Sao Paulo corrige peu à peu sa mauvaise réputation de jungle urbaine en s’imposant comme la ville la plus high-tech d’Amérique latine. Grâce à des solutions nouvelles, la mégapole revendique même le bien-vivre…
On connaît le Sao Paulo tentaculaire, forêt de gratte-ciel au-dessus de laquelle les grands dirigeants d’entreprise circulent en hélicoptère pour contrer les encombrements. Avec 12 millions d’habitants intra-muros, la ville n’en finit pas de s’étendre et compterait, selon les estimations, 20 à 23 millions d’âmes si l’on inclut son agglomération. On connaît aussi la puissance de la capitale économique du Brésil, et de son État qui génère 30 % du PIB et 40 % de la consommation du pays.
La croissance de la mégapole, parmi les 15 plus riches au monde, reste soutenue. Et ce, malgré les déboires que subit actuellement le Brésil. Car le pays est entré en récession, un phénomène inédit depuis plus de 20 ans. Ces problèmes pourraient d’ailleurs perdurer quelque temps, puisqu’à la déprime de la septième économie mondiale s’ajoute une crise politique, la popularité de la présidente Dilma Roussef étant au plus bas depuis la révélation du scandale de corruption qui touche le groupe pétrolier public Petrobras.
Pour surpasser cette crise, Sao Paulo a cependant de beaux atouts en main. Capitale brésilienne du luxe – on y consomme près de 60 % des produits haut de gamme du pays–, c’est aussi la quatrième puissance aéronautique de la planète grâce au succès du constructeur Embraer. Ce que l’on connaît moins, c’est la volonté de Sao Paulo de se métamorphoser. La jungle de béton se cherche un visage humain ! Cette transformation, on la doit en partie à Fernando Hadda, ancien ministre de l’Éducation et maire de Sao Paulo depuis janvier 2013, qui multiplie les initiatives en faveur d’une cité plus vivable et respirable. “La réhabilitation de l’espace urbain est une tendance actuelle très forte, remarque Cristina Afonso, chef du pôle Art de vivre et Santé pour Business France Sao Paulo. Ici, les rues sont peu propices à la flânerie. On vit beaucoup enfermé. Or, l’idée du maire est de permettre aux habitants de se réapproprier leur ville en promouvant des activités extérieures, par exemple en interdisant le dimanche les voitures sur la célèbre avenida Paulista afin qu’ils puissent s’y promener, danser, parfois même pique-niquer.”
MISE AU VERT
Parmi les initiatives montrant combien Sao Paulo entend s’aligner sur les métropoles les plus avancées en matière de politique écologique, on note le développement de “Bike Sampa”, un système équivalent au Vélib’ parisien et sponsorisé principalement par des banques comme Itaú Unibanco. En conséquence, des pistes cyclables ont vu le jour il y a un an, d’abord sur des parcours éphémères et des rues temporairement fermées à la circulation. Mais le succès de l’initiative a été si retentissant qu’un réseau officiel de 120 km a rapidement ouvert, avant d’atteindre les 400 km fin 2016. De même, le viaduc de Minhocão, désormais fermé aux voitures le dimanche, va devenir un jardin suspendu.
La liste des projets urbains s’allonge, largement saluée par une population lassée de voir sa ville décatir, des zones entières être abandonnées ou squattées. Même si les premiers gestes de secours peuvent sembler dérisoires – comme l’installation de bancs publics –, il convient de rappeler que Sao Paulo part de très loin. Cinquième mégalopole du monde après Tokyo, Delhi, Shanghai et Mexico, c’est une ville asphyxiée par le trafic automobile. En 2012, on comptait 1,9 véhicule par habitant. Un chiffre colossal dû au fort développement de la consommation des classes moyennes ces dix dernières années ; dû aussi à une circulation alternée selon les numéros d’immatriculation, incitant pernicieusement les Paulistains à posséder deux voitures.
Alors, pour parer à cela, la ville développe ses transports en commun. Les 200 km de couloirs de bus récemment créés devraient passer à 350 km d’ici la fin de l’année 2016. “Malheureusement, et c’est un des problèmes du Brésil, son système politique est divisé en plusieurs niveaux, local et fédéral. Ce qui ralentit le développement des infrastructures”, conclut Cristina Afonso. À la municipalité de Sao Paulo, la gestion des bus, à la région celle du métro : ce vrai casse-tête fait parfois perdre du temps.
Voilà pourquoi le moteur du renouveau urbain se situe dans l’alliance entre l’État et la ville, mais aussi et surtout… entre les nouvelles technologies et les quartiers en mutation. “Nous avons compris qu’il fallait encourager les jeunes entreprises du domaine de la tech, de plus en plus nombreuses à Sao Paulo, afin de les aider à trouver des solutions innovantes génératrices d’emplois, mais aussi de repeupler des quartiers devenus dangereux au fil des ans”, analyse Michel Porcino, conseiller en technologie à la mairie de Sao Paulo. “Nous avons commencé par le programme Vai Tec, en janvier 2015, offrant une bourse de 25 000 réais (NDLR : soit près de 8 000 euros à cette date) à 67 entrepreneurs dont les technologies visent à améliorer la vie urbaine”, poursuit l’expert. À l’automne 2015, la première édition de la Tech Week a été organisée à l’initiative de la ville et a rassemblé 25 000 personnes, venues de tout le Brésil, mais aussi du Japon ou des États-Unis. “C’est une façon de soutenir l’écosystème high-tech et de multiplier les business angels, les incubateurs, les think tanks…”, explique Michel Porcino.
