Afin de répondre aux attentes de mobilité des cadres nomades, de nouveaux lieux se créent dans et à proximité des gares. Ils répondent à différentes situations professionnelles, permettant de travailler quelques minutes ou plusieurs heures en attendant le train. Voire de s’installer plus durablement.
Début mars, il y avait foule aux 52e et 53e étages de la tour Montparnasse, à Paris. C’était lors de l’inauguration du nouvel espace de Morning Coworking, un lieu où 350 personnes peuvent travailler avec vue imprenable sur la gare éponyme. De quoi répondre aux attentes de mobilité des voyageurs d’affaires, mais aussi de flexibilité immobilière de la part des entreprises. À l’image de Morning Coworking, les opérateurs de bureaux partagés sont toujours plus nombreux à vouloir s’implanter près des gares afin de profiter des flux générés par le réseau ferroviaire. Les grandes chaînes hôtelières ne sont pas en reste, créant ou aménageant des espaces pour recevoir dans les meilleures conditions une clientèle professionnelle qui cherche à éviter des trajets inutiles et optimiser son agenda professionnel, seul ou entre collègues.
Alors que 21 % des Français travaillent en mobilité, la SNCF se situe à la croisée des déplacements dans l’Hexagone. De quoi pousser l’entreprise ferroviaire à développer des lieux de travail pour tous ces voyageurs d’affaires qui représentent une part importante de sa clientèle Grandes Lignes. Outre la douzaine de salons Grand Voyageur, la SNCF a doté une dizaine de grandes gares d’un centre d’affaires géré, après appel d’offres, que ce soit par Regus – à Paris-Nord, Bordeaux, Le Mans, Amiens, Nancy et Lille Flandres –, par Multiburo – à Paris-Lyon et Paris-St-Lazare – ou encore Weréso, à Marseille St-Charles. Des centres d’affaires multiservices d’une superficie inférieure à 2 500 m2 et qui peuvent être utilisés aussi bien pour quelques heures que pour plusieurs mois.
Dans le cadre de son plan “1 001 Gares”, la SNCF aménage des espaces de coworking de 70 à 250 m2 au premier étage de certaines gares franciliennes.
Salon premium
Le besoin de mobilité, de confort et de services aux voyageurs pousse d’autres acteurs privés à se lancer dans l’aventure. C’est le cas de la société Bonport qui a ouvert en juin un salon premium à la gare de Lille Flandres, accessible à tous à un tarif compétitif, moins de 9 €. D’autres implantations devraient suivre en France. De son côté, à Paris, à quelques minutes à pied de la gare Saint-Lazare, le groupe Châteauform’ a inauguré au printemps le Châteauform’ City Liège Saint-Lazare, né de la transformation de l’hôtel particulier abritant son siège social en un lieu contemporain composé de salles modulables pour des réunions axées sur l’innovation et la création. Une thématique en lien avec le passé artistique de la demeure, à l’origine résidence du collectionneur d’art John Bowes.
2 h 20 par jour dans les transports
Avec 32 % des Franciliens perdant plus de 1 h 30 dans les trajets domicile-travail, la SNCF accorde surtout une attention particulière à la région Île-de-France. “Un projet spécifique a été mis en place et cible les personnes passant plus de 2 h 20 par jour dans les transports afin de leur proposer des solutions pour travailler près de chez eux”, explique Thomas Havas, responsable du marketing et de l’exploitation chez Retails & Connexions, filiale de Gares & Connexions qui commercialise les espaces en gare. Des “tiers-lieux” leur sont ainsi destinés, c’est à dire des sites de 1 000 m2 environ constitués de bureaux individuels ou partagés, accompagnés de salles de réunions. Le promoteur immobilier Nacarat développe ainsi tout un réseau de tiers-lieux qui seront ensuite gérés par des opérateurs spécialisés. Le premier sera inauguré fin 2019 sur le parking de la gare SNCF de Brunoy avant des ouvertures prévues à Poissy, St-Michel sur Orge et Houilles. Le potentiel est estimé entre 50 et 100 implantations dans ou à proximité des gares. “L’enjeu est de faire gagner du temps aux travailleurs en mobilité et de désaturer les lignes du Transilien aux heures de pointe”, ajoute-t-il.
Spécialistes des centres d’affaires, Regus et Multiburo s’intéressent de longue date aux opportunités d’implantations ferroviaires, que ce soit à Paris ou en région.
Dans le cadre de son plan “1 001 Gares”, la SNCF aménage également des espaces de coworking de 70 à 250 m2 au premier étage de certaines gares franciliennes. Loués là aussi à des gestionnaires de bureaux partagés, ils sont déjà opérationnels à Neuilly-Porte Maillot, Clichy-Levallois, Fontainebleau, Drancy, Gagny et Bougainvilliers. “Ces lieux séduisent les start-up, les jeunes entreprises et les professions libérales. L’objectif est de disposer de 30 à 50 sites pour un maillage régional optimal”, précise Thomas Havas. Enfin, des espaces de microworking, de 10 à 50 m2 équipés du wifi, sont créés afin que les voyageurs puissent travailler “sur le pouce” en attendant leur train de banlieue. Une cinquantaine de sites est déjà accessible en Île-de-France.
