Hôtels accueillant du personnel soignant, centres de congrès ou bateaux en hôpitaux de fortune : les acteurs du tourisme s’associent à l’effort sanitaire.
« Y a-t-il un médecin à bord de l’appareil ? ». Il faudra sans doute un certain temps avant que l’on entende cette invitation pressante de la part d’un commandant d’avion commercial. Du coup, Lufthansa vient de libérer ses employés qui ont suivi une formation médicale afin qu’ils puissent se porter volontaires pour un travail spécifique dans un établissement sanitaire. Le tout en voyant l’intégralité de leur salaire versé par le groupe aérien.
Particulièrement touchés par les annulations en cascade et une baisse inédite de leur activité, les acteurs du tourisme font contre mauvaise fortune bon cœur et se mettent au service du bien commun. A la suite de l’allocution du Président de la République, Olivier Roux, président de l’Union française des métiers de l’événement (UNIMEV), a envoyé une lettre au Premier Ministre pour l’assurer de « la mobilisation totale de la filière événementielle. » Dans ce cadre, de nombreux gestionnaires proposent d’ouvrir leurs portes aux autorités sanitaires afin de « pallier le manque de places auquel elles feront potentiellement face. »
Dans un tweet, Viparis a notamment annoncé « mettre ses infrastructures à disposition des autorités sanitaires » et discute avec les pouvoirs publics de la mise à disposition de Paris Expo Porte de Versailles et de l’espace Champerret. Au total, une trentaine d’acteurs ont affiché leur soutien à cette initiative, parmi lesquels un autre acteur clé du secteur, GL Events, et la plupart des lieux de congrès des principales métropoles de France comme des villes secondaires, d’Agen et Bordeaux à Tours et Strasbourg.
En parallèle de ces potentielles structures d’accueil, l’Unimev met en avant « les compétences opérationnelles variées et mobilisables des autres métiers de l’événementiel, notamment en termes de sécurité, de transport, d’aménagement temporaire, de gestion de flux, … » Une expertise potentiellement utile pour venir en aide aux autorités gouvernementales et sanitaires.
Avec toutes ses chambres disponibles pour accueillir malades et personnel soignant, l’hôtellerie est également sollicitée. Ainsi, alors qu’Emmanuel Macron envisageait, dans son allocution, la mobilisation des taxis et les hôtels au profit du personnel soignant afin de leur apporter « sérénité dans leurs déplacements et leur repos », des contacts ont été pris entre Accor et l’AP-HP ainsi que les hôpitaux de province pour étudier comment le groupe pourrait venir en aide aux services sanitaires. Le 24 mars, le groupe hôtelier a annoncé le lancement d’une plate-forme téléphonique baptisée CEDA (« Coronavirus Emergency Desk Accor »), visant à centraliser les besoins d’hébergement, non seulement à destination du personnel soignant mais aussi des populations défavorisées. Pour ces dernières, on recensait mardi une quarantaine d’établissements représentants les marques hotelF1, ibis budget, ibis, ibis styles, Mercure et Novotel, pour une capacité de 1 000 à 2 000 lits au niveau national. Le groupe Accor a également travaillé avec l’AP-HP pour intégrer à la plateforme CEDA les besoins du personnel, afin de fournir une solution d’hébergement à proximité de leur lieu de travail. « Dans cette période, la mobilisation de nos propriétaires et de nos équipes est exemplaire et nous mettons tout en œuvre pour répondre au mieux aux besoins d’hébergement, assure le Pdg du groupe, Sébastien Bazin. Alors que notre pays lutte pour enrayer une crise sanitaire d’une ampleur inédite, Accor est aux côtés de ceux qu’il faut protéger et de ceux qui en première ligne nous protègent. »
En parallèle, Virtuo, pionnier de la location de voiture dématérialisée, a annoncé la mise à disposition gratuite de 50 voitures à Paris et 50 en région (Aix-en-Provence, Avignon, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Nice, Toulon, Toulouse) pour faciliter les déplacements 24h/24 du personnel soignant.
Dans le même ordre d’idée, en Espagne, l’association hôtelière de Madrid s’est associée à la Communauté régionale pour mettre à sa disposition 9000 lits dans plus de 40 hôtels. « La principale fonction de ces hôtels sera d’accueillir des patients qui présentent des symptômes et doivent être suivis médicalement mais sans nécessité d’être hospitalisés, tant au début de la maladie que dans sa phase finale« , ont précisé la région et l’association hôtelière dans un communiqué. Le 19 mars au matin, le Gran Hotel Colon, du groupe Ayre, a commencé à accueillir du personnel hospitalier, un choix qui s’explique par sa situation à dix minutes à pied de l’hôpital Gregorio Maranon, l’un des plus grands de la capitale espagnole. Un des plus gros porteurs de la capitale espagnole, le Marriott Auditorium, va lui aussi se reconvertir dans l’hospitalité sanitaire.
Au Royaume-Uni, le secrétaire d’Etat à la Santé britannique Matt Hancock avait suggéré en début de semaine que les hôtels vides puissent servir à la communauté nationale lors d’un entretien à la BBC. Un appel reçu favorablement, notamment par le réseau britannique de Best Western et d’autres enseignes hôtelières ou encore par le Chelsea Football Club qui se propose d’héberger le personnel soignant des hôpitaux du Nord-Ouest de Londres dans l’hôtel Millenium attenant à son stade de Stamford Bridge. Et ce, pendant une période de deux mois et aux frais du propriétaire du club, le milliardaire Roman Abramovitch. De la même manière, les anciens footballeurs de Manchester United Ryan Giggs et Gary Neville ferment les portes de leurs deux établissements mancuniens – l’Hotel Football at Old Trafford et le Stock Exchange – le 22 mars pour offrir leurs chambres aux médecins et infirmiers du NHS. En revanche, un de leurs anciens coéquipiers, et non des moins puisqu’il s’agit de Cristiano Ronaldo, a démenti la rumeur de la mise à disposition de son hôtel Pestana CR7 à Lisbonne.
Face à la pandémie qui s’étend aux Etats-Unis, les autorités new-yorkaises entendent elles aussi convertir les établissements hôteliers en hôpitaux de fortune, en premier lieu pour accueillir les patients non atteints du virus, aux problèmes mineurs « mais qui ont besoin de soins », comme l’a expliqué Deanne Criswell, la commissaire de la ville de New York en charge de la gestion des urgences. Le centre de convention Jacob K. Javits pourrait lui aussi se métamorphoser en hôpital. Et ce n’est sans doute pas tout. Alors que la ville recherche 7000 lits pour accueillir les patients, l’utilisation de parkings et cafétérias pour en faire des unités de soins est aussi évoquée. Toujours aux Etats-Unis, le croisiériste Carnival va destiner certains de ses bateaux à l’accueil des patients non touchés par le Covid-19.
La RATP et la SNCF au soutien du personnel soignantLundi, la SNCF a à son tour pris des mesures à destinations des personnels médicaux. Ces derniers peuvent désormais voyager gratuitement sur les réseaux TGV – INOUI et OUIGO – et à bord des Intercités, sur présentation d’une carte professionnelle. Quant à la RATP, qui avait déjà maintenu pour ces professionnels un service Noctilien quasi-normal, 20 navettes de bus ont été déployées le 23 mars pour faciliter leurs déplacements entre les grands pôles de transports – notamment les gares – et les principaux centres hospitaliers. |
Avec : voyages-d-affaires