Nouveau lever de rideau pour la Ville Blanche : le plan de Développement du Grand Casablanca lancé en 2015 est en train de faire passer la métropole d’Afrique du Nord à la vitesse supérieure. En attirant de plus en plus d’investissements étrangers.
Une grande métropole pressée. C’est l’impression qui envahit le visiteur à l’entrée de Casablanca. Le long des grands boulevards bordés d’immeubles Art déco, un va-et-vient incessant trahit un tissu économique en perpétuelle expansion. L’ancien port de pêcheurs d’Anfa, qui a donné naissance à celle que l’on a surnommée la Ville Blanche, est bien oublié. Le Grand Casablanca moderne ne cesse de se développer, entre nouvelles zones économiques et complexes d’habitations de luxe. La belle ville au charme colonial immortalisé par le film éponyme de 1942 a entrepris de se dégager en douceur de la fiction cinématographique pour incarner son nouveau rôle, celui de leader économique d’Afrique du Nord.
Et la métamorphose est bien en cours pour le Grand Casablanca. Adossé à son port, le deuxième du pays après celui de Tanger, la métropole de près de quatre millions d’habitants concentre 12 % de la population du pays et pas moins de 20 % du PIB marocain. Le Casablanca aujourd’hui, c’est : 44 % de la production industrielle marocaine, 33 % des exportations industrielles du pays et 30 % du réseau bancaire marocain.
Autant dire que la métropole est au centre de la croissance quasiment sans nuage du Maroc, alors que le royaume traverse une période particulièrement propice : l’économie se développe à un rythme de croisière soutenu, au-delà de 4 %, grâce au secteur agricole et à une hausse de plus de 9 % des exportations l’an dernier, les phosphates, produits agricoles et agro-industriels dopant ses recettes commerciales.
Un rôle de locomotive
Les agences de notation ont d’ailleurs salué les performances macroéconomiques du pays. En février 2017, l’agence Moody’s a annoncé relever la note souveraine du Maroc de stable à positive. Une évolution dont Casablanca a su profiter pour attirer l’attention des bailleurs de fonds internationaux et promouvoir son développement, tout en s’attaquant aux inégalités sociales et au chômage des jeunes notamment. La Banque mondiale vient ainsi d’accorder à la métropole un « prêt pour résultat » de 172 millions d’euros. Il repose sur un nouveau modèle servant d’appui à un programme intégré de réformes et d’investissements en vue de développer les capacités globales de la ville : améliorer l’environnement urbain, l’accès aux services de base et optimiser l’environnement des affaires.
« Casablanca a l’ambition de conforter son rôle de locomotive de l’économie nationale. Avec la régionalisation, la ville va concentrer ses efforts sur la satisfaction des attentes des citadins, qui réclament davantage d’efficacité des services urbains. Pour qu’elle puisse assumer pleinement son mandat de services, il est capital d’aider au renforcement institutionnel et financier de la municipalité ainsi qu’à la réduction des inégalités entre les quartiers », a expliqué Marie Françoise Marie-Nelly, directrice des opérations de la Banque mondiale pour le Maghreb, à l’occasion du décaissement de la première tranche du prêt en mars 2018.
Une plate-forme économique pour les investissements étrangers
L’aide de la Banque mondiale s’inscrit en fait dans l’assistance au Plan de Développement du Grand Casablanca (PDGC) lancé en 2015. Une vaste stratégie qui est destinée à améliorer autant les conditions de vie que la compétitivité de la ville, notamment à l’égard des investisseurs étrangers, très attentifs à l’évolution de la métropole. Il faut dire que la ville est le siège du marché officiel des actions du pays, autrement dit la Bourse de Casablanca, et que 33 % de sa capitalisation de 51 milliards d’euros est détenue par des investisseurs étrangers.
Si Casablanca est une destination de plus en plus attractive aux flux d’investissements, c’est notamment parce qu’elle se présente comme la première véritable plate-forme multimodale de la région par laquelle transite plus de 50 % du commerce extérieur du pays. La ville dispose aussi de plus de 1 400 000 m2 de surface de bureaux et d’un vivier de ressources humaines alimenté par une offre incomparable en matière d’éducation avec une dizaine d’instituts universitaires, sept centres d’enseignement supérieur et une quarantaine d’écoles privées.
