Monsieur le Directeur Général, veuillez-vous introduire aux opérateurs économiques et à la population.
Je me présente, Blaise Komivi Gozan, ingénieur de formation et entrepreneur passionné par l’industrie. J’ai plus de dix ans d’expérience dans la gestion de projets industriels d’envergure, acquise aussi bien en Amérique du Nord qu’en Afrique.
Je suis titulaire d’un diplôme de Technicien de l’Institut de Formation Technique Supérieure de Lomé, d’un diplôme d’ingénieur en génie de l’Université du Québec à Trois-Rivières, d’un Diplôme d’Études Supérieures Spécialisées en gestion de l’ingénierie et d’un Certificat Black Belt Lean Six Sigma de l’Université de Sherbrooke, ainsi que du certificat Leading with Finance de l’Université de Harvard.
Fort d’une dizaine d’années d’expérience acquise sur des projets d’envergure pour de grands groupes internationaux tels que PwC, Rio Tinto ou encore Cascades, j’ai fait le choix, en 2022, de revenir en Afrique. J’y ai d’abord exercé comme consultant indépendant avant de créer Irama Consulting, un cabinet dédié à l’accompagnement des acteurs publics et privés sur l’ensemble du cycle de vie des projets industriels et miniers.
Pouvez-vous nous présenter les principales expertises de Irama Consulting ?
Chez Irama Consulting, nous avons organisé nos activités autour de cinq pôles d’expertise complémentaires, qui nous permettent d’accompagner nos clients de manière intégrée et cohérente :
- Gestion de projets industriels et miniers;
- Génie industriel et études techniques;
- Automatisation, instrumentation et contrôle;
- Modélisation financière et due diligence;
- Amélioration continue et Lean Six Sigma.
En réunissant ces compétences, nous offrons une approche globale qui couvre l’ensemble du cycle de vie des projets industriels et miniers.
Quels sont vos chantiers récents en 2025 ?
En 2025, nous avons eu l’opportunité de conduire plusieurs projets majeurs en Afrique de l’Ouest, parmi lesquels :
- deux études de préfaisabilité pour l’implantation de nouvelles usines industrielles ;
- une modélisation financière complète pour un projet d’exploitation minière ;
- l’étude de préfaisabilité d’une zone industrielle ;
- la gestion déléguée d’une société du secteur extractif ;
- et l’intégration d’un système Power BI, afin de renforcer le pilotage opérationnel grâce à des tableaux de bord dynamiques, un suivi en temps réel de ses indicateurs clés et une prise de décision plus rapide et éclairée.
En parallèle, nous sommes également en discussion avancée pour différents projets notamment l’implémentation d’une nouvelle chaîne industrielle pour l’un de nos clients.
Quelle est la vision derrière la création d’Irama Consulting ?
Notre vision est claire : bâtir et valoriser une expertise africaine forte, à la fois intellectuelle et technologique, dans le secteur industriel. Nous œuvrons à proposer une offre locale capable de couvrir l’ensemble des étapes d’un projet industrielle: de la définition du besoin et des études préliminaires, à la modélisation financière, jusqu’à la mise en service et à l’amélioration continue – le tout avec une compréhension fine et contextualisée des réalités nationales.
Cette vision est ambitieuse !! Est-elle réaliste dans le contexte africain ?
Je suis intimement convaincu que cette vision n’est pas seulement réaliste, mais absolument indispensable pour l’avenir de notre continent. L’Afrique ne pourra atteindre ses objectifs de développement et d’industrialisation que si elle s’engage résolument dans la construction d’une véritable souveraineté intellectuelle dans le domaine industriel. Sans cet ancrage, nos ambitions resteront fragiles, dépendantes et vulnérables aux aléas extérieurs.
Quels sont les leviers sur lesquels vous comptez pour concrétiser votre vision ?
Nous nous appuyons sur trois leviers essentiels :
- Les talents locaux.
Les professionnels africains sont encore trop souvent sous-estimés, alors même qu’ils acquièrent les mêmes bases théoriques que partout ailleurs (la loi d’Ohm U = RI est la même enseigné à l’IFTS de Lomé et à l’Université de Sherbrooke au Québec). La différence ne réside pas dans la connaissance théorique, mais dans l’exposition aux projets et la diversité des expériences. Chez Irama Consulting, nous identifions les meilleurs potentiels, les exposons à des projets d’envergure et les encadrons avec les standards internationaux les plus exigeants. Ainsi, leur potentiel se transforme en expertise concrète. C’est de cette manière que nous bâtissons, pas à pas, une génération de professionnels africains capables de rivaliser avec les meilleurs au monde dans le secteur industriel.
- La confiance des clients clairvoyants.
