Reportage et photos Florian Guillemin.
Un demi-siècle après le Summer of Love, un parfum de liberté flotte encore dans les rues de San Francisco. Et ce n’est pas seulement parce que la Californie a légalisé la marijuana à usage récréatif en 2016… Les bobos-geeks ont remplacé les hippies, les concerts de rock ont cédé la place aux “keynotes” business, mais l’effervescence est encore là. Le secteur high-tech, autrefois cantonné à la Silicon Valley, se rapproche du centre-ville, les géants du web entendant attirer les jeunes talents en leur offrant un cadre de vie plus vivant.
Un quartier cristallise cette tendance : SoMa, acronyme de South of Market Street, qui connaît depuis quelques années une vraie renaissance. Longtemps marginalisée – voire carrément laissée en décrépitude -, cette zone d’entrepôts peuplée de sans-abris s’impose comme le quartier montant de San Francisco. Les start-up fleurissent dans l’ombre des quartiers généraux inaugurés par tous les géants de la toile. Si la gentrification est en cours, elle n’est pas encore achevée. L’ambiance est donc hétéroclite. Selon les rues et les heures, on passe vite du “bobo” au “hobo”, surnom des nombreux sans-abri que l’on croise à San Francisco. À terme, les food trucks et les espaces de coworking sont cependant promis à remplacer les zones en friche.
Hier infréquentable, le SoMa est aujourd’hui inabordable…
L’essor du quartier ne va pas sans dommages collatéraux. Le trafic sature, les loyers des habitations et des bureaux explosent, “Frisco” ayant même détrôné Manhattan au classement des destinations américaines les plus onéreuses pour installer une entreprise. Hier infréquentable, le SoMa est aujourd’hui inabordable… Pour faire face à la demande, le quartier s’étend vers le Nord et grignote sur le Financial District. En sous-sol, le projet de métro baptisé Central Subway doit améliorer la connectivité et soulager la circulation. En surface, les gratte-ciel s’élèvent pour augmenter le parc de logements et de bureaux.
Comme un symbole, le plus haut bâtiment de la ville – 326 mètres – sera inauguré dans quelques mois dans le SoMa : la tour Salesforce. À la gloire d’un acteur clé de l’ère numérique bien sûr.
SoMa, nouvel épicentre high-tech
Le SoMa est peut-être aujourd’hui le meilleur endroit sur terre pour approcher un troupeau de “licornes”, ces entreprises dont la valeur a atteint la barre symbolique du milliard de dollars. Au cours des dernières années, elles se sont en effet rassemblées dans le nouveau quartier d’affaires de San Francisco. D’Ouest en Est, se succèdent les bureaux de Twitter, Yahoo, Uber, Slack et Google. Facebook rejoindra bientôt cette liste qui commence à ressembler à un Hollywood Boulevard 2.0. Ses responsables souhaiteraient notamment y installer les salariés d’Instagram, la célèbre application de photographie rachetée en 2012.
Mais la véritable icône du quartier a pour nom Airbnb. Le géant de l’hébergement collaboratif vient d’emménager au 999 Brannan Street, en plein cœur du SoMa, ajoutant ainsi près de 15 000 m² à ses bureaux voisins, situés au numéro 888 de la même rue. Une nouvelle preuve de fidélité au quartier qui l’a vu naître. C’est ici en effet que les fondateurs du site avaient loué leur premier matelas gonflable, “airbed” en anglais, lançant le concept de l’hébergement collaboratif et plus globalement l’économie du partage… Si l’idée a essaimé à travers la planète, l’adresse d’Airbnb demeure elle – presque – inchangée.