Trois pôles attirent majoritairement les investisseurs : le off-shoring, l’un des pôles économiques les plus connus de la ville et qui concentre de nombreuses sociétés françaises notamment à Casa Near Shore, un parc de 300 000 m2 qui héberge aujourd’hui une centaine de sociétés. Mais les industries aérospatiales et automobiles ont également trouvé à Casablanca une destination idéale, adossée à un centre de R&D en plein développement. C’est ainsi que le quartier de Nouaceur est devenu un hub de l’industrie aéronautique avec, à proximité de l’aéroport Mohammed V et de ses sites de maintenance, la présence de deux zones spécifiques : l’Aéropôle, qui cible l’accompagnement des sociétés spécialisées dans l’aéronautique, et Midparc Free Zone, zone franche de 126 hectares opérationnelle depuis 2013 et qui accueille notamment Bombardier, Eaton, NSE Aero Maroc, Innovelec, AHG, Goam, Alca, Stelia, Hexcel et Tecalemit.
Dernier point, Casablanca a aussi clairement l’ambition de devenir un centre numérique national. En 2008, N+One Datacenters, une société locale spécialisée dans les réseaux, l’hébergement, l’infogérance et le cloud, avait ouvert un site de 5000 m2 à Casablanca. Depuis l’an dernier, ce site abrite CASIX, le premier point d’échange Internet neutre du Maroc qui permet à de multiples fournisseurs de services d’internet d’interconnecter leurs réseaux et de renforcer la connectivité au plan national. En octobre dernier, au vu de la croissance de la demande d’externalisation des services de cloud et de stockage de données, N+One a ouvert un deuxième site d’un hectare à 80 km de Casablanca et s’apprête cette année à en ouvrir un troisième sur l’axe Kenitra-Casablanca.
Grand Casablanca
La métropole qui a inscrit dans son agenda l’événement annuel Smart City Expo – le rendez-vous des experts et entreprises spécialisés dans le développement urbain – entend bien montrer l’exemple. Le Plan de Développement du Grand Casablanca est déjà une démonstration de politiques urbaines innovantes telles les aménagements paysagers des voiries et autoroutes de la métropole ou encore la lutte contre les bidonvilles qui abritaient plus de 100 000 ménages en 2004. Aujourd’hui, avec la construction de nouveaux pôles urbains et la réhabilitation des quartiers périphériques, plus de 80 000 ménages ont été relogés. Casablanca est également en train d’aménager le parc de la Ligue des Nations pour offrir à ses habitants un poumon vert de 30 hectares au cœur de la ville.
Les infrastructures de base ne sont pas oubliées avec d’importants travaux pour améliorer les réseaux d’eau, d’assainissement et d’électricité. À l’est de Casablanca, un ambitieux système de dépollution intercepte les rejets directs d’eaux usées en mer pour les traiter avant de les évacuer à nouveau à deux kilomètres du littoral.
Au niveau de la fluidité des transports, la ville opère actuellement une mise à niveau des 5000 kilomètres de voirie de Casablanca. Une deuxième ligne de tramway devrait être mise en service cette année, tandis que des extensions et de nouvelles lignes sont également prévues. D’autre part, la ville s’est récemment dotée d’un poste central de régulation de la circulation automobile équipé des dernières technologies en matière de vidéosurveillance et de gestion des flux.
Ces développements sont adaptés aux nouveaux flux touristiques. L’an dernier, le Maroc a dépassé pour la première fois la barre des 11 millions de touristes, dont un tiers de Français. Avec Marrakech et Agadir, Casablanca fait partie du trio des villes les plus visitées. La ville entend d’ailleurs optimiser l’attractivité de son patrimoine architectural et a entrepris pour cela la rénovation de plusieurs sites, ainsi que la poursuite de l’aménagement du littoral, en particulier la Corniche Aib Diba et la promenade maritime de la mosquée Hassan II.
De quoi encourager l’essor du quartier historique du port, face à l’ancienne médina, qui se positionne comme le nouveau grand pôle touristique, avec les projets Casablanca Marina et Wessal Casablanca Port. Ce dernier prévoit notamment l’embarquement et le débarquement des bateaux de croisières. Car Casablanca voit aussi grand pour le tourisme que pour le business.
Maroc- chiffres clés
• PIB 2015 : 4,6 %
2016 : 1,2 %
2017 : 4,2 % (est)
• PIB par habitant en US dollars 2015 : 2.965
2016 : 3.004
2017 : 3.177 (est)
2016 : 1,2 %
2017 : 4,2 % (est)
• Composition du PIB Industrie : 29,6 %
Agriculture : 14,6 %
Services : 55, 8 %
Population 2017 : 35 088 689
• Solde des finances publiques (en % du PIB) 2015 : – 4,3 %
2016 : – 4,9 %
2017 : – 4,4 % (est)
• Taux de chômage 2016 :10,2 %
(sources : Banque mondiale, Direction générale du Trésor)
Avec : voyages-d-affaires