Mamadou Sangafowa Coulibaly : Ministre des Mines, du Pétrole et de l’Energie
Dans le tumulte feutré des couloirs ministériels, certains noms reviennent avec la régularité d’un métronome, portés par une longévité qui intrigue autant qu’elle force l’admiration. Mamadou Sangafowa Coulibaly est de ceux-là. Un technocrate devenu politique, un homme de l’ombre soudain propulsé en pleine lumière, un fidèle du sérail qui a su tracer sa voie entre loyautés, ruptures et résilience.
Né le 10 décembre 1964 à Korhogo, dans le nord de la Côte d’Ivoire, ce fils de la savane voit dans l’éducation sa première conquête. Série C en poche en 1986, il entame des études en sciences et techniques avant de se spécialiser en comptabilité et finance à l’INSET d’Abidjan. Le profil est rigoureux, la trajectoire presque silencieuse, mais le terreau est fertile.
Avant de se faire un nom dans la sphère politique, Sangafowa Coulibaly s’illustre dans l’arène entrepreneuriale. En 1992, il fonde sa propre société de négoce et de transport, centrée sur les produits tropicaux — notamment la mangue, fruit emblématique de sa région natale. C’est un homme de terrain, nourri d’économie réelle, bien avant de devenir une pièce maîtresse de la machine étatique.
Sa carrière politique débute au sein du Rassemblement des Républicains (RDR) dès 1995, au moment même où le parti d’Alassane Ouattara prend son essor. Mais c’est surtout aux côtés d’Amadou Gon Coulibaly, figure tutélaire de Korhogo, qu’il va apprendre l’art de gouverner. Directeur de cabinet adjoint au ministère de l’Agriculture de 2003 à 2010, puis ministre de plein exercice pendant près d’une décennie, Sangafowa devient l’un des visages familiers des gouvernements successifs. Il traverse les remaniements, résiste aux turbulences, s’impose par sa maîtrise technique et son attachement aux filières agricoles, au cœur de l’économie ivoirienne.
Mais la loyauté en politique est parfois à géométrie variable. En 2018, alors que le président Ouattara s’apprête à désigner son dauphin, son rapprochement avec Guillaume Soro sonne comme une dissonance dans la partition présidentielle. L’éviction est brutale, presque clinique : il quitte le gouvernement en septembre 2019. Une mise à l’écart qui aurait pu marquer la fin d’un parcours.
Pourtant, le vent tourne à nouveau. Après la disparition d’Amadou Gon Coulibaly en 2020, Sangafowa bénéficie de l’appui d’un autre homme fort : Téné Birahima Ouattara, frère du président. Deux ans plus tard, le 19 avril 2022, il fait son retour remarqué au gouvernement, cette fois à la tête du ministère stratégique des Mines, de l’Énergie et du Pétrole. Un retour en grâce discret, mais significatif.
Homme de réseaux, il entretiendrait une relation privilégiée avec le président béninois Patrice Talon, rencontré à l’époque où celui-ci était encore entrepreneur. Une amitié à l’image du personnage : pragmatique, feutrée, mais jamais anodine.
Mamadou Sangafowa Coulibaly est l’illustration parfaite de ces hommes politiques aux mille vies, dont l’ambition ne s’affiche jamais bruyamment, mais se lit dans la constance, la patience et les retours toujours maîtrisés. Un stratège rural devenu acteur central des enjeux énergétiques d’un pays en pleine mutation. Un ministre qui, entre silences tactiques et fidélités calculées, n’a jamais quitté le champ.