À mon retour en Afrique, j’ai eu la chance que, malgré les perceptions que certains nourrissaient à mon égard, des personnes visionnaires (que je remercie et qui se reconnaîtront) me confient des projets stratégiques. Cette confiance a été un moteur pour Irama et une démonstration claire qu’investir dans les compétences locales n’est pas un pari risqué, mais une opportunité gagnante quand on choisit la bonne personne. Ainsi, chaque succès renforce notre crédibilité, nourrit notre croissance et prouve que l’Afrique dispose bel et bien des ressources humaines nécessaires pour relever ses propres défis.
- Les partenariats stratégiques.
Nous ne prétendons pas tout savoir. Comme le disait Socrate : « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien ». Reconnaître nos limites est une force, car cela nous pousse à rechercher les meilleurs partenaires internationaux et à travailler à leurs côtés. Ensemble, nous conjuguons savoir-faire mondial et ancrage local, ce qui nous permet d’apprendre, de progresser et d’assurer un véritable transfert de compétences. C’est ce modèle de collaboration qui renforce durablement notre expertise et prépare l’avenir.
En matière de partenariat, quelle est votre vision des relations professionnelles avec vos homologues et partenaires occidentaux ?
Le modèle actuel, où les cabinets étrangers réalisent les projets sans réelle transmission, doit évoluer.
Il est temps de passer à un modèle de co-construction, où les savoirs se partagent, où les compétences locales se développent, et où les partenariats ne sont pas seulement des contrats mais de véritables opportunités de transfert de connaissances.
Nous ne cherchons pas à remplacer les partenaires occidentaux, mais à bâtir avec eux une relation d’égal à égal, tournée vers un avenir durable.
Quels sont, selon vous, les principaux freins à surmonter pour permettre aux PME et PMI africaines de se développer pleinement dans le secteur des prestations de services intellectuels ?
J’ai identifié 3 freins :
- Une sous-valorisation des services intellectuels.
Pour les projets industriels, il existe une tendance persistante à négliger l’importance des prestations de services intellectuels, au profit d’une focalisation presque exclusive sur la chaîne de valeur tangible – la matière première, l’usine, le produit fini. Pourtant, ce sont bien les services intellectuels qui permettent de concevoir, structurer et optimiser ces projets. Ils constituent donc un maillon essentiel, voire déterminant, à prendre en compte et à développer pour diversifier et pérenniser nos économies.
- Un biais systémique.
Trop souvent, les projets industriels sont confiés par réflexe à des prestataires étrangers, au détriment des acteurs locaux. Or, nous disposons aujourd’hui sur le continent de compétences solides, capables de répondre efficacement aux besoins des industriels. Et lorsque certaines expertises spécifiques manquent, nous savons établir les bons partenariats pour combler ces lacunes. La confiance dans les compétences locales doit devenir une norme, et non rester l’exception.
- Un frein institutionnel marqué par une inégalité dans les mécanismes de coopération.
Nos États n’ont pas encore mis en place de dispositifs suffisamment robustes pour promouvoir et protéger le contenu local. Dans le secteur industriel, il est inacceptable que des projets majeurs soient attribués exclusivement à des entreprises étrangères, sans implication réelle d’entreprises africaines. Cela prive nos professionnels de l’exposition pratique nécessaire pour transformer leur savoir théorique en expertise tangible, et freine la constitution d’un véritable vivier de compétences locales.
Le contraste est d’autant plus frappant que, pour la majorité des projets financés par des bailleurs de fonds, les marchés sont attribués à des entreprises originaires du pays donateur. Non seulement les fonds injectés repartent ainsi vers l’extérieur, mais ces entreprises étrangères acquièrent en plus, sur notre propre terrain, une expérience qui leur permet de se renforcer et de conquérir de nouveaux marchés.
Appliquer cette même logique dans nos pays permettrait de générer de la richesse au niveau local, de bâtir progressivement des compétences solides et de jeter les bases d’une véritable souveraineté intellectuelle et technologique.
En guise de conclusion, quel message souhaitez-vous partager avec vos interlocuteurs, en Afrique comme à l’international ?
- Aux industriels africains : faites confiance aux talents locaux. Ils ont la rigueur et le savoir-faire nécessaires pour bâtir des projets durables.
- Aux partenaires internationaux : construisons ensemble une relation fondée sur la coopération et le transfert de compétences, gage d’une prospérité réellement partagée.
- Aux États africains : la souveraineté ne peut pas se limiter aux ressources naturelles ; elle doit aussi être intellectuelle et technologique. Cela exige donc la mise en place de politiques ambitieuses qui favorisent le développement et la valorisation des compétences locales.