers la France. « Aujourd’hui le bio s’est démocratisé ; nous en sommes à l’étape suivante, celle de la valorisation par la production d’une huile de très haute qualité. »
Les professionnels ne s’y sont pas trompés : dans son édition 2014, le guide Flos Olei, qui fait autorité, référence l’huile extra vierge du domaine Fendri parmi les meilleures au monde. L’oléifacteur n’en reste pas moins modeste : « C’est Haj Hassen, mon grand-père, et Sadok, mon père, qui m’ont tout appris ; je leur dois tout. »
Si, depuis 2010, il collectionne les récompenses internationales, Slim Fendri considère que sa vraie victoire est d’avoir démontré que la variété chemlali, la plus répandue dans la région de Sfax, n’était pas quelconque et qu’elle pouvait donner une huile de qualité, voire d’excellence. Mais il a dû lutter pour faire évoluer les mentalités, et le travail n’est pas fini.
« Ici, l’huile est considérée comme un produit banal, alors qu’il est noble ailleurs ; on met le prix pour une bouteille de vin, mais pas pour l’huile de table », regrette celui qui veille sur quelques milliers d’oliviers. Pour accompagner cette démarche, il s’apprête, avec d’autres producteurs de Meknassy, à créer une Indication d’origine contrôlée (IOC), une première dans le pays.
Kini Yetan Leandre, producteur de coton de la boucle du Mouhoun (Burkina Faso)
Lorsqu’il vient à Ouagadougou, Kini Yetan Leandre se fond dans le paysage. L’homme ne cherche pas à attirer l’attention. Dans la boucle du Mouhoun (région de Dédougou), il symbolise pourtant la réussite de la cotonculture burkinabè, une filière qui représente plus de 30% du PIB et 60% des recettes d’exportation du pays.
Avec près de 80 hectares de champs, Kini récolte environ 74 tonnes de coton, ce qui lui a rapporté l’année dernière un bénéfice d’environ 20 millions de F CFA (environ 30 000 euros).
Sa réussite – il est le plus grand producteur de la zone – l’a imposé à la présidence de l’Union provinciale des producteurs de coton des Balé, même si certains de ses 8 000 pairs ne le trouvent pas toujours assez ardent dans la défense de leurs intérêts.
En 2011, jugeant trop bas les prix d’achat de leur récolte par la Société burkinabè des fibres textiles (Sofitex), les agriculteurs avaient obtenu leur relèvement de 28 F CFA, jusqu’à 273 F CFA le kilo. Las, le tarif est depuis retombé à 235 F CFA, la Sofitex le réajustant sur les cours mondiaux du coton.
Pour Kini Yetan Leandre, au-delà du prix, les sujets d’inquiétude ne manquent pas. À commencer par l’évolution du climat, avec des pluies qui se font de plus en plus rares et se concentrent sur deux à trois mois, ou le coût toujours très élevé des engrais. Des obstacles que l’utilisation de semences OGM parvient en grande partie à lever, estime toutefois le producteur, « à condition de soulager les sols en alternant la culture du coton avec celle d’autres espèces comme le maïs, le sésame ou l’arachide ». « Les gens veulent faire du coton parce que c’est rentable, mais il y a des règles importantes à connaître », souligne-t-il du haut de ses trente années d’expérience. Pour prodiguer la bonne parole, Kini fera cette année encore la tournée des villages de la région.
(avec jeunfeafrique)