Les rançons du succès
L’attractivité qu’exerce le SoMa auprès des géants du numérique contribue à la prospérité de toute la ville. “San Francisco est en train de vivre une période de croissance sans précédent”, se félicitait en mars dernier Mario Alioto, président du conseil d’administration de la Chambre de Commerce. Cette belle dynamique ne va pas sans contraintes. La Mecque de l’économie collaborative a logiquement adopté le mode de vie insufflé par Airbnb ou Uber. En conséquence, les locations entre particuliers ont explosé, contribuant à la flambée des loyers. C’est particulièrement vrai dans le SoMa. A tel point que les salaires, pourtant confortables, que versent les géants du numérique à leurs employés qualifiés ne leur permettent plus de se loger à proximité de leur lieu de travail. Quant à la multiplication des véhicules Uber ou Lyft, elle a aggravé la saturation du trafic. En 2016, les automobilistes ont passé 82,6 h dans les embouteillages à San Francisco, contre 56 h en 2014. Selon le cabinet spécialisé Inrix, il s’agit de la 3e ville américaine la plus saturée. Or les deux géants du VTC comptent pour plus de 20 % des véhicules en circulation…
Ces deux facteurs conjugués – congestion du trafic et flambée des loyers – menacent la position de San Francisco sur la scène high-tech. Les grand’ messes du secteur commenceraient à déserter le pôle de conférence du Moscone Center – en cours de rénovation – pour des destinations moins onéreuses et plus faciles d’accès. Facebook et Apple ont ainsi délaissé San Francisco pour organiser leurs événements au centre de conférences McEnery, à San José…
S’Y RENDRE
Air France et United sont les deux seules compagnies à proposer toute l’année des vols directs et quotidiens entre Paris-CDG et San Francisco International Airport (SFO). Pendant l’été, Air France double même son programme en ajoutant un A380 en renfort du B777-200 utilisé habituellement. Pour sa part, XL Airways assure jusqu’à trois vols par semaine de début juin à fin septembre. En ouvrant la recherche aux vols avec escale, l’éventail de possibilités devient beaucoup plus étendu, notamment via Zurich avec Swiss. La compagnie helvétique intègre progressivement ses nouveaux Boeing 777-300ER sur les vols long-courrier, et développe le wi-fi en vol. Le nouvel avion vedette de la compagnie s’est installé sur l’axe Zurich-San Francisco en février 2017. La montée en gamme est saisissante pour les voyageurs habitués à l’A340 utilisé jusqu’ici, tout particulièrement en classe affaires. Depuis Paris, l’escale à Zurich est d’autant moins contraignante que Swiss investit également dans les services au sol, avec notamment l’inauguration de trois nouveaux salons au sein du Terminal E du hub helvétique. Autres options, elles aussi avec escale : British Airways via Londres Heathrow, ainsi que Lufthansa via Francfort. De l’autre côté de la baie, l’aéroport d’Oakland se pose en alternative et attire depuis peu les compagnies low-cost long-courriers comme Norwegian et Level.
San Francisco en chiffres
N°1
San Francisco est en tête du classement Global Cities Outlook 2017 publié par A.T. Kearney. Le cabinet d’audit américain estime que “Frisco” est la destination qui a le plus fort potentiel pour attirer investissements, populations et nouvelles idées au cours des prochaines années.
2/10
2 des 10 meilleures universités au monde à San Francisco : Stanford et UC Berkeley.
+14%
En 2015, San Francisco a doublé Manhattan au premier rang des destinations américaines où le loyer des bureaux est le plus élevé, selon le spécialiste de l’immobilier CBRE. Les tarifs ont enregistré une hausse de 14%.
288 $
C’est le prix moyen d’une chambre double d’après le Bloomberg World Hotel Index 2017. San Francisco est désignée comme la plus onéreuse des 100 destinations analysées. Et pointe à la 4e place pour les locations Airbnb.
3 396 $
C’est le loyer moyen d’un appartement avec une chambre dans le SoMa. Ce qui équivaut à 54 % du salaire d’un cadre senior d’Airbnb (Source : Redpad).
San Francisco : SoMa, une Silicon Valley en centre-ville
Avec : voyages-d-affaires.com