À deux pas des voies
Leader mondial des centres d’affaires, Regus s’intéresse de longue date à ces opportunités d’implantations ferroviaires. Initié en 2010, un partenariat avec la SNCF permet à Regus d’être présent dans les murs de plusieurs gares, en particulier celle de Paris-Nord où le salon Grand Voyageur est également géré par le groupe. Par ailleurs, à Lyon, plusieurs de ses espaces de bureaux sont situés dans le quartier d’affaires entourant la gare de La Part-Dieu. Mais aujourd’hui, Regus diversifie son offre avec des surfaces plus réduites, très adaptées aux gares d’Île-de-France. “Nous allons gérer le site en cours de construction sur le parking de la gare de Brunoy en Essonne. En partenariat avec la SNCF et les collectivités locales, le concept pourra être dupliqué près d’autres gares où il existe des besoins, explique Christophe Burckart, directeur général France de Regus. Nous proposons aussi sous la marque Regus Express des services en gare adaptés à des voyageurs souhaitant travailler rapidement dans des lieux de coworking en attendant leur train, mais aussi des locations de salles et de bureaux privatifs, de la domiciliation, du secrétariat téléphonique…”
Son concurrent Multiburo a également jugé pertinent de créer une filiale spécialement dédiée aux gares. “Nous répondons aux nouveaux modes de travail, à la démocratisation du nomadisme. Avec les rénovations entreprises par SNCF Gares & Connexion, les gares deviennent de véritables lieux de vie avec des boutiques, des bars et des restaurants…”, souligne Stéphanie Auxenfans. Et la directrice générale de Multiburo d’ajouter : “Nous étions précurseurs avec un espace de bureaux ouvert dès 2004 à Paris-Gare de Lyon. Accessible par l’historique tour de l’Horloge, ce site s’étend aujourd’hui sur 3 000 m2”.
Bureaux tout trouvés
Depuis, l’intérêt pour les gares ne s’est pas démenti avec un site à proximité de celles de Lyon Part-Dieu et de Lille Flandres, dont la surface vient de doubler avec des salles de réunions supplémentaires. Fin 2018, c’est gare Saint-Lazare que fut inauguré un centre d’affaires de 2 200 m2, avant un autre attendu à la rentrée, à Paris Montparnasse. De 1 600 m2, ce nouveau plateau d’affaires comprendra 35 bureaux privatifs, 30 places de coworking et 18 salles de réunions, le tout situé près des voies 1 et 2. Afin d’en assurer le remplissage, Multiburo démarche les entreprises à Nantes, Rennes, Angers et Bordeaux. “Cela évitera à ces sociétés d’avoir à chercher des bureaux dans la capitale”, justifie Stéphanie Auxenfans. Pour promouvoir et faire découvrir ses différents espaces, un partenariat vient d’être mis en place avec le site de réservation Oui.sncf afin de faire bénéficier les voyageurs professionnels d’avantages tarifaires.
Avec la multiplication des lieux de coworking dans les grandes villes et plus particulièrement à Paris, la localisation joue un rôle clé pour séduire un maximum de locataires.
Avec la multiplication des lieux de coworking dans les grandes villes et plus particulièrement à Paris, la localisation joue un rôle clé pour séduire un maximum de locataires. D’autant que ces espaces n’attirent pas seulement des PME et TPE, mais de plus en plus d’entreprises de plusieurs centaines de salariés, voire des filiales de grands groupes. “Les professionnels se déplaçant beaucoup, être implanté à proximité des gares, bien desservies en métro, est un atout”, confie Clément Alteresco, le fondateur de Morning Coworking. Son groupe, qui gère 21 sites en Île-de-France, s’intéresse d’ailleurs au projet d’extension de la gare du Nord où des lieux de coworking seront aménagés. En parallèle, ouvrira très prochainement deux sites non loin de la gare Saint-Lazare.
Filiale des groupes Bouygues et Accor, Wojo s’intéresse de la même manière aux flux générés par les grandes lignes ferroviaires avec des implantations près des gares de Lyon et de Saint-Lazare, à Paris, et de celle de Lyon Part-Dieu.
En plus de ces lieux de 3 000 à 9 000 m2, Wojo développe au sein des établissements du groupe Accor des Wojo Corners de taille plus limitée, à partir de 100 m2, mais aussi son offre nomade Wojo Spot. Les voyageurs peuvent ainsi travailler quelques heures dans un environnement design tout en bénéficiant des services de l’hôtel. L’un des premiers Wojo Spot a été créé au sein de l’hôtel Mercure Montparnasse, face à la gare. “Ces différents lieux répondent au nomadisme des collaborateurs et au changement des méthodes de management. De plus en plus de dirigeants d’entreprise s’orientent vers cette forme de flexibilité. La localisation des sites prime et la proximité des gares, en France comme en Europe, est importante pour la facilité de se déplacer qu’elles génèrent”, résume Stéphane Bensimon, PDG de Wojo, qui précise aussi être en pourparlers avec la SNCF.
D’autres groupes hôteliers misent sur ce nomadisme pour fidéliser ou attirer de nouveaux clients. Si le nouvel Okko Hotels Paris Gare de l’Est possède 170 chambres situées à même le quai N°1, l’hôtel dispose aussi de trois salles de réunions et, surtout, d’un Club de 420 m2 où brancher un ordinateur dans la journée entre deux rendez-vous ou en attendant un prochain train… De son côté, Marriott propose des espaces de travail dans ses hôtels à l’implantation business stratégique, par exemple au Courtyard Gare de Lyon, localisé au pied de la gare, ou au Sheraton Paris Airport, qui domine la gare Roissy TGV. Le groupe n’a en revanche pas encore sauté le pas pour créer de véritables lieux de coworking au sein de ses établissements.
Avec : voyages-d-affaires.com