REDONNER SON ÂME AU CENTRO
La Tech Week chapeaute aussi tout un développement urbain avec un nouveau cluster au coeur du Centro, le quartier historique de la ville. Reine déchue en oripeaux, ses magnifiques édifices des années 1900 sont aujourd’hui chancelants. Et ses rues pavées, si elles sont animées le jour par les employés des banques et des administrations, deviennent largement moins fréquentables une fois la nuit tombée. Aussi, proposer aux start-up de s’installer dans des immeubles délaissés en leur faisant bénéficier de réductions fiscales est une façon deredynamiser le centre et d’attirer une population jeune, avide de culture et de sorties. “On parle déjà d’un ’Digital Downtown’ et l’on voit peu à peu apparaître des espaces de coworking, mais aussi des fondations pour l’art contemporain, des bars, des restaurants, une vie citadine vibrante”, conclut Michel Porcino. “Nous voudrions que le Centro devienne une sorte de Airbnb pour start-up”, enchaîne Gustavo Assunção Faria, directeur de Sao Paulo Negócios, agence en charge de promouvoir l’investissement dans la ville. L’objectif fixé est d’attirer une centaine de start-ups d’ici deux ans et de séduire, à terme, un nouveau type de résidents.
Déjà, les prix de l’immobilier commencent à grimper dans le quartier historique. Mais d’autres zones sont également visées par ce projet de nouvelle Silicon Valley d’Amérique du Sud. En 2016, douze fablabs, d’ateliers de fabrication numérique, seront créés à travers la ville, le premier d’entre eux dans le Centro, mais la plupart à la périphérie afin d’éduquer les populations les moins favorisées et leur offrir un accès gratuit à la technologie. L’est de Sao Paulo, où vivent quatre millions de personnes, fait partie des priorités. “Environ 1,8 million de personnes des quartiers Est font chaque jour un long trajet pour aller travailler. Nous voulons donc créer de l’emploi dans cette zone en proposant des réductions fiscales à des entreprises d’envergure, pouvant offrir un nombre important d’embauches avec des call et data centers, des hôpitaux, des universités…” , conclut Gustavo Assunção Faria. Réduire la transhumance quotidienne et créer de l’emploi : un coup double qui pourrait bien accélérer la belle métamorphose urbaine de Sao Paulo.
Sécurité
Brasilian parano
Le Brésil est une terre contrastée, qui attire et inquiète tout à la fois. Sur les 50 villes les plus dangereuses au monde, 16 sont brésiliennes. Laurent Serafini, policier français en disponibilité, est venu en mission au Brésil à la fin des années 2000, puis est revenu dans le secteur privé pour y offrir des prestations de haut niveau aux voyageurs d’affaires… Pour lui, le problème numéro 1 du Brésil, c’est le “arrastão” – littéralement, la bousculade –, un type de vol à main armée opéré en groupe dans les hôtels, les restaurants, les résidences ou sur les plages. “Le principe est de ralentir les gens, de les encercler, puis de les dépouiller de toutes leurs affaires…”, explique l’expert de la sûreté aujourd’hui à la tête de Velours International, implanté à Sao Paulo et Rio.
Autre problème, culturel celui-là : on ne sent pas l’insécurité, et l’on ne se méfie pas. Les gens sont gentils, l’atmosphère souvent festive. “Et pourtant, le Brésil est le pays comptant le plus d’homicides au monde : 60 000 par an, contre environ 700 en France, la plupart liés au trafic de drogue”, poursuit Laurent Serafini. Avec 4 000 homicides par an, l’État de Sao Paulo est, paradoxalement, le plus sûr du Brésil. À tous points de vue. On peut y héler un taxi dans la rue sans courir de risques. À Rio en revanche, les taxis sauvages sont fréquents. Aussi, pour éviter la confusion, on les prend depuis les hôtels, ou bien on télécharge des applis comme 99 Taxis. Mais, surtout, on évite de les appeler depuis la rue pour ne pas se faire arracher son portable. En restant vigilant, sans tomber dans la parano, on aborde alors son voyage sur le mode “tudo bem”.
Les 10 commandements de la sécurité à Sao Paulo et Rio
Pour se prémunir du danger
• Éviter les quartiers considérés comme dangereux, notamment en demandant à l’hôtel où aller et où ne pas aller.
• Si l’on remarque des pickpockets, opérant généralement en groupe, se réfugier immédiatement dans un café, un restaurant ou un lieu public. Si l’on voit des gens suspects devant chez soi, contourner le bâtiment et appeler la police.
• Lorsqu’on loue une voiture, ne pas se fier au GPS qui peut conseiller de traverser des favelas dangereuses, et d’une manière générale, bien se renseigner sur les routes à prendre ou à ne pas prendre.
• Ne jamais laisser son verre sans surveillance dans un bar, ne jamais se laisser offrir un verre ou à manger. La GHB,
la drogue du violeur, circule facilement au Brésil.
• Faire une photocopie de son passeport et la garder avec soi, plutôt que son passeport lui-même.
• Avoir toujours au moins 50 à 100 réais en poche – et non tout son argent – afin d’avoir de quoi donner en cas de problème.
• Ne pas se fier à une impression trompeuse. Si les agresseurs ne semblent pas violents a priori, ils sont toujours armés.
En cas d’agression
• Ne jamais résister : remettre tout son argent et ses objets de valeur.
• Ne pas tenter de fuir.
• Ne pas tenter de raisonner ses agresseurs.
• Ne pas dévisager les agresseurs qui risqueraient de tirer, de peur d’être reconnus et dénoncés à la police.
Avec : voyages-d-affaires