Nasseneba Touré : Ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant
Derrière son regard déterminé et son sourire posé, Nasseneba Touré incarne une nouvelle génération de femmes politiques africaines : celles qui n’attendent pas qu’on leur fasse de la place, mais qui la créent, avec calme, compétence et conviction. Native de Korhogo, dans le nord de la Côte d’Ivoire, elle a su tisser un parcours hors normes, entre Washington et Odienné, entre la haute technocratie internationale et les réalités du terrain ivoirien.
Tout commence le 24 septembre 1972. La petite Nasseneba grandit dans les rues de Korhogo, entourée des traditions sénoufo et d’un fort sens de la communauté. À 19 ans, diplôme du baccalauréat en poche, elle s’envole vers les États-Unis. Une rupture géographique, mais pas identitaire. Loin de sa terre natale, elle entame des études en informatique et télécommunications, puis débute une carrière fulgurante dans la technologie, au sein du géant américain Comsat, avant de rejoindre la Société financière internationale (SFI) puis la Banque mondiale à Washington.
Mais c’est aussi là-bas, sur le sol américain, que naît son engagement politique. En 1995, au détour d’une visite de Djéni Kobina aux États-Unis, elle rencontre pour la première fois Alassane Ouattara. Le courant passe, l’ambition se précise. Elle devient une figure incontournable de la diaspora ivoirienne mobilisée pour le Rassemblement des Républicains (RDR), alors tout jeune parti d’opposition. En parallèle, elle participe aux campagnes démocrates, notamment à la réélection de Bill Clinton en 1996. Deux mondes politiques. Une seule volonté : servir.
En 2006, dans un contexte de crise militaro-politique, elle décide de rentrer en Côte d’Ivoire. Le retour n’a rien de symbolique. Elle s’engage immédiatement sur le terrain du développement. Coordonnatrice technique pour le groupe Comium, elle met rapidement son expertise au service de l’État. Elle devient conseillère technique au ministère des Nouvelles Technologies, puis conseillère spéciale du Premier ministre Guillaume Soro. Son ascension est discrète, mais continue.
C’est en 2012 que son engagement prend une nouvelle dimension. Élue première femme maire d’Odienné, elle entre dans l’histoire locale et dans la grande histoire politique de la Côte d’Ivoire. Femme de terrain, proche des populations, elle s’attaque avec méthode aux défis sociaux : emploi des jeunes, autonomisation des femmes, santé de proximité, éducation pour tous. En 2014, elle est récompensée par le Prix d’excellence du meilleur maire de Côte d’Ivoire. Une distinction qui vient valider deux ans de travail acharné.
Hors du cadre strictement politique, Nasseneba Touré est aussi une femme de foi et d’action sociale. Musulmane pratiquante, elle réhabilite la grande mosquée d’Odienné et multiplie les actions humanitaires à travers sa fondation « Faso Kanou ». Elle est également marraine active de la fondation Children of Africa de la Première Dame Dominique Ouattara. Son combat dépasse les mandats électoraux : il touche à l’humain.
Sa voix porte aussi au-delà des frontières. À travers le réseau Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), elle participe à des rencontres internationales sur la gouvernance locale, preuve que son influence s’étend bien au-delà de sa commune. En politique, elle mise sur la cohésion : candidate potentielle aux législatives, elle renonce pour préserver l’unité de son parti. Geste rare. Signe de maturité.
Aujourd’hui, Nasseneba Touré cumule les distinctions : Officier de l’Ordre National, Commandeur de l’Éducation Nationale, Prix du meilleur manager des collectivités… Mais au-delà des décorations, c’est un style qu’elle impose : celui d’un leadership féminin apaisé, stratégique et profondément ancré dans les réalités locales. Elle n’élève pas la voix, mais élève les consciences. Elle ne cherche pas à briller seule, mais à éclairer la voie.
Dans un paysage politique souvent dominé par des figures masculines, elle trace sa route avec élégance et efficacité. Et dans le cœur des populations d’Odienné, elle a déjà conquis bien plus qu’un mandat : elle a gagné leur confiance.