Après le Sénégal, le géant français compte bien se déployer dans toute l’Afrique subsaharienne francophone. Avec un objectif clair : concurrencer épiceries et commerces de proximité, les leaders du secteur.
Laurent Leclerc se frotte les mains. Le directeur général de Sénégal Atac Supermarchés, filiale locale d’Auchan, l’affirme : depuis son ouverture à Dakar, le 4 juin, le premier supermarché du géant français de la distribution dans le pays ne désemplit pas. Cette nouvelle grande surface, représentant un investissement de 400 millions de F CFA (près de 610 000 euros), enregistre plus d’entrées que prévu. Alors que l’on attendait environ 1 000 visiteurs par jour en semaine et 1 550 le samedi, soit 7 500 clients sur une semaine complète, le magasin de 750 m2 situé dans le centre-ville attire finalement 2 200 clients par jour, soit 15 400 chaque semaine. Un succès que la période du ramadan, pendant laquelle la consommation se trouve dopée, devrait encore amplifier.
« Nous préférons ne pas vendre cher et recevoir beaucoup de monde, nous misons plus sur le volume que sur la marge, avance Laurent Leclerc pour expliquer ces bons résultats. Casino ou Citydia font le contraire. Chez Atac [l’enseigne d’Auchan], près de 2 500 références ne coûtent pas plus de 1 000 F CFA. »
Pour l’ancien directeur commercial d’Auchan Supermarchés en France, cette stratégie repose sur l’analyse de la structure du marché sénégalais. « Il y a trois sortes de distribution dans le pays. Le très haut de gamme, sur lequel Casino s’est positionné en se contentant de toucher 2 % à 3 % de la population. Les marchés locaux, qui captent la clientèle qui a peu d’argent. Et, entre les deux, il existe tout un tissu de supérettes de dépannage, diverses et variées, plus ou moins modernes. Notre vœu est de proposer des magasins modernes, propres, climatisés, garantissant la sécurité alimentaire et offrant des prix au moins comparables à ceux que l’on peut trouver sur le marché. Si l’on arrive à faire cela, on obtiendra tous les clients du Sénégal ! »
« Une telle démarche crée des emplois, et ceux qui en bénéficieront viendront ensuite faire des courses chez moi. C’est un cercle vertueux ! »
Dans les rayons de la nouvelle grande surface de Dakar, on retrouve beaucoup d’articles Auchan provenant de l’Hexagone. « Certaines gammes n’existent pas ici, explique le patron local. Par exemple, tous les paquets de céréales, le café, les biscottes… » Mais certains produits sénégalais, comme les laitages, les jus de fruits, l’eau et la charcuterie, ont également fait leur entrée. Sénégal Atac Supermarchés collabore en effet directement avec les producteurs locaux. « Nous travaillons déjà avec des sociétés comme Patisen, Saprolait, Finamark, Kirène, La Laiterie du berger… détaille le directeur général. Mais il faut que l’on aille plus loin. Nous voulons travailler avec les producteurs de riz, de fruits et légumes, les mareyeurs, les éleveurs, les rencontrer sur le terrain. » La direction prévoit d’ailleurs de signer un partenariat avec Sedima, le roi du poulet au Sénégal. Pour Laurent Leclerc, l’objectif visé est simple : « Une telle démarche crée des emplois, et ceux qui en bénéficieront viendront ensuite faire des courses chez moi. C’est un cercle vertueux ! »
Tentatives
Au Sénégal, Auchan n’en est pas tout à fait à son coup d’essai. Il y a quelques années, le groupe français contrôlé par la famille Mulliez avait déjà tenté de s’implanter en association avec Marjane, son partenaire marocain de l’époque. Mais l’opération avait finalement été annulée, alors même que les locaux avaient été trouvés. Puis, en 2013, l’entreprise avait fait une autre tentative, octroyant une franchise au Franco-Sénégalais Nabil Houdrouge pour faire fonctionner quatre magasins à Dakar. « Mais très vite, on s’est rendu compte qu’il ne connaissait pas assez bien le métier pour réussir. On avait deux solutions : soit on arrêtait tout, soit on rachetait les magasins pour venir s’implanter ici », raconte Laurent Leclerc.
Le groupe Auchan, numéro quatre en France, n’est présent que dans une quinzaine de pays – moitié moins que Carrefour ou l’américain Walmart -, mais il rencontre à l’international quelques beaux succès, en Russie notamment. Il développe depuis un an un vaste projet d’internationalisation de ses supermarchés en Europe de l’Est, en Asie et en Afrique, pour un montant d’environ 600 millions d’euros, selon un document rendu public par la Société financière internationale (IFC, groupe Banque mondiale), qui a approuvé un financement dans ce sens. Au Sénégal, Auchan prévoit d’investir entre 6 et 7 milliards de F CFA par an d’ici à 2020 et d’employer à terme 2 000 salariés. Une bonne partie de ces investissements sera allouée à l’acquisition de terrains pour la vingtaine de points de vente envisagée. Trois grands magasins de 3 000 m2 et six autres, de plus petites dimensions, seront érigés à Dakar, en plus des quatre déjà opérationnels rachetés le 1er septembre à Nabil Houdrouge, l’ex-partenaire franchisé.
Après la capitale suivront les régions. En pole position, dès l’année prochaine, celle de Thiès ainsi qu’un de ses départements, Mbour, où se trouve la célèbre station balnéaire Saly. Leur principal atout ? Leur proximité avec Dakar. « Cela facilitera les livraisons, l’organisation, le suivi… », affirme Laurent Leclerc. Avec ses équipes, il entend s’installer au sein de grandes villes comme Saint-Louis (Nord), Ziguinchor (Sud), Kaolack ou Touba (Centre).
Et le groupe ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il souhaite également s’implanter dans le reste de l’Afrique francophone. S’il s’est retiré du Maroc, il est déjà présent en Tunisie (grâce à une part minoritaire dans Magasin général) et a commencé à se déployer en Mauritanie, via un accord de franchise avec un groupe d’investisseurs locaux (dont le Groupe Liman Ould Ebnou). À Nouakchott, une première surface de 1 500 m2 a ouvert début mai. Et une vingtaine d’autres sont prévues dans les principales villes du pays d’ici à cinq ans.
Ensuite, Auchan prévoit de s’attaquer au marché nigérien. Avant de mettre le cap plus au sud, vers des pays comme la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Cameroun et même le Ghana. Avec toujours le même objectif : viser les couches inférieures de la classe moyenne.
(avec jeunfeafrique)