Laurent Tchagba : Ministre des Eaux et Forêts
Il a le regard calme de ceux qui ont traversé les tempêtes. Et la voix posée des ingénieurs qui mesurent chaque mot comme chaque goutte d’eau. Laurent Tchagba, ministre des Eaux et Forêts de Côte d’Ivoire depuis avril 2022, n’est pas un ministre comme les autres. Derrière le costume politique se cache un homme de science, un bâtisseur infatigable, qui a fait des ressources en eau et de l’environnement son champ d’expertise, son combat, presque une vocation.
Né le 1er février 1952, Laurent Tchagba n’a jamais vraiment quitté le terrain, même en gravissant les échelons du pouvoir. C’est sur les bancs de l’École nationale supérieure des travaux publics de Yamoussoukro qu’il forge les bases solides d’un parcours technique de haut vol. Diplômé ingénieur hydraulicien en 1981, il poursuit son apprentissage à Paris — un DEA en géologie appliquée, une formation d’hydrologue à l’ORSTOM, puis un passage à l’Agence internationale de l’énergie atomique à Vienne. L’homme connaît l’eau, sous toutes ses formes. Il la mesure, l’analyse, l’interprète.
Dès 1981, il plonge dans l’action publique comme adjoint au chef secteur hydrologique du Sud. Son nom s’inscrit peu à peu dans les couloirs techniques de l’État, à mesure qu’il gravit les postes de chef de secteur, chef de département, puis dirige le réseau hydrométrique national. Il devient l’un des visages familiers de la gestion hydraulique en Côte d’Ivoire. Mais c’est dans l’ombre des cabinets ministériels que Tchagba se mue en stratège. De 1990 à 2018, il sert tour à tour les ministères de la Construction, de l’Environnement, de la Santé, des Transports ou encore de la Formation professionnelle. Il est conseiller, chef de cabinet, directeur de cabinet. La technocratie ivoirienne a son homme-clé.
Sa discrétion ne l’empêche pas de diriger. Il prend la tête du Guichet unique automobile, dirige Côte d’Ivoire Logistique, et préside le comité de gestion du Fonds de développement de la formation professionnelle. À chaque fois, il structure, il coordonne, il améliore. L’homme ne fait pas de vagues, mais laisse une trace.
Son entrée en politique active remonte aux années 1970, au sein du MEECI, la branche estudiantine du PDCI-RDA. D’abord leader local à Attécoubé, il s’éloigne du parti après une querelle de succession municipale. Loin de quitter la scène, il se rapproche en 2000 de Robert Guéï et rejoint l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI), dont il devient secrétaire général adjoint chargé de l’organisation administrative.
En 2016, Laurent Tchagba entre au Parlement en tant que député d’Attécoubé. Il sera réélu en 2021, renforçant une légitimité de terrain qui tranche avec les trajectoires purement technocratiques. Nommé ministre de l’Hydraulique en 2018, il devient l’architecte discret d’une politique d’accès à l’eau potable dans un pays encore marqué par les inégalités hydrauliques. En 2022, il hérite du portefeuille stratégique des Eaux et Forêts, succédant à Alain-Richard Donwahi. Il y retrouve ses premières amours : les ressources naturelles, la gestion durable, la préservation des forêts ivoiriennes — enjeu crucial face à la déforestation.
Reconduit en octobre 2023 dans le gouvernement Beugré Mambé, Tchagba avance sans fracas, mais avec une constance remarquable. Sa méthode ? Le sérieux, la patience et la technique. Dans un univers politique souvent dominé par les discours flamboyants, il est l’anti-héros : un homme de dossiers, de chiffres, de terrain. Un homme de l’eau. Un homme d’avenir.